Contrôle d'accès, vidéosurveillance, reconnaissance des plaques minéralogiques ou des visages, alarmes incendie, applications métiers, …désormais, une entreprise peut connecter toutes les briques de son système de sécurité physique sur un seul et même réseau IP.
« On n’en est pas encore à la série télévisée Les Experts, mais franchement, on n’en est pas loin ! » Ce commentaire d’un spécialiste de la sécurité n’a rien d’exagéré. Car aujourd’hui, les technologies IP – du nom du protocole de communication sur les réseaux informatique conçus pour Internet – sont en passe de bouleverser totalement la sécurité des entreprises, administrations, hôpitaux et autres entités soucieuses de protéger leurs locaux.
L’IP s’impose dans la vidéosurveillance
La vidéosurveillance a été la première brique à tomber dans l’escarcelle IP : progressivement, les entreprises troquent leurs systèmes analogiques contre des systèmes IP. « Avant, les caméras IP affichaient des moindres performances que leurs équivalents analogiques, et le “poids” des images sur les réseaux informatiques était difficile à gérer tant par les réseaux que par les équipements informatiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », explique Nicolas Baumann, gérant de Dallmeier France, la filiale française du groupe allemand spécialisé sur ce créneau. « Au contraire, les caméras IP ont évolué vers des systèmes issus de la full HD et permettent de réels gains en matière de qualité de l’image, avec même la possibilité de zoomer sans perte de qualité. » Ainsi, Dallmeier équipe actuellement le centre commercial de Lyon-Pardieu d’une caméra qui permet de reconnaître un visage à plus de 200 mètres.
Autre avantage : le câblage. L’IP ne supprime pas les fils, mais il en démultiplie la potentiel : avec l’analogique, les câbles amènent les images en un seul lieu, la salle de supervision. Qu’on s’en absente quelques instants, et l’on rate l’image, voire l’incident. Avec l’IP, les câbles amènent les images sur le réseau IP et donc à n’importe quel terminal autorisé et équipé pour les recevoir : ordinateur, voire tablette, téléphone mobile, poste de télévision, etc.
La supervision peut donc devenir tout à la fois décentralisée et nomade. Si, du moins, tel est le souhait du client. « Ainsi les banques, par exemple, explique Bernard Clément de la société Heliom, qui installe des systèmes de sécurité en entreprises, peuvent désormais, de leur centre de sécurité situé au siège de l’entreprise, lever tous les doutes lorsqu’une alarme se déclenche dans l’une de leurs succursales. »
Pour les TPE, l’avantage est surtout la flexibilité : « L’IP contribue à démocratiser la vidéosurveillance puisqu’une TPE par exemple, qui n’a pas le budget pour financer un personnel dédié, peut s’équiper, explique Nicolas Baumann. Ainsi, nous travaillons avec un petit cabinet d’architecture qui a installé un système de vidéosurveillance comprenant des caméras infrarouges, qui peuvent voir la nuit. En cas d’alarme, l’architecte peut consulter les images avec son téléphone mobile. »
Dallmeier a également travaillé avec des gérants de restaurants Mc Donalds en Belgique qui, de la même façon, peuvent désormais surveiller les lieux même lorsqu’ils sont absents. Cette démocratisation se voit dans les chiffres : le marché de la vidéosurveillance a quasiment doublé en France depuis le début des années 2000.
Moins de coûts fixes, mais des investissements renchéris
Si une TPE qui ne peut s’offrir une équipe dédiée peut désormais envisager de s’équiper, il n’y a, en revanche, pas vraiment d’économies à attendre du côté des frais d’investissement, au contraire.
« Les caméras coûtent environ 20 % plus cher. Et il faut installer des matériels informatiques supplémentaires, en soft – logiciels – et en hard – enregistrement et stockage des données – », détaille Nicolas Baumann.
« Cependant, pour les entreprises déjà équipées en analogique, existent des façons de faire progressives qui minimisent les coûts », tient à préciser Jean-François Lemire, chef de service des services professionnels chez Genetec, entreprise canadienne spécialisée dans les systèmes de sécurité physique sur IP. « Ainsi, on peut garder les caméras analogiques et installer des équipements comme les encodeurs à des endroits stratégiques. On peut aussi remplacer trois caméras analogiques par une seule caméra IP megapixels. » Si l’on en croit les études de marché, notamment celles d’IMS, il semblerait aussi que les prix des matériels numériques soient orientés à la baisse pour les prochaines années.
Créer des passerelles entre les différents systèmes de sécurité
Mais l’intégration de la vidéosurveillance dans les réseaux IP n’est qu’une première étape. « L’intérêt de l’IP, c’est qu’il permet de connecter toute la sécurité physique sur un seul réseau et donc une seule interface », précise Wissam Loudhaief, consultant en sécurité physique chez Cisco.
Rien n’empêche donc de brancher d’autres systèmes destinés à assurer la sécurité physique de l’entreprise sur le réseau : le système de contrôle d’accès de l’entreprise – badges – , mais aussi celui de reconnaissance des plaques minéralogiques ou des visages, le système d’alarme incendie, des détecteurs de présence, etc.
