Un appel national visant à rendre la route plus sûre été signé par 660 entreprises représentant près de 2 millions de collaborateurs. Ces signataires s'engagent sur 7 mesures qui visent à limiter les risques d'accidents par une meilleure organisation et une sensibilisation des salariés aux risques routiers. Cette démarche est appelée à faire des émules sachant que, depuis le 1er janvier dernier, les employeurs doivent dénoncer leurs salariés ayant commis des infractions au code de la route, sous peine d'une amende.
Selon la Délégation à la sécurité routière (DSR), les accidents de la route sont la première cause de mortalité au travail. En 2015, 483 personnes ont ainsi perdu la vie dans un déplacement lié à l’activité professionnelle. Dans plus de 60% des cas, les accidents mortels ont pour cause principale la perte de contrôle du véhicule due à une vitesse excessive. Un comportement malheureusement répandu chez les automobilistes, comme le montre le 13ème baromètre Axa prévention sur le comportement des Français au volant. Parue en mars dernier, cette enquête, réalisée par Kantar TNS, révèle trois enseignements majeurs. 82% d’entre eux roulent au-dessus des vitesses autorisées, 77% ne s’arrêtent pas à un feu orange et 59% des personnes interrogées passent des appels, envoient des SMS ou utilisent leur GPS tout en conduisant.
Nouvel article du code de la route
Autant de comportements que les entreprises ont intérêt à traquer du fait de leur dangerosité. Mais aussi de l’entrée en application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. Le législateur a créé à cette occasion l’article L.121-6 du Code de la route qui impose aux employeurs propriétaires de véhicules utilisés par leurs salariés de révéler l’identité du conducteur ayant commis une infraction routière durant ses heures de travail. Sauf à établir l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure, l’employeur devra communiquer, sous 45 jours, l’identité et les coordonnées du salarié contrevenant. A défaut, l’entreprise risque de se voir infliger une amende de 750 euros. Cette nouvelle loi entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2017 implique que le salarié devra payer l’amende et qu’il perdra des points sur son permis de conduire. Les infractions concernées* portent sur notamment l’absence du port de ceinture de sécurité et le dépassement de la vitesse maximale autorisée.
Cette dernière infraction constitue d’ailleurs la première cause de mortalité sur les routes de France. Elle apparaît dans un accident mortel sur 3 comme le rapporte le bilan définitif 2016 de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière rendu public en juin dernier. Ces statistiques font état de 3.477 décès sur les routes de France métropolitaine. Les professionnels de la route en paient un lourd tribu avec une hausse de +8 % de décès chez les conducteurs de véhicules utilitaires alors que les statistiques demeurent stables pour les conducteurs de poids lourds. Signe que les formations dispensées auprès de ces professionnels produisent leurs effets.
Appel national à une route plus sûre
Certains transporteurs routiers, dont Transports Lacassagne, Transports Bompard ou encore TLR Robinet ont décidé d’aller un cran plus loin en rejoignant les signataires de l’appel national Route plus sûre. Lancé en 2016 à l’initiative de la délégation à la sécurité routière et de 21 entreprises, ce mouvement rassemble quelques 660 signataires parmi lesquels Airbus, Axa, Caisse des dépôts, Enerdis, Engie, Michelin, Orange, La Poste, etc. Près de 2 millions de collaborateurs sont concernés, indique le site internet entreprises.routeplussure.fr. Véritable centre de ressources, ce dernier propose aux entreprises d’évaluer leur politique de prévention, de signer l’appel et de télécharger le kit de communication afin de diffuser auprès de leurs collaborateurs les 7 engagements en faveur d’une route plus sûre.
