Alors que les mastodontes asiatiques ont su s'imposer, la mobilisation tricolore reste faible en matière de technologies de rupture telles que l'intelligence artificielle. Pourtant, selon l’AN2V, les retours d’expérience commencent à émerger.
Internet des objets (IoT) et objets connectés, identité numérique et authentification, big data analytique, intelligence artificielle (IA), homme augmenté, vision artificielle, mondes réel et virtuel, blockchain, plateformes intégrées véhicules et de services, détection des produits dangereux, illicites ou contrefaits… le Conseil des industries de la confiance et de la sécurité (CoFIS) a analysé une série de technologies de rupture avec leurs scénarios imaginables à l’horizon 2025, leurs forces, leurs faiblesses, ainsi que les menaces et opportunités pour les entreprises françaises.
Une compétition mondiale
L’une des technologies de rupture les plus polémiques concerne l’IA en raison de la souveraineté des développements technologiques et des données massives qu’elle concatène. Côté efficacité, « l’IA s’applique déjà à l’analyse d’images, à l’analyse de situations ainsi qu’à la cybersécurité, explique Jacques Roujansky, délégué permanent au Comité Stratégique de Filière (CSF) Industries de sécurité. Mais entre le savoir scientifique et technologique très fort en France et les applications commerciales de nos entreprises, l’écart est très grand face à leurs homologues chinoises et américaines. » En effet, nos start-ups en analyse vidéo, comme Aquilae et XXII, ont conçu des technologies qui commencent tout juste à se vendre sur le marché français. Tandis que des fabricants chinois comme Hikvision et Dahua sont déjà bien implantés sur le marché mondial.
Une souveraineté technologique à plusieurs vitesses
« Grâce à des caméras qui embarquent de l’IA, on bénéficie de fonctionnalités avancées comme la reconnaissance faciale couplée, par exemple, à du contrôle d’accès. Le système laisse donc passer la personne qu’il reconnaît ou, au contraire, lui bloque l’accès et déclenche une alarme, précise Arnaud Brouquier, président de l’Alliance nationale des intégrateurs de technologies (Anitec), née de la fusion en décembre 2018 entre le Syndicat des intégrateurs installateurs Courant faible (S2ICF) et le Syndicat français des professionnels de la Sûreté, Vidéosurveillance et Détection Incendie (SVDI) qui compte aujourd’hui 300 entreprises adhérentes. Pour les grandes installations, nos adhérents privilégient les solutions françaises, ou au moins européennes, de vidéo-analyse à base d’IA. Mais, pour les installations plus petites, ils s’intéressent aux solutions chinoises qui se révèlent beaucoup moins chères, technologiquement très avancées et très performantes, malgré des failles de sécurité. »
Développer la formation et mutualiser la R&D
Pour le président de l’Anitec, l’enjeu de l’IA porte clairement sur la protection des données. Et celle-ci passe, entre autres, par la sécurisation du réseau sur les sept couches du modèle OSI (Open Systems Interconnection) de l’ISO (International Organization for Standardization) : couche physique, liaison, réseau, transport, session, présentation, application. Pour y parvenir, les installateurs devront se former à la maîtrise des VPN (réseaux privés virtuels), des réseaux privés MPLS (Multiprotocol Label Switching)… « C’est aussi une opportunité importante pour le développement économique de nos entreprises : apporter une offre de sécurité globale et connectée, poursuit Arnaud Brouquier. Nous sommes en train de définir ces programmes de formation. En attendant, les systèmes d’IA qu’utilisent nos adhérents sont sur étagère. Cependant, je constate que de plus en plus de nos adhérents embauchent des développeurs. Ceux-ci vont d’abord générer des applicatifs métiers simples. Puis, plus tard, il s’agira de trouver les moyens de mutualiser des programmes de R&D. »
Douze retours d’expérience
L’Anitec n’est pas seule à définir ses programmes stratégiques. Le CSF Industries de sécurité est dans le même cas. « Nous sommes en pleine construction du contrat de filière dans lequel il y aura sans doute de l’IA, notamment dans le cyber et la vidéo intelligente », admet Jacques Roujansky. Pour sa part, l’Association nationale pour la vidéoprotection (AN2V) a un coup d’avance. En effet, elle organise ce jeudi 4 avril à Paris une conférence sur les vrais retours d’expérience en matière d’intelligence artificielle. « Nous allons parler de choses opérationnelles pour lesquelles des agents de sécurité utilisent des caméras intelligentes dans un contexte urbain, dans des sites privés ou dans le secteur du commerce. Nous avons la chance d’avoir le témoignage sur l’expérimentation de la reconnaissance faciale à Nice lors du récent carnaval. Ainsi que celui du directeur de la Police et de la sécurité civile municipales de la ville de Saint-Etienne en matière d’analyse audio, annonce Dominique Legrand, président de l’AN2V, qui a adressé un courrier à tous ses membres afin de faire remonter douze retours d’expérience. Nous n’avons pas reçu de proposition de la part des constructeurs asiatiques. Les acteurs qui acceptent de faire part de leur expérience de terrain s’appellent Anyvision, Aquilae, Confidentia, Evitech, Foxstream, Genetec, Gip, Idemia, Ivas Systems, Omnitech, Sensivic, Survision, UmboCV… » Affaire à suivre.
Erick Haehnsen
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