Dispenser des soins à un patient, une personne âgée ou handicapée ne doit pas forcément être synonyme d’effort physique pour le professionnel de santé. C’est du moins l’une des recommandations du réseau prévention, qui rassemble notamment l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), des Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et Eurogip, un cabinet spécialisé dans les études stratégiques européennes en sécurité et santé au travail. Ces acteurs veulent sensibiliser aux questions de prévention et au zéro port de charge dans les hôpitaux et les cliniques ainsi que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les structures d’aide ou de soin à domicile. De quoi préserver la santé des professionnels de soin et d’aide au patient dont la situation est alarmante. Le secteur connaît en effet un nombre grandissant de troubles musculosquelettiques, chutes, glissades et risques psychosociaux. Des pathologies auxquelles sont particulièrement sensibles les professionnels les plus âgés. Parmi lesquels, les intervenants à domicile qui ont, en moyenne, 45 ans.
Une nouvelle approche en vue
La question de la prévention n’est pas nouvelle pour le secteur de la santé et des soins. « Des campagnes de prévention ont été menées depuis une dizaine d’années sans réussir à juguler ces problèmes mais nous avons désormais bon espoir d’inverser cette courbe », rapporte Carole Gayet, pilote de la thématique Aide à la personne à l’INRS. L’espoir vient en effet d’un changement de stratégie qui repose sur le zéro port de charge. Une véritable révolution culturelle s’annonce pour les professionnels de santé et de soin. Historiquement, la démarche revient au groupe hospitalier Saint-Joseph. Pour épargner le personnel soignant sans altérer le confort de ses patients, cet établissement a investi massivement il y a dix ans dans des aides techniques entièrement intégrées dans les soins. A l’instar des draps de glisse qui permettent de redresser une personne alitée sans risque pour le personnel, ou de l’aménagement de lève-personne sur rail suspendu au plafond dans les services de réanimation et l’unité de soins continus. A noter aussi : le déploiement d’aides mécanisées au déplacement des lits « Bed Mover » pour faciliter le travail des brancardiers tout en sécurisant le transport du patient. « Grâce à ces équipements, l’absentéisme et les maladies professionnelles ont diminué de manière spectaculaire », indique la préventeuse de l’INRS. Tirant les leçons de cette pratique, l’organisme a décidé d’intégrer le zéro port de charge dans les formations continues pour la prévention des risques liés à l’activité physique en secteur sanitaire et social (PRAP 2S). Pour les professionnels, l’enjeu n’est pas seulement de savoir utiliser les aides à la manutention mais aussi de tenir compte de la capacité du patient à se servir de ses bras, jambes, bassin… de sorte à entretenir la motricité des membres, tout en renforçant la relation patient-soignant.
Une révolution culturelle en ordre de marche
Cette approche promet de se développer dans les maisons de retraite grâce au dispositif de formation HAPA (Hébergement et accueil de personnes âgées). Créé en coopération avec l’INRS et le syndicat national des établissements et résidences pour les personnes âgées (Synerpa), il s’adresse à l’ensemble du personnel de soin qui est formé au PRAP 2S. Ce dispositif, qui existe depuis plusieurs années, s’adresse aussi aux dirigeants d’Ehpad qui doivent désigner un animateur de prévention. Désormais, la formation HAPA sensibilisera au zéro port de charge le dirigeant et l’animateur de prévention. Lesquels auront pour mission de relayer cette approche auprès des personnels de soin. « Nous avons d’ailleurs mis en lumière cette démarche avec dix vidéos qui sont visibles sur le Net », rapporte Carole Gayet, qui estime que la révolution culturelle est en ordre de marche. Dans cette perspective, l’INRS compte faire bouger aussi bien la formation continue que la formation initiale de sorte que le zéro port de charge s’intègre naturellement dans les processus de soin. Cette révolution intéresse non seulement les patients et les professionnels de soin et de santé mais aussi les employeurs. En effet, elle va contribuer à limiter l’absentéisme tout en attirant de nouveaux candidats aux métiers d’aidant et de soignant.
Eliane Kan
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