Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Surveiller la qualité de vie au travail pour limiter les risques de désengagement

En pleine mutation, de plus en plus d'entreprises mènent des plans d'actions pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT) de leurs employés. Des efforts dont elles mesurent régulièrement la portée grâce à des outils dédiés, qui les aident notamment à renforcer l'engagement des salariés.

Près de la moitié des salariés vivent tous les 12 mois un changement d’organisation du fait d’une réorganisation, d’une restructuration des services, d’une transformation des processus de travail, etc. Des mutations liées, entre autres, au besoin de réduire les coûts, améliorer la qualité des services ou des produits. « Ce phénomène touche aussi bien les grandes entreprises que les petites, mais aussi les services publics », rapporte Julien Pelletier, responsable de la priorité QVT de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Or, les études montrent que plus les entreprises se transforment de manière accélérée, plus l’inquiétude liée à l’emploi et le syndrome dépressif augmentent. « En effet, ces évolutions ont un impact sur la perception de la QVT, qui dépend notamment de l’organisation du travail et de la capacité des salariés à s’exprimer et à agir sur le contenu du travail », soulève Julien Pelletier. Lequel conseille aux entreprises d’évaluer les nouvelles organisations du travail en les expérimentant préalablement sur de petites unités avant de les déployer, de sorte à limiter le stress des salariés.

Baromètre de la QVT à la Banque Postale

De plus en plus d’entreprises sont conscientes du stress induit par les transformations de leur organisation. A commencer par le groupe La Poste (251 249 salariés dont 38% de fonctionnaires, parmi lesquels un tiers a 55 ans et plus) qui a vu ses métiers évoluer vers la livraison de colis et la banque postale. Ses collaborateurs, dont l’âge moyen est de 48 ans, ont été appelés au fil des années à exercer de nouveaux métiers, les confrontant à une forte augmentation des incivilités et du sentiment d’insécurité. Pour limiter l’impact de ces risques induisant de l’absentéisme, la Banque Postale a signé un accord sur la QVT en 2014 avec les organisations syndicales. Plusieurs programmes ont été lancés pour améliorer l’accompagnement du personnel via la formation, la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle avec, notamment, le droit à la déconnexion.
Les actions concernent aussi la qualité de la relation avec les clients, les collaborateurs et le management. Sans oublier la qualité du travail en termes d’organisation, de contenu de sens, d’accompagnement au changement et des conditions de travail. « A chaque nouvelle réorganisation, nous faisons une étude systémique pour voir son impact sur la vie quotidienne des salariés », indique Philippe Anfray, directeur des risques et du contrôle interne DRH à la Banque Postale lors de l’atelier sur « Les outils de la qualité de vie au travail, avantages/risques » organisé dans le cadre des 26èmes rencontres du Risk Management de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae). Quatre ans plus tard, le bilan est plutôt positif. « Nous n’avons pas réussi à baisser les incivilités mais nous en avons limité les impacts sur les collaborateurs grâce à la formation. En outre, l’absentéisme est maîtrisé, avec une baisse des absences inférieures à 3 jours. Quant au turnover, il est très limité avec un taux de 0,4% de démission par an », souligne Philippe Anfray. Pour maintenir ces résultats, l’entreprise a adopté des benchmarks et des baromètres sociaux. Le dernier en date affiche une satisfaction global des salariés de 68%.

La Banque Postale est intervenue aux 26èmes rencontres
de l'Amrae en février dernier à Paris.
© DR
La Banque Postale est intervenue aux 26èmes rencontres
de l’Amrae en février dernier à Paris.
© DR

Des logiciels pour mesurer la QVT

La Banque Postale n’est pas la seule organisation à surveiller de près sa QVT. C’est aussi le cas de Decathlon, n°1 au palmarès Best Workplaces France 2018* dans la catégorie des entreprises de plus de 5 000 salariés. Déjà lauréat en 2017, le groupe mesure régulièrement la satisfaction et l’engagement de ses salariés grâce à des sondages réalisés via la plateforme de la start-up Supermood.

Il existe d’autres outils pour mesurer la QVT des salariés. Outre certains éditeurs de logiciels de gestion des RH comme Eurecia, qui propose un module pour évaluer le bien-être des salariés, on dénombre une demi-douzaine de startups proposant un outil de mesure de la QVT. A l’instar de Bleexo, Bloom at Work, Our Compagny ou encore ZestMeUp. La plupart d’entre elles revendiquent des dizaines de milliers d’utilisateurs en France et à l’étranger, sachant que leurs plateformes sont disponibles en plusieurs langues. Rien qu’en France, le marché de la mesure de la QVT offre un potentiel de 1,5 milliard d’euros par an, selon le patron de Bloom At Work. Et pour cause, cet outil s’adresse aussi bien aux PME et ETI qu’aux grands comptes du CAC 40. Certaines entreprises, comme Decathlon ou Bouygues Construction, utilisent d’ailleurs plusieurs plateformes.

Détection des signaux faibles
L’utilisation de ce type d’outil permet de compléter la démarche de l’entretien annuel, en interrogeant régulièrement les employés. Certaines entreprises l’utilisent une fois par semaine, d’autres une fois par mois ou encore selon les besoins, lors d’un changement d’organisation, par exemple. Les questionnaires sont, en général, très courts. Ils peuvent porter sur la satisfaction des salariés, leur humeur ou sur des questions plus pointues. Par exemple : « Comment jugez-vous l’aménagement de votre bureau et comment l’améliorer ? » A noter que les réponses sont anonymisées, puis agrégées avant d’être analysées, le plus souvent par des algorithmes dédiés. Si nécessaire, des alertes sont alors transmises au responsable et accompagnées le plus souvent de conseil. Par ailleurs, le responsable RH peut comparer d’une période à l’autre l’indice de satisfaction des équipes ou des services entre eux, voire avec leur secteur. Grâce à ce type d’outil, les entreprises peuvent détecter des signaux faibles et suivre en temps réel l’engagement des salariés.

