Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Travailler quatre jours pour mieux concilier vie pro et vie perso

Cette organisation du travail offre de nombreux avantages aux salariés. Mais aussi aux employeurs qui y gagnent en productivité tout en fidélisant leurs salariés et en attirant des talents. Et ce, à condition de bien préparer ce changement sous peine d’augmenter les accidents du travail ou les risques psycho-sociaux.

Travailler quatre jours sur cinq, une idée qui fait de plus en plus d’émules en France. Parmi lesquels, le Centre des jeunes dirigeants (CJD) qui y voit de nouvelles opportunités. À savoir motiver et fidéliser les équipes, recruter des talents, engranger une hausse de la productivité tout en réduisant les arrêts maladie et l’empreinte environnementale des entreprises. « Sur les 5 500 dirigeants qui adhèrent à notre mouvement, la moitié est prête à tester la semaine de quatre jours », rapporte son président Emeric Oudin, également président de l’entreprise Axe-Environnement.

Une journée en plus pour s’occuper de ses enfants

Spécialisée dans la protection individuelle et environnementale pour l’agriculture, elle compte dix-huit collaborateurs dont trois à la logistique. « Depuis un an, nous testons la semaine de quatre jours sans l’imposer à nos collaborateurs », rapporte le dirigeant de l’entreprise. Pour l’heure, ils ne sont que deux salariés (un collaborateur et une collaboratrice) à avoir sauté le pas. Point commun, ils ont des enfants en bas âge dont ils veulent s’occuper davantage. Du coup, pour compenser leur absence, ils acceptent de travailler plus longtemps durant les quatre jours où ils sont dans l’entreprise ou en télétravail. Emeric Oudin n’est pas surpris d’avoir si peu de volontaires. « La plupart des gens sont très résistants au changement, ils craignent de ne pas réussir à boucler leur mission et cela génère du stress », croit savoir le dirigeant qui prône le dialogue social pour apaiser les tensions. Ce qui lui permet d’être performant sur le plan économique avec 15 % de croissance par an.

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La semaine de quatre jours permet de se reposer, se former et mieux concilier vie pro et vie perso. © Lauren Mancke / Unsplash

De nombreux avantages pour les collaborateurs

Gageons qu’au fil du temps, d’autres volontaires accepteront de sauter le pas sachant que la semaine de quatre jours offre de multiples avantages. Selon les experts, elle permet de mieux concilier vie pro et vie perso, de se former pour acquérir de nouvelles compétences, de se reposer ou faire du sport ou encore de profiter davantage de sa maison et de ses proches. Autre avantage appréciable, le jour où ils ne se rendent pas au travail en voiture, ils engrangent des économies de carburant. Historiquement, le concept de la semaine des quatre jours a été soutenu et défendu en France dans les années 1990 par le député européen Pierre Larrouturou. Lequel y voyait un moyen pour réduire le taux de chômage et financer les retraites. La réduction du temps de travail s’est concrétisée avec la loi de Robien du 11 juin 1996. Laquelle accordait un allègement de charges aux entreprises qui acceptaient une réduction collective du temps de travail. Pendant ses deux ans d’application, ce dispositif abrogé par la loi Aubry sur les 35 heures, a fait l’objet de 3 000 conventions pour 280 000 salariés concernés.

Gains de productivité engrangés

Parmi les entreprises signataires, citons Yprema, spécialisé dans le recyclage des matériaux de construction qui était passé de 39 heures sur cinq jours à 35 heures sur quatre jours pour les salariés. Avec cette nouvelle organisation, la PME a gagné un mois de production par an car les machines travaillent plus longtemps. Pour pallier les absences, l’entreprise a formé des salariés afin qu’ils soient capables d’assurer quatre postes différents sur une semaine. En outre, les collaborateurs affectés aux fonctions support travaillent en binôme avec des jours de repos différent. En 2022, Claude Prigent, le président d’Yprema, veut aller un cran plus loin en passant d’ici deux ans à 32 heures hebdomadaires. De quoi ajouter de l’attractivité à cette entreprise qui vient de recevoir un des six trophées décernés par la Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (Cramif) pour son engagement en santé et sécurité au travail.

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Mal préparée en amont, la semaine de quatre jours peut créer des risques psycho-sociaux. © Sebastian Herrmann / Unsplash

Les limites à la semaine de quatre jours

Aussi séduisante soit elle, la semaine de quatre jours a aussi ses limites. D’ailleurs, sur les quelque 400 entreprises qui l’ont adoptée dans les années 2000, bon nombre comme Macif y ont depuis renoncé. Ce renoncement s’explique souvent pour des raisons sociales ou organisationnelles ou de performances économiques. Et ce, notamment dans les secteurs où les marges sont faibles. Parmi les motifs invoqués, le manque de préparation des entreprises. Dans ce cas, les résultats peuvent être catastrophiques si les collaborateurs se sentent tenus notamment d’accomplir les mêmes objectifs dans un temps de travail plus restreint. « En densifiant les journées de travail des opérateurs, le risque est d’amplifier leur fatigue et d’augmenter les accidents du travail ou les risques psychosociaux. Et in fine d’altérer la qualité des produits et la productivité de l’entreprise », comme le soulève la préventrice Jehanne Essa.

Nécessité d’établir un audit en amont

Pour éviter de tels écueils, cette responsable santé et sécurité recommande d’établir un audit préalable afin de s’assurer de la performance de l’entreprise. Et ce, tant en termes économiques et financiers qu’en matière de qualité des produits et de satisfaction des clients. À charge aussi pour l’entreprise de vérifier ses performances en santé, sécurité et qualité de vie au travail. « Il faut voir le passage à la semaine de 32 heures comme une conduite du changement à laquelle l’entreprise doit se préparer en anticipant les coûts supplémentaires induits par cette transition », rappelle la préventrice qui recommande de procéder au changement lorsque l’entreprise n’est pas en état de fragilité.

Eliane Kan

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