Le tunnel de Nanterre-la-Défense, 15 000 mètres de boyaux serpentant sur les autoroutes A14 et A86, une capacité théorique de 100 000 véhicules par jour, entre dans sa seconde phase de réhabilitation. Au programme : multiplication des issues de secours, protection de la structure contre le feu et amélioration du système de ventilation.
En cas d’incendie, un tunnel mal conçu peut rapidement devenir un piège mortel pour ses usagers. Des épisodes dramatiques jalonnent la mémoire collective, qu’il s’agisse de l’accident du tunnel du Mont-Blanc en 1999, du tunnel routier du Saint-Gothard en 2001 ou du tunnel du Fréjus en 2005. Par le biais d’une circulaire du 25 août 2000 puis d’un décret du 24 juin 2005, l’État impose la modernisation des ouvrages de plus de 300 mètres de long. La Direction interdépartementale des routes d’Ile-de-France (Dirif) s’est donc engagée dans la réhabilitation de 22 tunnels du réseau francilien. Parmi eux, le tunnel de Nanterre-la-Défense, très sensible car il est situé sous un centre commercial, les lignes du réseau ferré et le parvis de la Défense. « Le programme de modernisation vise à rehausser son niveau de performance contre le feu », souligne Vincent Roucou-David, responsable des opérations du tunnel.
Protection contre le feu
Au plus fort de l’incendie, l’intérieur du tunnel est un four capable d’atteindre une température de 1 300 °C en une demi-heure. « Le béton dans lequel sont construits les ouvrages pose problème », explique Philippe Millard, vice-président de l’Association française des tunnels et de l’espace souterrain (Aftes). « Sous une température trop importante, il éclate et se délite. » Pour éviter l’effondrement, les parois du tunnel de Nanterre sont garnies d’une épaisseur supplémentaire de plaques en silico-calcaire absorbant la chaleur. « L’objectif est de maintenir la voûte à une température maxi de 250 °C pendant un laps de temps donné (lire encadré) », explique Marc Dolizy, responsable protection incendie chez Promat, un fabricant de plaques pour bouclier thermique. « En revanche, pour certaines surfaces irrégulières ou dans des recoins inaccessibles, il faut les remplacer par du mortier projeté. » Les projections sont, par exemple, utilisées pour solidifier les pieds de fixation des caméras de vidéosurveillance afin d’éviter qu’elles ne se désaxent au cours de l’incendie.
Poste de commandement
Disposées tous les 100 mètres, ces caméras sont équipées d’un système de détection automatique d’incidents (DAI), capable de signaler automatiquement des anomalies au poste central de commande et de surveillance (PC), lui-même en liaison directe avec la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Le programme de modernisation des tunnels vise un objectif zéro mort… Pour (au moins) s’en approcher, mieux vaut détecter les incidents le plus rapidement possible. Pour le tunnel de Nanterre-la-Défense, un système de gestion technique centralisée (GTC), a donc été adopté : une solution informatique capable de relier, au sein d’un même réseau, tous les moyens humains et techniques mobilisés. Au cœur du tunnel, les équipes peuvent communiquer entre elles grâce à des ondes radios émises par un système de »câbles rayonnants », qui font partie intégrante du réseau filaire relié au PC de surveillance. En cas d’alerte, ce dernier doit exécuter trois actions simultanées : empêcher les nouveaux usagers d’entrer en actionnant des barrières de sécurité télécommandées, organiser les secours et démarrer le système de ventilation du tunnel.
Renouvellement de l’air
L’aération du tunnel consiste en deux conduits invisibles débouchant l’un sur l’intérieur du tunnel pour insuffler de l’air frais, l’autre sur l’extérieur pour évacuer les fumées. A savoir : la gaine d’extraction est reliée à de puissantes »usines de ventilations », véritables aspirateurs installés dans les murs qui éjectent les flux d’air vicié hors du tunnel à un débit de 240 m3 par seconde. Installés au plafond, des accélérateurs d’airs, munis d’hélices, se chargent de dissiper les épaisses fumées. S’il est plus efficace que la moyenne, le système de désenfumage du tunnel de Nanterre n’est pas encore satisfaisant. A savoir : « Dix kilos de pneus génèrent près de 20 000 m3 de fumées toxiques, qui peuvent s’échapper d’un poids lourd au rythme de 300 m3 par seconde », rappelle Jean-François Schmauch, ancien colonel des sapeurs-pompiers. Générant chaque seconde 60 m3 de fumée en trop…
La fuite vers les issues
« C’est une course contre la montre ! Les automobilistes ont intérêt à se dégager eux-mêmes, le plus vite possible », insiste Jean-François Schmauch. Pour donner l’alerte, une alarme à 120 décibels se déclenche, accompagnée de flash lumineux et de messages d’évacuation diffusés dans le tunnel. Une signalisation lumineuse orange, disposée le long des parois, guide les usagers vers les voies de sorties. Par ailleurs, des blocs lumineux verts auto-alimentés s’allument afin de matérialiser les issues. « Ces blocs résistent à de fortes températures », souligne Philippe Millard. « Ils se rechargent lorsqu’ils ne sont pas actifs mais démarrent à la moindre coupure de courant, pour une autonomie d’une à deux heures. » En revanche, tous les 200 mètres, les issues de secours restent éclairées en permanence. Une fois la porte poussée, s’ouvre la cage d’escalier donnant sur les rues au-dessus. Ou directement sur le parvis de la Défense.
© Guillaume Ferron, agence TCA/innov24
Evaluer la résistance avant l’effondrement
Les niveaux N0, N1, N1+, N2 et N3 correspondent à des degrés de résistance
de l’ouvrage, selon deux courbes de montée en température du tunnel
en fonction du temps. Respectivement nommées courbe Iso et HCM, il s’agit
en pratique de deux »cas de figure ». Iso simule une température passant
de 0 à 1 000 °C en deux heures. HCM est plus rapide : 1 300 °C en trente
minutes. A savoir : les tunnels sont constitués de plusieurs sections qui
répondent, indifféremment des autres aux différents niveaux. Des indications
utiles aux pompiers pour évaluer le temps restant avant effondrement
de la structure.
« A N0, l’ouvrage ne correspond à aucune courbe mais tient néanmoins
à 450 °C pendant deux heures », explique Aurélien Peniguel, ingénieur
du bureau d’étude Setec TPI. « N1 signifie que le tunnel résiste
à la courbe Iso. Pour N2, on ajoute la courbe HCM. Et à N3, plus haut
niveau de résistance, l’ouvrage tient une courbe Iso prolongée à quatre
heures. » Une particularité liée au tunnel de Nanterre : certaines sections
sont prévus pour résister à N1+. A savoir : Iso + HCM 60 minutes.
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