Le 1er janvier dernier, Securitas a entamé un nouveau cycle de croissance qui le mènera jusqu’en 2010. La nouvelle stratégie consiste à concentrer les compétences par la spécialisation chaque fois que cela est possible et cela commence dès le 1er janvier 2008 dans les secteurs de la distribution et des industries à hauts risques. En effet, afin de mieux répondre aux attentes du marché, ce spécialiste de la sécurité privée par agents a pour objectif de mettre à la disposition de ses clients, en plus de son réseau d’agences régionales, des prestations spécifiques adaptées à leurs besoins.
Alarmes, Protection, Sécurité : Dans le communiqué remis à la presse lors de l’annonce de la réorganisation de Securitas France, vous évoquez un nouveau cycle de croissance devant vous mener jusqu’en 2010. Hormis la spécialisation et le nouveau découpage régional, ce cycle prévoit-il des opérations de croissance externe vous permettant d’acquérir de nouvelles compétences ? De proposer des prestations spécifiques ?
Michel Mathieu : « Notre position sur la croissance externe a évolué depuis 2 ans. Si nous sommes toujours ouverts à des opérations de ce type, nous privilégions actuellement le regroupement de nos compétences et la mise en place d’un nouveau découpage régional. Il n’en reste pas moins vrai que des acquisitions ayant un réel intérêt géographique ou qui nous permettraient – via le rachat de petites entreprises – d’acquérir une ou des compétences particulières, comme ce fut le cas lors du rachat de Protection Service en 2007, sont toujours possibles. Pour en revenir à ce nouveau découpage, hormis les entités dédiées aux marchés des industries à hauts risques et de la distribution, nous travaillons à la mise en place de structures équivalentes pour d’autres marchés qui se développent beaucoup et où les besoins en surveillance humaine sont importants. Je pense à la logistique en raison de la position géographique de la France qui en fait un véritable nœud pour le transport en Europe. On peut également citer les besoins en maîtres-chiens. Ce marché requiert des compétences qui sont loin d’être acquises par beaucoup. Il va nous falloir mettre en place une structure à même de proposer formations et certifications, tout en s’appuyant sur les métiers repères ».
APS : Comment expliquez-vous ce retour en grâce du maître-chien dans un métier où la technique occupe une place de plus en plus grande ?
Michel Mathieu : « Depuis une dizaine d’années, on nous a dit qu’il faut de plus en plus de systèmes électroniques et de moins en moins d’agents. Mais, on le constate tous les jours, il y a de plus en plus d’électronique et de plus en plus d’agents. Cela s’explique, tout d’abord, par l’évolution de la criminalité. Le transport de fonds est de moins en moins attaqué, par exemple. Les risques, d’une manière générale, ont été transférés vers d’autres marchés comme la chaîne logistique où les besoins en surveillance – et plus particulièrement en maîtres-chiens – sont croissants. Chez Securitas, nous pensons donc que dans les années à venir les besoins de ce type vont croître ».
APS : Quelles ont été les grandes évolutions du marché français ces dernières années ? Quels en sont les nouveaux enjeux ? En quoi se différencie-t-il des autres marchés européens ?
Michel Mathieu : « Il existe plusieurs types de marchés en Europe. Les pays scandinaves sont très matures, professionnels et structurés. En Espagne ou au Portugal, il existe des groupes très importants qui dominent le marché de la surveillance humaine. Les trois ou quatre premiers y représentent 80 % du marché. La France et l’Allemagne sont dans une situation intermédiaire. Ces marchés se caractérisent encore par une certaine désorganisation. Les pouvoirs publics, les syndicats professionnels et les opérateurs tentent de les professionnaliser. Mais le marché reste soumis à une forte pression économique. Il est donc impératif de renforcer la législation encadrant la sécurité privée. Il faut aider la profession à se contrôler pour aller vers plus de professionnalisme. Les Etats veulent se concentrer aujourd’hui sur leurs missions régaliennes. C’est normal. Mais ils ont besoin de relais sur le terrain qui soit leurs yeux et leurs oreilles. C’est l’une des missions de la surveillance humaine. Ils doivent donc l’organiser et la contrôler. Certaines choses vont déjà dans le bon sens. Je pense au Certificat de qualification professionnelle (CQP) ou aux métiers repères *. Enfin, la mise en place de la garantie financière qui rend obligatoire la caution financière avant de créer une société de sécurité privée est aussi un pas dans la bonne direction ».
APS : Comment crée-t-on de la valeur ajoutée aujourd’hui dans les métiers de la sécurité privée ?
Michel Mathieu : « Il y a selon moi trois axes à travailler. Le premier est malheureusement évident en France. Il consiste déjà à respecter les lois et les réglementations en place. C’est peut être une lapalissade de le dire mais rappelons que 20 à 25 % des acteurs de la profession ont des pratiques illégales. Le deuxième est celui de la formation. Certains agents n’ont jamais été formés à gérer certains publics. Ils font plus peur qu’autre chose et ils sont, en outre, confrontés à des outils de plus en plus complexes. Le dernier axe découle du précédent. C’est en proposant aux clients des outils techniques maîtrisés et exploités correctement et efficacement que l’on peut aussi créer de la valeur ajoutée. C’est par exemple ce que nous proposons avec notre gamme Ariane ».
