Le plan santé au travail 2016-2020 met l'accent sur la prévention et la sensibilisation des salariés aux risques professionnels. Cette démarche requiert d'évaluer les risques dans le document unique qui peut servir de support de communication. Mais d'autres outils existent. Notamment pour communiquer auprès des plus jeunes et les faire adhérer aux messages de sécurité.
La création du document unique d’évaluation professionnelle est quasiment passée dans les mœurs. Certains secteurs sont assez avancés. C’est notamment le cas du BTP où 8 entreprises sur 10 ont sauté le pas selon une enquête nationale de l’Institut de recherche et d’innovation en santé et sécurité au travail (Iris-ST ), intitulée Réalisation et utilisation du document unique dans les entreprises artisanales du BTP. Il ressort ainsi que 885 entreprises de 1 à 19 salariés ont répondu à cette étude menée en partenariat avec l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), avec la participation de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la chambre nationale de l’artisanat des travaux publics et du paysage (Cnatp).
Sensibilisation, dialogue social et qualité de vie au travail
Mais une fois les risques évalués, reste à mettre en œuvre le plan d’action. Parmi les difficultés récurrentes auxquelles se heurtent les chefs d’entreprise et les responsables Sécurité et santé au travail (SST), le manque d’implication des salariés est souvent pointé du doigt. Or cet écueil pourrait être écarté en menant des actions de prévention et de sensibilisation des salariés. C’est d’ailleurs un des objectifs du plan santé au travail 2016-2020 qui se décline, rappelons-le, sur deux autres axes que sont le dialogue social et la qualité de vie au travail. En matière de prévention, les actions devront se focaliser notamment sur l’exposition aux produits chimiques, les risques psycho-sociaux, les chutes et le risque routier.
La stratégie varie en fonction des tailles d’entreprises
Sans surprise, c’est dans les grands groupes que les démarches sont les plus avancées. « Les salariés sont sensibilisés dès leur embauche, notamment au travers d’un accueil sur la sécurité générale puis sur la sécurité au poste de travail », rapporte Cédric Leborgne, ergonome chez H3DT, un cabinet de conseil et formation en ergonomie et innovation basé à Rouen (Seine-Maritime). Les employés sont ensuite formés tout au long de leur carrière à l’aide d’outils de communication et de sensibilisation. Les plus connus étant l’affichage, le quart d’heure sécurité au sein des équipes, le journal interne, le flash info sur les écrans disposés dans la salle de repos, etc.… Le comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) se fait le relais des problématiques et des avancées en matière de santé et sécurité au travail. Ces dispositifs sont parfois complétés par des formations en interne ou en externe dispensées notamment par les Caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat). « La Carsat Normandie propose ainsi une formation très efficace de deux semaines sur cette thématique pour les salariés », rapporte l’ergonome.
Le précieux rôle des épouses d’artisans
« Dans les moyennes et petites entreprises, et spécialement celles qui ont des effectifs inférieurs à 50 salariés (donc sans CHSCT), tout dépend de la sensibilisation du chef d’entreprise lui-même et des moyens qu’il consacre à la prévention en termes de temps et formation mis en place en interne. « Ce qui se fait de plus en plus, c’est de faire participer les salariés à la transformation de leur situation de travail de sorte à les sensibiliser du même coup à la prévention », rapporte Cedric Leborgne. Dans les petites entreprises artisanales, la démarche de sensibilisation revient souvent aux conjointes du chef d’entreprise. « Etant elles-mêmes sensibles aux questions de sécurité, c’est à elles que revient en général la mission de faire adhérer les salariés à la prévention des risques », observe Mélanie Bauméa, responsable technique de l’Iris-ST. Cette dernière tient à rappeler que l’Union des Arfab (organisme de formation pour les artisans du bâtiment) propose une formation spécifique intitulée Conjoint averti, prévention réussie (14 H). De quoi aider le chef d’entreprise à faire face à l’obligation réglementaire qui impose au patron de nommer un ou plusieurs salariés pour s’occuper des actions de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise.
