En 2024, le marché des balances, traqueurs d'activités et autres objets connectés devrait peser quelque 371 milliards de dollars. Le développement de l'offre e-santé s'appuie notamment sur la croissance très forte des maladies cardio-neuro-vasculaires, le diabète et les cancers.
Selon de nombreuses études scientifiques, pratiquer la marche à pied permet d’éviter l’apparition de maladies cardiovasculaires, qui font partie des pathologies en fort développement, à l’instar du diabète, des maladies respiratoires ou des cancers. Comme ces derniers, les maladies cardio-neuro-vasculaires (MCNV) ont pour principaux facteurs de risque le tabagisme, une alimentation déséquilibrée, un manque d’activité physique, une consommation excessive d’alcool et des facteurs psychosociaux tels que le stress.
Des objets de plus en plus intelligents
Pourtant, si l’on en croit l’avis des préventeurs, ces risques pourraient être évités grâce à une meilleure hygiène de vie associée à l’usage d’objets connectés grand public. Plus de 60% d’entre eux concernent les wearables, ces objets que l’on porte sur soi. Comme les montres, bracelets, T-shirts et autres trackers de suivi d’activité pouvant recevoir des informations, les stocker et les envoyer dans le cloud pour qu’elles y soient analysées. Elles peuvent même être partagées avec son coach ou son médecin. Quant aux balances intelligentes, elles ne se contentent plus de suivre la courbe du poids. Elles analysent le métabolisme en indiquant la masse corporelle (musculaire, graisseuse, hydrique et osseuse). Certaines comportent même un capteur de silhouette connecté qui mesure jusqu’à 6 zones du corps. C’est le cas de Tefal Body Partner. A l’instar de ses concurrents, les données se synchronisent automatiquement à chaque pesée dans l’application tournant sur le smartphone via Wifi et Bluetooth.
Remboursement partiel par les mutuelles et assurances
Les balances font partie des produits de e-santé les plus vendus dans le monde. Le marché global des objets connectés est estimé à 33 milliards de dollars et devrait atteindre près de 371 milliards de dollars d’ici 2024, selon Databridge Market Research. Soit une progression de 35% pour la période 2017-2024. Parmi les acteurs du marché, citons Apple, Jawbone, Misfit ou Samsung pour les bracelets et autres traqueurs d’activité. Sans oublier Fitbit qui propose aussi des balances connectées. Bien sûr, ce secteur intéresse de près les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), sachant que le marché est amené à se développer fortement du fait du vieillissement de la population mondiale.
Remboursement partiel par les mutuelles et assurances
Les assurances et mutuelles vont d’ailleurs jouer un rôle actif dans le développement de ce marché. Pour enrayer la montée des frais de santé, ces acteurs encouragent les Français à mieux surveiller leur santé en les sensibilisant via des campagnes de prévention. Certains vont même jusqu’à rembourser l’achat d’objets connectés de e-santé afin que les salariés surveillent leur pression artérielle ou qu’ils analysent leur hygiène de vie. C’est notamment le cas du groupe Pasteur Mutualité. Selon les forfaits adoptés par ses assurés, un remboursement sur l’achat de ces produits peut être effectué à hauteur de 75 euros ou 150 euros sur une période de deux ans.
Montres connectées
De quoi démocratiser le prix de ces objets dont la Pebble SmartWatch. En 2012, il s’agissait de la première montre GPS-podomètre. Intégrant aujourd’hui la surveillance du sommeil, celle-ci coûte moins de 50 euros ! A l’instar des autres objets dédiés à la e-santé, son développement a bénéficié de la miniaturisation des capteurs et des composants électroniques, de l’augmentation de la puissance de calcul des processeurs et de l’extension de la couverture réseau. Couplés à une application en ligne, les appareils savent mesurer, suivre et analyser les données des personnes en temps réel. Il existe trois grandes familles d’applications. La première concerne le suivi physiologique des personnes pour mesurer, par exemple, leur rythme cardiovasculaire. Quant à la seconde, elle traque l’activité physique, à commencer par le nombre de pas effectués dans la journée. Tandis que la troisième touche l’activité du patient ou du salarié. C’est notamment le cas des caméras permettant de détecter le stress en analysant les mouvements d’une personne.
L’appui de l’intelligence artificielle
Les données collectées par les capteurs sont traitées généralement en local, soit de manière statistique, soit avec un algorithme d’intelligence artificielle lorsque c’est nécessaire. Ce dernier détecte les signaux faibles, classe les risques en se référant aux informations stockées dans des bases de données médicales et établit les premiers diagnostics. A l’instar de l’application BewellConnect du groupe Visiomed (115 collaborateurs ; chiffre d’affaires : 10 millions d’euros en 2017). Cette entreprise créée en 2007 par Eric Sebban présente une offre de téléconsultation sur la base de sa station de télémédecine mobile. Dédiée aux pharmaciens, elle se connecte à différents dispositifs médicaux : glucomètre, tensiomètre, thermomètre, etc. De quoi établir un pré-diagnostic en temps réel et conseiller le patient sur la marche à suivre en fonction de ses constantes vitales. Cette station était d’ailleurs présentée lors du dernier CES (Comsumer Electronic Show) de Las Vegas dont un rapport réalisé par Olivier Ezratty, auteur et consultant, est disponible gratuitement.
