Selon le baromètre dont le club d’entreprises Cancer @Work nous livre les premier chiffres, les tabous autour du cancer en entreprise sont toujours prégnants. Facteur discriminant, perte d’emploi, difficulté à retrouver un poste… le parcours des personnes guéries d’un cancer est semé d’embûches.
« Trop faible pour travailler », « Une rémission n’est jamais définitive », « Bon pour la casse »… Après avoir réussi à combattre le cancer, les personnes qui travaillent ne sont pourtant pas au bout de leur peines : il existe un tabou tenace dans le monde de l’entreprise, visant à discriminer les personnes atteintes d’un cancer, à les empêcher de recouvrer leur poste ou à en trouver un nouveau. Pour lever l’omerta qui pèse sur cette situation, le club d’entreprises Cancer @Work a fait du cancer professionnel son fer-de-lance. Tous les trois ans, il fait le point sur la prise en compte des situations de cancer en entreprise afin de dénoncer les situation discriminantes. A l’approche des résultats de 2019 qui seront publiés le 10 Octobre, l’association nous a livré quelques chiffres. Révélations.
Un tiers des travailleurs perd leur travail durant leur maladie
En guise de préambule, c’est le couperet qui tombe : « Plus de 1 000 personnes par jour apprennent qu’elles ont un cancer. La moitié d’entre elles travaille » . Or, dans le cas où le malade survit, il lui est très difficile de retrouver une situation professionnelle normale. Jugées inaptes à travailler, trop faibles, ou en rémission incomplète, 30 % des personnes atteintes d’un cancer quittent ou perdent leur emploi. Parmi elles, 70 % ne retrouvent pas une activité professionnelle deux ans après leur diagnostic, rappelle l’association Cancer@Work.
La parole se libère timidement
Depuis 2013, date à laquelle l’association a réalisé son premier sondage, la situation ne s’est que sensiblement améliorée… « Nous avons réalisé un premier baromètre sur un échantillon représentatif de la population active pour connaître les besoins et la perception des actifs sur le sujet et 73 % d’entre eux considéraient que c’était tabou d’en parler », confie Anne-Sophie Tuszynski fondatrice du club au site Emploi.handicap.fr. En 2016, ce chiffre baisse à 55 %. « Cela reste énorme mais il me semble que la parole se libère », estime la fondatrice qui se définit elle-même comme « Cancer Survivor ». Trois ans plus tard, l’entreprise ne semble toujours pas prête à ouvrir les yeux sur ce tabou : en corrélant les chiffres du sondage à la forte augmentation du nombre de nouveaux cas de cancer en France, le nombre d’actifs qui n’osent toujours pas révéler leur maladie à leur entourage professionnel n’a guère baissé, il s’est stabilisé à un sur deux.
Les employés réclament des actions de sensibilisation
Si les réticences à avouer la maladie demeurent, l’enquête note en revanche une demande croissante de la part des employés de mettre en œuvre des actions de sensibilisation au cancer professionnel. Il s’agirait notamment de former les représentants des ressources humaines, le management, les services de santé au travail ou encore les partenaires sociaux à ce type de situation. Mais aussi d’accompagner les personnes concernées, leur collègues ainsi que leurs proches.
Le complexe de la ligne blanche sur le CV
Pour rappel, le club d’entreprise a déjà réalisé en mars dernier une campagne de sensibilisation en partenariat avec l’agence FamouseGrey. Dans le collimateur, l’agence s’attaque au complexe de la ligne blanche sur le curriculum vitae d’un candidat, conséquence d’une inactivité et surtout d’une maladie longue comme un cancer. Considérée comme un facteur discriminant par les recruteurs, la période blanche est même devenue la cible des logiciels de recrutement « Applicant Tracking Systems » (ATS) : utilisés par 95% des multinationales et 50% des PME selon l’association, ces logiciels ont été conçus pour dénicher les CV contenant des périodes blanches et les rejeter. Une façon cynique de trier le bon grain de l’ivraie…
Une plateforme pour contourner ce facteur
Or, pour Cancer @Work, loin d’être une marque de faiblesse, la ligne blanche peut tout à fait devenir une source de compétence, à la condition de la signifier à son avantage. Pour aider les demandeurs d’emploi sortis d’un cancer à mettre toute les chances de leur côté, le club a eu une idée ingénieuse : il a créé une plateforme en ligne appelée The Unstoppable Résumé pour valoriser la période durant laquelle ces « Cancers Survivors » ont lutté contre la maladie en imaginant des « soft skills » comme la patience, la gestion du stress et le développement d’esprit d’équipe.
Écrite blanc sur blanc, il faut savoir que cette partie n’est pas lisible à l’œil humain. Or, pour les logiciels, un texte remplace bel et bien la ligne vide. Du coup, le CV n’est pas rejeté, mieux encore, les logiciels enregistrent les mots clés, et le tour est joué ! Reste au candidat l’occasion de valoriser les valeurs acquises durant la maladie au moment de l’entretien… Cette partie n’est pas visible mais permet aux logiciels de recrutement de ne pas exclure le profil de la personne.
Ségolène Kahn
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