En signant cet appel, leurs employeurs s’engagent, entre autres, à obliger les salariés à porter leur ceinture de sécurité, à encourager les conducteurs de deux roues à mieux s’équiper en leur fournissant des casques et gants certifiés et à développer des incitations favorisant l’usage d’équipements supplémentaires. Surtout, les signataires s’engagent à limiter aux cas d’urgence les conversations téléphoniques au volant. Rappelons que téléphoner au volant multiplie par 3 le risque d’accident. Or cette habitude est largement partagée par les salariés selon un autre sondage réalisé cette fois par l’Ifop en 2016. D’après cette enquête, près de 7 personnes sur 10 (69%) déclarent « répondre ou appeler un client, un collègue ou un prestataire alors qu’elles sont au volant ». En même temps, plus d’un salarié sur deux utilisant un véhicule professionnel estime que « le rythme de travail et ses objectifs nécessitent qu’ils répondent au téléphone en conduisant ». Selon ce sondage, 8% dépassent la vitesse autorisée lors d’un retard à un rendez-vous ou pour une livraison. Et 18% conduisent après avoir bu de l’alcool. Ils sont d’ailleurs un sur deux à avoir été incités à boire de l’alcool dans une situation professionnelle.
On comprend pourquoi les signataires de l’appel s’engagent à prescrire la sobriété sur la route. Par ailleurs, elles s’engagent à refuser les dépassements de vitesses autorisées. Les plus avancées s’obligent à ne pas placer un salarié dans une situation l’obligeant à commettre un excès de vitesse pour remplir leurs missions.
Intégrer les moments de repos
Parmi les 7 engagements figurent aussi l’intégration des moments de repos dans le calcul des temps de trajet.Il faut savoir qu’un accident mortel sur trois est dû à l’endormissement au volant sur l’autoroute. Par ailleurs, prendre la route avec un manque de sommeil ou rester volontairement longtemps au volant afin de parcourir plus de kilomètres provoquent les mêmes effets négatifs sur les capacités du conducteur que la présence d’alcool dans le sang.
Un risque que Salesky Transports prévient en permettant à ses livreurs de nuit de se reposer après leur tournée avant de reprendre la route pour se rendre à leur domicile. Ce temps de repos limite les risques d’accident. Par ailleurs, l’entreprise encourage les chauffeurs à faire des pauses s’ils se sentent somnolents. Le reste du personnel a été sensibilisé tout comme les clients de l’entreprise. « Ce qui garantit au chauffeur qu’il pourra se reposer à tout moment sans craindre de subir des pressions », rapporte docteur Joëlle Adrien, neurobiologiste, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INVS) qui a organisé cette année, avec la fondation Vinci Autoroutes, une table ronde intitulée »La somnolence au volant, comment sensibiliser les entreprises et leurs collaborateurs ? ».
Plusieurs entreprises y ont apporté leur témoignage dont Johnson & Johnson qui a lancé il y a une vingtaine d’années le programme mondial Fleet Safety qui est basé sur des actions de prévention.
Eliane Kan
* Les 12 types d’infractions routières concernées par le nouvel article du code de la route concernent : le non port de la ceinture de sécurité, l’usage du téléphone tenu en main, l’usage des voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules, la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence, le respect des distances de sécurité entre les véhicules, le franchissement et le chevauchement des lignes continues, les signalisations imposant l’arrêt des véhicules, les vitesses maximales autorisées et les dépassements (ex. : dépassements à droite).
L’innovation au service de la prévention des risques routiers
Pour améliorer la sécurité routière, la délégation à la sécurité routière a organisé un concours qui distingue les produits ou services innovants. Sur les 19 nominés quatre lauréats ont été retenus. Parmi lesquels, Liberty Rider propose une application mobile capable de détecter les accidents en deux-roues et d’avertir les secours. Idem pour Awaken Car. Cette startup propose un dispositif embarqué afin de prévenir les conséquences des accidents routiers. Il s’agit d’un boîtier connecté qui avertit le SAMU en temps réel lors d’un accident. Ce dispositif embarque une carte 3G et qui se branche sur la prise diagnostic de la voiture. Ce boitier embarque un accéléromètre, une puce GPS et une carte Sim. Grâce à quoi, lors d’un accident, le véhicule est géolocalisé et un message est transmis au Samu si nécessaire. Pour éviter les fausses alertes, la jeune startup a travaillé avec cet organisme pour déterminer à quel niveau il est nécessaire de transmettre une alerte. Pour cela, le logiciel embarqué analyse la vitesse, l’intensité du choc ou la réalisation de tonneaux. Avec l’application Awaken car téléchargée sur smartphone, le conducteur peut aussi connaître l’état de son véhicule pour mieux l’entretenir. Et éviter ainsi les risques de défaillance mécanique et d’accidents.
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