Le 24 août 2016, un séisme de magnitude 6,2 secouait les communes italiennes de Norcia et Amatrice, causant plus de 300 victimes et saccageant le paysage italien. Villages fantômes, scènes de désolation, populations délogées. Le tremblement de terre s’est ressenti à 200 km à la ronde. De fait, notre voisin italien serait jusqu’à cinq fois plus exposé aux séismes que nous. Reste que, si la France a connu peu d’épisodes tragiques à ce titre, il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas à l’abri d’un risque sismique. Dont le prix pourrait devenir exorbitant pour les collectivités. A cet égard, une étude publiée vendredi 17 novembre par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et la Caisse centrale de réassurance (CRC), révèle que l’Hexagone serait très mal préparé en cas de tremblement de terre.
La note pourrait être très salée
En basant leurs calculs sur les séismes qui ont déjà secoué la France au cours du dernier millénaire et, dans la mesure où ils pourraient survenir à n’importe quel moment, les deux organismes ont planché sur le risque sismique depuis 2014 afin d’estimer le coût engendré par un séisme si ce dernier était couvert dans le cadre du régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat). En prenant en compte l’aléa (le phénomène sismique), la vulnérabilité des bâtiments (maisons, immeubles, bureaux, commerces, usines) dans chaque zone concernée, l’endommagement et les coûts assurés, l’étude estime que les dégâts pourraient coûter jusqu’à 8 milliards d’euros dans le pire des cas. Ce qui représenterait une note huit fois plus élevée que la crue qui a immergé une partie de l’Ile-de-France en juin dernier.
Cartographie des dégâts
Ce qui fait la particularité de cette étude, est que les assureurs ont dressé une cartographie des dégâts qui seraient engendré par un séisme en France, selon le degré de sismicité des régions, lesquelles ne sont bien évidemment pas toutes logées à la même enseigne : si dans des villes telles que Paris ou Orléans, zones à faible risque, l’on peut se sentir pratiquement à l’abri et sans obligation de construire des bâtiments prenant en compte le risque sismique, il n’en va pas de même dans le sud-ouest, les Alpes-Maritimes ou encore le Centre. « L’Alsace, moyennement exposée, pourrait quant à elle connaître un événement de 1,5 à 2,5 milliards d’euros. Enfin, le Grand Ouest, nettement moins exposé, pourrait enregistrer un coût de 100 à 250 millions d’euros selon les scénarios sismiques envisagés à ce jour. » détaille l’étude.
Les Pyrénées, scénario catastrophe
Du côté des Pyrénées, zone de sismicité la plus forte en France, l’addition pourrait tabler entre 5 et 8 milliards d’euros ! Pour justifier cette note colossale, les deux organismes ont imaginé un scénario catastrophe dans lequel la région connaîtrait le même épisode sismique survenu en 1660 à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). Ce tremblement de terre historique, reste à ce jour le plus dévastateur dans la région. Causant une trentaine de victimes, ce séisme de magnitude 5,8 s’est ressenti jusqu’en Vendée et à Montpellier. Résultat de cette simulation : « La secousse engendrée touche largement les communes des départements limitrophes avec localement une intensité comparable à celle ressentie par les communes italiennes très durement touchées par un important séisme en août 2016. Résultat : les coûts à charge pour le régime CatNat sont estimés entre 3 et 4,5 milliards d’euros, uniquement pour les habitations », estime l’étude.
Mieux vaut prévenir que guérir
Du côté des Alpes-Maritimes, un scénario médian a été effectué, estimant le coût pour un séisme de l’ordre de 1 milliard d’euros. Par ailleurs, une simulation a été réalisé dans le cadre d’un exercice de crise sismique qui s’est déroulé à Nice les 5 et 6 octobre derniers. « Ce cas extrême imagine un séisme réaliste mais beaucoup moins probable qui affecterait alors une grande partie du littoral. Il impliquerait des pertes de l’ordre de 4,5 à 8,5 milliards d’euros, uniquement pour le bâti résidentiel. » En effet, l’intensité d’un séisme ne suffit pas à évaluer les dégâts : dans le cas de la région de Nice, si un séisme de magnitude moyenne survenait dans cette zone où l’urbanisation est extrêmement dense, les dégâts seraient irréparables. Quoi qu’il en soit, le véritable postulat de cette étude est de considérer que le pire serait à venir et, donc, qu’il vaudrait mieux s’en prémunir. Ainsi les assureurs rappellent-ils que sur les 6.000 tremblements de terre enregistrés en France au cours du dernier millénaire, le plus destructeur serait survenu à Lambesc en Provence le 11 juin 1909. D’une magnitude de 8,5, il aurait causé la mort de 46 personnes, faisant 250 blessés graves et ravageant 3.000 constructions.
Ségolène Kahn
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