Les gendarmes exercent un des métiers les plus »exposés » aux situations à fort impact émotionnel où détresse, misère et violence font partie du lot quotidien. La surexposition à ces situations est un facteur d’épuisement professionnel, d’usure compassionnelle, voire de traumatisme psychique. Au cours des 10 dernières années, la gendarmerie a également connu une diversification des corps et des statuts. « Après l’arrivée des gendarmes adjoints (volontaires), ce sont les personnels du corps de soutien, technique et administratif de la gendarmerie, puis plus récemment les personnels civils qui ont rejoint en nombre l’institution, explique le général de corps d’armée Philippe Mazy, directeur des personnels militaires de la Gendarmerie nationale dans un entretien accordé au site de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). La coexistence de catégories de personnels de statuts différents peut parfois poser des enjeux d’intégration, souvent porteurs de risques psychosociaux : craintes d’atteinte à l’identité professionnelle, sentiment d’inégalité de traitement et de reconnaissance, incompréhension et conflits en lien avec les différences de statut, situation d’isolement… »
Autre source de stress : les militaires sont également concernés par la problématique de l’intégration. Notamment à l’occasion d’une mutation. « Toutefois, la question de l’adaptation mérite d’être aussi posée à travers l’accueil offert par le service ou l’unité d’arrivée pour la favoriser, reprend Philippe Mazy. Enfin l’engagement militaire et l’attachement à la famille sont des valeurs portées par la communauté gendarmerie. Elles posent la question de la conciliation vie privée-vie professionnelle dans un contexte où les attentes institutionnelles (accroissement des effectifs féminins, conjoints de gendarmes en activité professionnelle, etc.) et sociétales (changement des structures familiales, valorisation du temps pour soi, etc.) évoluent. Les exigences du statut militaire (mobilité, disponibilité) créent aussi des difficultés de cohabitation entre les deux sphères de vie, qui appellent à une vigilance accrue. »
Autre exemple : la stigmatisation de la souffrance psychologique et les représentations négatives qui y sont associées. « Elles sont susceptible d’être jugées comme des marques de faiblesse, de démotivation. La crainte de répercussions sur le jugement porté par les autres et sa carrière incite souvent le gendarme à masquer ses difficultés et sa souffrance, renchérit le capitaine Grégory Clinchamps, psychologue du travail et des organisations, et secrétaire général de la Commission nationale de prévention. Il existe également chez les militaires, une forte culture de l’honneur, de la disponibilité et du présentéisme. Les indicateurs habituels de risques psychosociaux ne sont donc pas les mêmes que pour d’autres métiers, comme l’absentéisme par exemple dont les taux sont très bas dans la gendarmerie. Il faut donc savoir détecter d’autres signaux. »
Fort de ces constats, le général d’armée Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, a lancé une action approfondie afin de prévenir les risques psychosociaux (RPS) au sein de la Gendarmerie nationale. Pour relever ce défi hors du commun, tous les acteurs concernés ont été associés à une démarche transverse qui a débouché le 31 octobre 2013 sur une »directive méthodologique pour la mise en œuvre d’un plan de prévention des risques psychosociaux ». Dans cet objectif, des comités de pilotage (Copil) ont ainsi été organisés au sein des régions de gendarmerie et des formations assimilées afin de piloter le plan de prévention des RPS au niveau local.
« Nous avons sollicité l’Anact pour nous épauler dans cette démarche de prévention des RPS, d’une part pour sa longue expérience du sujet, et d’autre part, pour le réseau d’associations qu’elle anime sur l’ensemble du territoire français dont les outre-mers. Cette constitution en réseau nous permet ainsi de bien couvrir tout l’espace sur lequel nous sommes répartis, ajoute Philippe Mazy. Le réseau Anact-Aract accompagne ainsi les 52 comités de pilotage (Copil) des formations administratives engagées de l’institution dans une démarche de prévention des risques psychosociaux. Environ 300 personnes, tous membres des Copil, sous différents statuts, grades, métiers, et représentants du personnel, ont ainsi été formées. La méthodologie commune utilisée repose sur l’analyse collective de situations de travail. » Parallèlement aux travaux initiés par les Copil au niveau local, un questionnaire relatif à la QVT a été adressé à 25.000 personnels au mois de septembre 2014. Les résultats issus de cette enquête permettront d’orienter les travaux des Copil et de les conforter dans les premières réflexions initiées au niveau local au cours de cette année. Les plans d’action devraient ainsi être élaborés pour le second semestre de l’année 2015 et intégrés par la suite au Document Unique.
Erick Haehnsen
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