Et il ne s’agit pas simplement de tout connecter et de limiter ainsi les écrans, les équipes, ou les contrôles : en intégrant de multiples éléments de sécurité physique sur un seul réseau, de nouvelles fonctionnalités peuvent facilement émerger.
A Toronto, Avis surveille ses voitures comme le lait sur le feu
Avec un flux d’entrées et de sorties moyen de 700 à 800 véhicules par jour, qui doivent être loués, nettoyés ou réparés, le siège canadien d’Avis, à Toronto, se sentait vulnérable au vol. Comment donc vérifier que chaque véhicule sortant du parking y avait bien été autorisé ? La multinationale de la location de voitures a donc intégré différents systèmes proposés par Genetec : la reconnaissance automatique des plaques minéralogiques tout d’abord ; la vidéosurveillance ensuite, et des systèmes de bagdes enfin. Du coup, chaque voiture qui sort est « flashée » à la fois via sa plaque minéralogique, l’image de son conducteur, et le numéro du badge d’accès. Ce qui permet de contrôler que tout concorde bien. Depuis l’installation, aucun vol n’a été à déplorer.
Des fonctionnalités innovantes et infinies
La plus courante est la liaison vidéosurveillance-contrôle d’accès : en cas d’intrusion, la caméra filme immédiatement la scène et l’agent de sécurité peut donc vérifier s’il s’agit ou non d’une personne autorisée.
Mais de multiples autres applications sont possibles. Par exemple : « Chez Mc Donalds en Belgique, le système de vidéosurveillance “collabore” avec les caisses enregistreuses numériques », explique Nicolas Baumann. A chaque fois qu’un ticket de caisse est émis, une image en est prise.
Sur un parking d’entreprise, l’informatique permettra d’associer l’image d’une plaque minéralogique à celle du véhicule et de son conducteur. Dans un entrepôt, on vérifiera plutôt que les colis transportés par les convoyeurs automatiques suivent bien le chemin prévu en filmant leur code barre. Dans une centrale nucléaire, ces systèmes suivront pas à pas le niveau de radiation d’une personne envoyée en maintenance. Un grand magasin enregistrera et filmera toutes les transactions par carte bancaire pour éviter les fraudes. Autre part, l’alarme provenant d’un capteur de bruit provoquera la mise en fonctionnement automatique de la caméra de surveillance et permettra de savoir s’il s’agit ou non d’un danger.
« Et à Monaco, par exemple, la reconnaissance automatique des plaques minéralogiques, permet d’envoyer automatiquement des alarmes aux voitures de police si un véhicule “black listé” est repéré », explique Nicolas Baumann.
Ces exemples ne constituent qu’un échantillon limité des possibilités : « Par définition, l’IP accepte tout ! » explique Jean-François Lemire de Genetec. Y compris les simples capteurs – humidité, température, etc. – dont le nombre semble devoir se multiplier. Et rien n’empêche d’utiliser les systèmes de sécurité physique à des fins marketing : par exemple, les caméras comptent les visiteurs d’un rayon dans une grande surface et permettent d’évaluer l’attractivité d’un produit.
Une communication d’urgence enrichie
Mais l’IP facilite aussi la gestion des crises. Chacun des intervenants – agent de sécurité, patron, cadres, services médicaux, police, etc. – qu’il soit ou non sur place –, peut recevoir et envoyer toutes les données de sécurité nécessaires à une meilleure compréhension de la situation : automatiquement par exemple, l’agent d’intervention verra s’afficher sur son écran la procédure d’urgence à appliquer, la voiture de police la plus proche sera localisée, les images seront envoyées aux brigades d’intervention, la recherche documentaire sur l’individu ou le lieu communiquées, etc. « Nous pouvons appliquer à la sécurité, explique Wissam Loudhaief, les méthodologies de travail collaboratif développées par ailleurs. »
Ces applications encore émergentes posent en revanche de fortes exigences sur les services de sécurité : « Désormais, il est indispensable d’impliquer fortement les directions des services informatiques (DSI) dans la démarche, et de mettre en place des réseaux robustes et sûrs avec des accès limités », souligne Bernard Clément. On l’imagine bien : les failles dans les réseaux auraient des conséquences dramatiques !
L’IP cependant n’a pas que des avantages : se pose notamment des problèmes de compatibilité entre équipements fonctionnant grâce à des logiciels propriétaires (Lire l’article publié dans info-expoprotection en janvier dernier). « Des normes vont s’imposer, pronostique Nicolas Baumann. Cependant, il faut bien être conscient qu’elles auront aussi leur revers et ne permettront pas d’exploiter toutes les fonctionnalités des équipements. »
N’empêche : la route vers l’IP semble bien irréversible. Et demain, chaque agent de sécurité deviendra, peut-être, un « expert » !
© Catherine Bernard/Agence TCA-Innov24
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