Sur saisine de la Direction générale du travail (DGT), de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Pierre Barbey, maître de conférences en biologie cellulaire à l’Université de Caen-Normandie, et Dr Christine Gaudron ont rédigé le livre blanc intitulé »Surveillance radiologique des expositions des travailleurs » qui est paru en juin dernier. En amont des évolutions réglementaires visant à transposer la directive 2013/59/Euratom, l’objectif de cet ouvrage est de reposer les fondements de la surveillance radiologique des travailleurs et d’en redéfinir l’organisation en proposant de nouvelles démarches.
En effet, on constate une hétérogénéité dans la mise en œuvre de la prévention selon les secteurs d’activité et les entreprises, conduisant à une inégalité dans la protection des travailleurs vis à vis du risque lié aux rayonnements ionisants (RI). Cette hétérogénéité découle, pour partie, de la construction réglementaire fondée sur la spécificité historique accordée aux rayonnements ionisants, issue d’un traité européen distinct de celui portant le droit commun applicable en matière de prévention des risques professionnels.
Partageant les orientations portées par le considérant 8 de la directive précitée qui appelle à transposer cette dernière en cohérence avec les principes généraux de prévention, les auteurs affirment la nécessité d’une meilleure articulation des dispositions réglementaires liées à la radioprotection avec celles concernant les autres risques. Ceci constitue le socle des recommandations en vue d’une protection des travailleurs mieux harmonisée et plus équitable, quel que soit le risque.
Sur le fondement d’un socle réglementaire commun à la protection des travailleurs, une déclinaison par secteur d’activité se voit recommandée, de façon à offrir une adaptation graduée des moyens de prévention, adaptée à la nature et à l’ampleur du risque. Dans cette approche, qui met plus l’accent sur les objectifs que sur les moyens, le rôle accru des instances de dialogue social et de l’inspection est souligné pour garantir la mise en œuvre de la réglementation.
Dans ce contexte d’approche globale des risques, la notion actuelle de « travailleur exposé » est jugée trop restrictive. Une nouvelle définition tirerait profit en évoluant vers la notion de « travailleur soumis à un risque RI » dans le souci de ne pas écarter certains travailleurs du dispositif gradué de radioprotection. Au sein de ce dispositif, le concept de Valeur d’exposition déclenchant une action de prévention renforcée (VDA) est un élément déterminant d’une approche graduée.
Par ailleurs, il faudrait élargir aux personnes compétentes en radioprotection (PCR) l’accès aux informations dosimétriques pour favoriser leur réactivité et renforcer leur rôle en matière de prévention. Bien sûr, cela impliquerait, pour la PCR, une redéfinition de son statut conduisant à une responsabilité accrue. Ensuite, les auteurs prônent une ouverture vers des modalités de surveillance des expositions, plus pertinentes, adaptées et garantissant leur caractère opérationnel, applicable et contrôlable. Autre recommandation : mettre en œuvre des guides sectoriels – élaborés par les acteurs de la radioprotection et approuvés par les autorités – qui définiront les moyens permettant d’atteindre les objectifs généraux.
Au final, les auteurs privilégient une approche graduée qui s’inscrit dans la démarche de simplification conduite par le gouvernement. Sa déclinaison réglementaire doit permettre aux acteurs de terrain de définir les moyens à mettre en œuvre, sans pour autant remettre en cause la responsabilité première de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels.
Erick Haehnsen
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