APS : Vous parlez beaucoup de spécialisation, d’approfondissement des compétences. Concrètement, qu’est-ce que ces termes recouvrent ? Par ailleurs, impliquent-ils un abandon de certaines activités ?
Michel Mathieu : « L’application de cette volonté est la création de l’Ecole Securitas qui vient d’être déployée en région, dans 10 centres. Nous y avons investi plus de 5 millions d’euros et 50 personnes s’y consacrent à plein temps. D’une manière, pour être sûr de maîtriser la formation de nos agents, nous la sous-traitons de moins en moins Elle est de plus en plus intégrée dans le groupe ».
APS : Vous mettez en place deux nouvelles entités distinctes : une spécialisée « hauts risques » et une dédiée à la distribution ? Quels sont aujourd’hui les besoins spécifiques de ces marchés ? Quels sont les atouts, les « plus », de Securitas auprès de ce type d’utilisateurs finaux ?
Michel Mathieu : « La division Hauts risques va travailler d’une manière générale avec les sites industriels de type sidérurgie, chimie, pétrochimie, et centrales nucléaires. C’est un marché très particulier et intéressant pour une société comme Securitas. Ces clients ont une démarche très en avance en matière de prévention du risque par rapport à d’autres marchés. Les agents y ont souvent une véritable culture du risque industriel et environnemental, ils savent le gérer grâce à une réelle politique de gestion des risques. Pour travailler sur ce marché, il faut être « plongé » dans cette culture, avoir un encadrement et des agents qui pensent Seveso. Les premières réactions de nos clients sont positives. Cette structure va nous permettre de nous concentrer sur les normalisations et certifications nécessaires pour travailler sur ce marché. Il nous faut aussi adapter nos services aux particularités de ces sites : savoir gérer les arrêts de tranches et adapter nos outils techniques à l’environnement ».
APS : Et la distribution…
Michel Mathieu : « Là encore, c’est un marché très particulier. La sécurité y est souvent dans un état pitoyable. De nombreuses sociétés de sécurité privée travaillant sur ce marché ont déposé le bilan. Il faut revenir aux fondamentaux : travailler sur l’éthique des agents et les prix. On ne peut pas décemment proposer une surveillance efficace en-dessous d’un certain seuil. C’est pourtant ce que font certains. Entre ceux qui veulent travailler professionnellement et les autres, la différence de prix peut atteindre 20 %, et ce pour avoir une prestation de base. Ce n’est pas sérieux ».
* Dans le cadre du renforcement de la professionnalisation des métiers de la sécurité, l’Union des Entreprises de Sécurité Privée (USP), et les 4 organisations syndicales FO, CGC, CFDT, CFTC ont signé le 1er décembre 2006 l’accord relatif aux qualifications professionnelles des métiers de la prévention sécurité dit « métiers repères » inscrivant dans la « Convention Collective Prévention & Sécurité Privée » les seuils minimum de classification des emplois repères (coefficients des rémunérations) et, d’autre part, pour chaque métier repère, les missions et responsabilités générales essentielles et les formations nécessaires. 17 métiers repères et 8 métiers spécifiques à la filière aéroportuaire sont retenus à ce jour.
La nouvelle stratégie de Securitas France
Depuis le 1er janvier 2008, Securitas a créé deux nouveaux segments : l’un dédié au secteur de l’industrie à hauts risques et un autre consacré à la distribution. Il s’agit de deux entités distinctes avec deux directions nationales et un réseau d’agences spécifiques pour chacune d’entre elles. La direction nationale du premier, représentée par Christian Drevet, est située à Aix en Provence. Le segment hauts risques regroupe 5 agences situées à Rouen, Lyon, Mulhouse, Pau et Martigues, 120 clients, 1 200 agents. Le chiffre d’affaires 2007 est de 38,9 millions d’euros. La direction nationale du segment distribution, basée à Lyon, est dirigée par Cyril Gorlier. Le segment distribution regroupe 7 agences situées à Lille, Lyon, Nantes, Strasbourg, St-Dizier, Toulouse et Paris, 34 chefs de secteurs, 665 clients, 2 200 agents. Le chiffre d’affaires 2007 est de 54,2 millions d’euros.
Parallèlement à cette spécialisation, la France de Securitas est découpée en 7 régions : Nord, Ile de France Couronne, Ile de France Ouest, Est, Centre Atlantique, Centre Est, Grand sud. Ces régions regroupent 60 agences de surveillance.
> Quelques chiffres : 2 divisions : France Sud et France Nord
-7 régions, 60 agences, 12 000 agents
-2 000 clients
-361,5 millions d’euros de CA en 2007
www.securitas.fr
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Cet article est extrait du Magazine APS n°170 – Avril 2008.
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