L'éditeur de solutions RH Eurecia propose un module
pour mesurer le bien-être des salariés,
qu'il utilise lui-même en interne. © Eurecia
L’éditeur de solutions RH Eurecia propose un module
pour mesurer le bien-être des salariés,
qu’il utilise lui-même en interne. © Eurecia

Le « Superlike » pour reconnaître les efforts de chacun

La plateforme Supermood, quant à elle, présente des questions tirées de thèses en psychologie du travail. Créée par deux ingénieurs dont Kevin Bourgeois, le CEO de l’entreprise, cette plateforme utilise des algorithmes de corrélation et de comparaison. « Nous sommes une vingtaine de personnes dont un psychologue du travail qui aide les employeurs à bien formuler les questions, analyser les résultats et définir une stratégie d’engagement des salariés vis-à-vis de l’entreprise, des managers et de leurs collègues », explique le dirigeant. Supermood recense ainsi une centaine de clients dont 1/3 appartient au CAC 40, ainsi que des startups et PME rencontrant des problématiques de croissance. Non contente de mesurer la QVT, la startup incite managers et salariés à reconnaître les efforts et les compétences de chacun grâce à un Superlike (inspiré du « like » présent sur les réseaux sociaux). Sachant que le manque de reconnaissance compte parmi les premiers facteurs de désengagement des salariés.

L'envoi d'un Superlike améliore la reconnaissance
dans les équipes et rebooste la confiance.
© Supermood
L’envoi d’un Superlike améliore la reconnaissance
dans les équipes et rebooste la confiance.
© Supermood

40 000 utilisateurs dans le monde pour ZestMeUp

L’engagement des salariés constitue un levier majeur de la performance des entreprises. D’où l’intérêt de le mesurer régulièrement. C’est aussi ce que propose la startup ZestMeUp, qui réunit une vingtaine de collaborateurs. A l’aide de son application, chaque manager suit le degré d’engagement de son équipe. Il peut aussi sonder les membres sur leur humeur, demander un Feedback ou les interroger sur des thèmes particuliers. « Nous disposons d’une banque de questions et d’actions correctives », explique Christophe Bergeon, directeur et fondateur de ZestMeUp. Cette startup recense 40 000 utilisateurs partout dans le monde et dans tous les secteurs d’activité. Après avoir levé 800 000 euros en décembre dernier, elle prévoit d’enrichir sa plateforme en la rendant disponible en huit langues, avec un guide des bonnes pratiques des entreprises utilisatrices.

ZestMeUp analyse l'humeur et le Feedback des salariés.
DR
ZestMeUp analyse l’humeur et le Feedback des salariés.
DR

Des coachs certifiés en charge des contenus

Mettre à la disposition des managers des contenus dédiés pour les aider à résoudre des problèmes RH constitue l’une des grandes tendances des plateformes de mesure de la QVT. En témoigne Bleexo, une startup créée en 2017 à Toulouse par Stéphane Waller, fondateur de Meltis, un cabinet de conseil et de formation en RH. La plateforme interroge régulièrement les salariés en leur posant cinq questions. Par exemple : « Recommanderiez-vous votre entreprise ? », « Disposez-vous d’une autonomie suffisante ? », « Comprenez-vous la stratégie de l’entreprise ? » En fonction des réponses obtenues, la plateforme définit les priorités et pousse vers les managers des conseils appropriés rédigés par des coachs. « C’est du e-Learning intelligent couplé à la mesure de la QVT », explique le dirigeant dont la dizaine de coachs certifiés a rédigé une centaine de contenus.

Les sondages permettent de savoir
ce que les salariés pensent de leur employeur.
© Bleexo
Les sondages permettent de savoir
ce que les salariés pensent de leur employeur.
© Bleexo

Comparer les entreprises du même secteur

Outre Bleexo, d’autres startups mobilisent des coachs pour aider les employeurs à améliorer le bien-être des salariés. A l’instar de Bloom At Work, cofondée en 2016 par son dirigeant Charles de Fréminville, un ingénieur centralien également diplômé de science Po. Cet ancien consultant de McKinsey & Company compte une dizaine de collaborateurs dont des coachs certifiés qui accompagnent les entreprises sur le terrain. Comme ses concurrents, la startup mène des sondages en ligne. En fonction des réponses délivrées par les salariés, elle leur envoie en retour des conseils rédigés sur un ton ludique et décontracté. Quant aux employeurs, ils reçoivent des rapports sur le moral des troupes, les décrochages dans les équipes et les plans d’actions à mettre en œuvre. Contrairement à ses compétiteurs, l’accès à sa plateforme ne se fait pas sur abonnement mais par forfait. « Nous proposons aux entreprises trois types d’accompagnement : faible, moyen ou renforcé. Notamment pour celles qui n’ont pas encore mené de démarche structurée en QVT », fait valoir ce dirigeant. Il permet même à ses clients de comparer des services entre eux, mais aussi de se comparer avec des entreprises du même secteur, parmi sa cinquantaine de clients (soit plus de 10 000 utilisateurs répartis sur 15 pays).

Eliane Kan
* Decathlon, Kiabi, Leroy Merlin France et McDonald’s France figurent en tête du palmarès Best Workplaces France 2018.

Bloom At Work interroge les salariés
sur un ton décontracté.
© DR
Bloom At Work interroge les salariés
sur un ton décontracté.
© DR

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