Un jeune patron milliardaire de la Silicon Valley passé au grill des questions par les sénateurs américains… c’est le spectacle qu’a offert hier Mark Zuberberg pendant cinq heures. Une torture pour cet homme aussi timide que brillant. Sur la vidéo de l’audition retransmise par le Sénat américain, Dick Durbin, sénateur démocrate de l’Illinois, interroge au bout de deux heures le fondateur de Facebook, le réseau social aux deux milliards de membres : « Monsieur Zuckerberg, consentiriez-vous à nous dire dans quel hôtel vous êtes descendu hier soir ? » Réponse gênée : « Euh, non. » Dans l’assistance, des gens explosent de rire. Et Dick Durbin d’enfoncer le clou : « De même, verriez-vous une difficulté à nous dévoiler les noms des personnes auxquelles vous avez envoyé des SMS ces derniers jours ? ». Réponse de l’intéressé : « Je préférerais probablement ne pas le faire ici en public. » Pince-sans-rire, le sénateur enchaîne : « C’est toute la question, le droit à la vie privée et les [droits] que les citoyens, dans l’Amérique moderne, sont prêts à abandonner au nom de l’intention, je cite, de « connecter les gens dans le monde entier ». »
Des manipulations de données et des mécanismes très complexes
Rappelons les faits qui sont reprochés au plus célèbre des réseaux sociaux. Au service de Donald Trump pendant sa campagne électorale et du mouvement Leave.EU, en faveur du Brexit en 2016, le cabinet d’analyse Cambridge Analytica a collecté – sans leur consentement direct – les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook. Un record en la matière ! Selon le magazine américain Wired, « Cambridge Analytica a alors pu accéder aux messages privés de certaines des personnes concernées. » Facebook est alors accusé d’avoir favorisé la victoire de Donald Trump avec la mise en place de « bulles idéologiques », à savoir une sorte de filtre qui affiche des informations identifiées comme conformes aux idées de l’utilisateur. Les fake news, qui ont déferlé tel un tsunami pendant la campagne pour le Brexit et la présidentielle américaine, ont piégé les internautes dans un univers de pensée qui exclut le débat idéologique. En d’autres termes, il s’agit d’un mécanisme d’influence non avoué.
Acte de contrition aux Etats-Unis, silence pour l’Europe
Dans le cérémonial politico-médiatique américain – et pour redresser le cours de son action en Bourse -, le fondateur de Facebook devait absolument faire acte de contrition. Et de battre sa coulpe en disant : « Nous n’avons pas fait assez [d’efforts] pour empêcher ces outils d’être utilisés de façon malintentionnée. Nous n’avons pas pris une mesure assez large de nos responsabilités et c’était une grave erreur. C’était mon erreur personnelle et je suis désolé. » Pour l’heure, Mark Zuckerberg ne prend pas autant de pincettes avec les autres régions du monde. En effet, il a même déclaré qu’il ne se rendrait pas en personne devant le parlement britannique. Quant à la demande de la Commission européenne, datée du 6 avril, elle est restée lettre morte. Pourtant, pas moins de 2,7 millions de citoyens et résidents européens ont vu leurs données personnelles dérobées, comme le précise La Tribune. A l’approche de l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, le 25 mai prochain, cette affaire ne manquera pas d’avoir valeur de test pour l’UE.
Erick Haehnsen
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