Le DU : un bon support mais pas un outil de communication
Une fois la personne désignée en interne, sur quels outils s’appuyer ? Pour Cédric Leborgne, le document unique d’évaluation des risques professionnels constitue un support de choix car tous les risques y sont décortiqués. « Toutefois, il est très rarement utilisé comme vecteur de communication auprès des salariés », indique l’ergonome. De son côté, Mélanie Bauméa suggère notamment d’utiliser le règlement intérieur. S’il n’est pas obligatoire pour les entreprises de moins de 20 salariés, ce document constitue un support pertinent pour rappeler aux salariés les règles de sécurité à respecter. Par exemple, quelles sont les conditions d’utilisation des EPI, les consignes de sécurité à respecter, les sanctions applicables en cas de consommation de drogues et alcools, etc.
Adapter les supports en fonction des cibles
Mélanie Bauméa recommande aussi d’utiliser des supports de communication très imagés tels que ceux diffusés par les organismes de prévention comme l’Iris-ST, l’OPPBTP, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ou encore le Service aux entreprises pour la santé au travail (SEST). Cette association, dont le siège est basé à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), édite des dépliants de prévention au ton volontairement ludique et décalé, inspiré des bandes dessinées pour la jeunesse. De quoi toucher les jeunes générations de salariés qui sont encore plus difficiles à sensibiliser que leurs aînés. C’est du moins le ressenti de Marie Sanchez, directrice du développement du SEST.
« Personnellement, j’ai l’impression que la génération Z [en l’occurrence, les salariés nés à la fin des années 90, NDLR] a du mal à être à l’écoute des conseils en prévention des risques professionnels. » Fort de ce constat, le SEST propose à ses adhérents des modules de e-learning et des Serious Game. Un groupe de travail a été mis en place dans ce domaine pour continuer à développer ces outils. Concernant la génération Y, l’approche n’est pas aisée car elle se divise en deux groupes. Les salariés appartenant au premier groupe sont plus précautionneux et posés tandis que ceux du second groupe sont très orientés outils numériques et technologies. « A l’instar des natifs de la génération Z, ils ont besoin de trouver du sens dans la prévention, il faut les intéresser et les impliquer en les faisant participer à des ateliers interactifs et aux actions de prévention », recommande la directrice de développement du SEST.
Pour s’assurer que les salariés adhèrent bien aux messages qui leur sont délivrés durant les formations ou les interventions des préventeurs, l’accent est mis sur l’esprit ludique et participatif. A titre d’exemple, les formations se terminent par des quizz qui permettent de s’assurer que les messages ont bien été compris et surtout que le salarié y voit un intérêt pour son quotidien professionnel.
Eliane Kan
Un outil pour prévenir les risques en matière d’addiction
« On ne peut pas parler de prévention des risques sans les évaluer car c’est à partir de cette évaluation que l’entreprise va décider de mettre en place des dispositifs », fait remarquer Philippe de Condé, directeur général de Hassé-Consultants. L’entreprise revendique sa place de premier cabinet d’alcoologie et d’addictologie d’entreprise. Depuis plus de vingt-cinq ans, elle accompagne les entreprises dans la prévention et la prise en charge des risques liés à la consommation d’alcool ou de drogues au travail. Ces addictions présentent un risque pour l’entreprise sachant que 15% à 20% des accidents du travail y sont imputables. C’est le deuxième risque d’accidents mortels. Fort de son expérience, le cabinet leur propose de procéder gratuitement à l’évaluation des risques professionnels liés aux comportements addictifs. Cet outil est constitué de trois questionnaires. Le premier concerne l’accessibilité du produit et comment s’en procurer sachant que plus c’est aisé et plus grand est le risque. Le second critère d’évaluation concerne la capacité de l’entreprise à gérer une situation de crise. Y a-t-il des outils en interne, des protocoles de situation de crise. Enfin, le troisième volet concerne les dispositifs déjà mis en place ainsi que les formations existantes. A l’issu de cette évaluation, l’entreprise se verra transmettre un diagnostic réalisé par le cabinet. Ce dernier a d’ailleurs mis au point une méthodologie préventive basée sur la création de groupes de réflexions sur les risques liés aux addictions. Grâce à cet outil déjà validé par plus de 350 entreprises, le chef d’entreprise intègre les risques addictifs à sa stratégie globale de sécurité au travail. De quoi éviter bien des accidents.
EK
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