Comme chaque année, de nombreuses startups françaises se sont fait remarquer pour leurs innovations. Parmi elles, le français @-Health, créé en 2015 à Aix en Provence (Bouches-du-Rhône) par 4 cofondateurs dont le cardiologue Jean-Michel Tarlet. L’équipe a développé un vêtement connecté qui intègre des capteurs. Ces derniers fonctionnent avec un algorithme « maison » qui anticipe l’apparition des premiers symptômes chez un individu présentant des risques d’infarctus, d’AVC (Accident vasculaire cérébral) ou d’autres maladies cardiovasculaires. Sachant que ces dernières représentent 30% des décès dans le monde. L’entreprise propose un service sur abonnement baptisé Cardionexion. Le capteur fonctionne de concert avec un smartphone qui effectue les analyses et les transmet au centre de surveillance. Un cardiologue peut alors vérifier l’électrocardiogramme, détecter des troubles du rythme cardiaque et émettre des alertes vers le médecin traitant si nécessaire. Lavable et étirable, ce vêtement connecté peut être porté dans la journée par les personnes en activité ou par des patients résidant dans des cliniques, maisons de retraite, etc. Voire dans les maternités, pour prévenir la mort subite du nourrisson.
Les objets connectés s’intéressent au système nerveux
A l’instar du français Open Mind Innovation qui s’intéresse, quant à lui, à la lutte contre le stress, en associant réalité virtuelle et capteurs cérébraux. Logés dans un casque connecté, ces derniers mesurent et analysent les signaux physiologiques des patients. Selon leur comportement, le programme stimule et entraîne les fonctions cognitives pour les aider à mieux contrôler leur stress. L’entreprise qui a levé 2,6 millions d’euros dispose d’un service, le Performance Lab, dédié aux entreprises et aux centres de sport de haut niveau. Il aide les collaborateurs et les sportifs de haut niveau à augmenter leurs performances cognitives et connaître leur mental. Ce qui leur permet de mieux se concentrer et d’éviter la douleur.
Ce casque connecté a notamment été aperçu lors du salon Futur en Seine 2017, où était également présent le bandeau connecté de Rythm, une startup qui vient de lever 35 millions de dollars (environ 30 millions d’euros) auprès de Johnson & Johnson Innovation, Bpifrance et de ses investisseurs historiques, Laurent Alexandre et MAIF Avenir, pour mieux comprendre le sommeil. Au total, depuis sa création en 2014 par Hugo Mercier et Quentin Soulet de Brugières, cette entreprise parisienne a levé 57 millions de dollars. Sa particularité est d’associer les avancées de la neurosciences à un bandeau connecté baptisé Dreem. Ce dernier intègre des capteurs pour surveiller l’activité cérébrale. Durant la nuit, le sommeil est analysé et sa qualité améliorée par l’envoi d’ondes et de stimuli sonores au cerveau. Au final, le porteur du bandeau se réveille moins fatigué le matin.
Le diabète en ligne de mire
Egalement dans le viseur des objets connectés : le diabète, qui serait dû dans 1 cas sur 7 à la pollution de l’air, selon une étude récente des chercheurs de la faculté de médecine Washington à Saint-Louis (États-Unis). La startup MirambeauAppCare, créée par Benoît Mirambeau à Martillac (Gironde), délivre une application donnant le taux d’insuline en fonction de la glycémie, l’activité physique et l’alimentation. Citons aussi Diabeloop, créée en 2015 par Erik Huneker et le diabétologue Guillaume Charpentier, qui espère commercialiser cette année son premier pancréas artificiel pour le diabète de type 1, sachant que le marquage CE est en cours. Il s’agit d’une pompe à insuline portable couplée à un capteur de glucose en continu intégré dans un patch. Le développement de ce dispositif DBLG1 a été mené avec l’aide du CEA Leti.
L’envoi du médicament est piloté par une intelligence artificielle hébergée dans un terminal. Le logiciel analyse en temps réel les données du capteur pour déclencher l’envoi optimal de l’insuline. Si le patient le souhaite, ses données peuvent être envoyées sur un serveur sécurisé où il pourra les consulter et les mettre à disposition des personnes de son choix. Aujourd’hui, une trentaine de salariés travaille chez Diabeloop. L’an dernier, la startup grenobloise a levé 13,5 millions d’euros auprès de Bpifrance, Crédit Agricole, d’investisseurs privés et Air Liquide.
Des obstacles à surmonter
Dopées par les levées de fonds, les entreprises de e-santé savent, toutefois, que le marché devra surmonter plusieurs obstacles avant de s’envoler. Des études montrent que si les 2/3 des Français s’informent sur les sites dédiés à la santé, moins d’un quart d’entre eux ont adopté des objets connectés (bracelets de santé, podomètres, capteurs de rythme cardiaque ou de sommeil) pour obtenir des informations sur leur santé. Parmi les principales raisons de cette frilosité, le prix qu’ils jugent trop élevé, le caractère intrusif de l’IOT dans le quotidien, la peur de ne pas savoir faire fonctionner l’objet, la méfiance quant à l’utilisation des données, et surtout le manque de fiabilité des appareils. Sur ce point, la réglementation française impose depuis peu aux dispositifs médicaux touchant le corps humain de se plier à une démarche de certification pour s’assurer de la fiabilité des données. Enfin, de plus en plus de fabricants d’objets connectés entreprennent de chiffrer les données afin qu’elles ne soient pas piratées lors de leur transfert vers le serveur.
Eliane Kan
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