Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Responsabilité sociétale des entreprises : comment une TPE de 4 personnes en tire les bénéfices ?

En misant d'abord sur la qualité, la sécurité et la santé au travail, la société alsacienne peintures Schmitt Hubert et Fils était parée pour aborder la notion de développement durable. Lauréate du concours 2016 ''Les Lumières de l'innovation'' dans la catégorie ''Démarche'', cette TPE de 4 personnes atteint l'excellence opérationnelle.

« Les sociétés qui mettent en œuvre la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ont toutes les chances d’être mieux gérées, plus rentables et plus pérennes que les autres, analyse Grégoire Cousté, secrétaire général du Forum de l’investissement responsable (FIR). Dans un secteur donné, elles sont même susceptibles de surperformer. » Habituellement, on entend davantage parler de RSE dans les grands groupes du CAC40 ou des dans les ETI (Entreprises de taille intermédiaire), quitte parfois à friser le  »Green Washing ».

Une moisson de prix et récompenses
Pourtant, à Sainte-Croix-en-Plaine (68), la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est le modèle économique que pratiquent les frères Schmitt, Michel (59 ans) et Christian (52 ans), maîtres peintres, comme leur père, Hubert, qui a fondé en 1947 la société artisanale de peinture à Sainte-Croix-en-Plaine (68). En 2012, peintures Schmitt Hubert et Fils a décroché la certification AFAQ 26000, pendant français d’ISO 26000, la référence en matière de RSE. En 2015, elle obtient même la notation  »exemplaire » (4/4) lors de son renouvellement. Ce qui lui a valu d’être lauréate 2016 au concours des Lumières de l’innovation dans la catégorie  »Démarches », organisé par la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb). « Durant cette dernière décennie, nous avons remporté au moins un prix par an. Dont, en 2009, le prix spécial  »Bonnes pratiques sécurité et santé au travail » au concours de l’Agence européenne de sécurité et de santé au travail [European Agency for Safety & Health at Work] remis à Pragues (République tchèque) par le ministre tchèque du Travail et des Affaires sociales, résume Michel Schmitt, le co-dirigeant. Pour nous, la RSE est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. »

S’ouvrir à l’écosystème professionnel local

Tout a démarré en 1998. Michel Schmitt est alors élu président de la corporation des peintres du centre Alsace. « Ce fut l’occasion d’étendre mes connaissances sur l’environnement managérial de l’entreprise. » Peu à peu, il devient aussi administrateur à la caisse régionale d’assurance maladie, à l’OPPBTP et à la médecine du travail. En 2001, la Capeb lance la marque  »Artisans du Bâtiment, 5 engagements » (AB5) qui valorise la qualité de service autour de cinq règles : répondre au client sous 48h, réaliser un devis détaillé, respecter les clauses du devis, faire la réception des travaux avec le client et se faire évaluer par le client.

Moins de stress en maîtrisant mieux le planning

C’est le déclic. La TPE artisanale suit la formation de 2 jours sur ce programme. Dans la foulée, un consultant en management dresse des statistiques sur 7 ans afin de révéler pourquoi la société ne maîtrisait pas ses délais : « Cette faiblesse provenait des travaux non prévus, soit 25% de notre activité ! Pour y remédier, en préparant le planning, nous ne remplissons que 3 semaines par mois. La 4ème semaine sert à répondre aux demandes de travaux supplémentaires mais rapides à exécuter. » Résultat : 50% de stress en moins, une meilleure organisation des équipes et une rentabilité accrue pour l’entreprise. Autre pratique vertueuse : avant d’apporter la facture en mains propres au client, la société lui fait systématiquement signer non seulement le devis et la réception des travaux mais aussi la fiche d’évaluation. « Nous enregistrons 98% de retours avec une note moyenne de 19,5/20 depuis 2003-2004 ! », mesure Michel Schmitt.

Refuser le risque des échafaudages non conformes
« En 2001, le Document Unique entre en vigueur. Il s’agit de l’inventaire des risques (produits chimiques, chutes de hauteur) et des parades à mettre en œuvre », insiste Michel Schmitt pour qui qualité rime avec sécurité et santé au travail (SST). La société s’équipe en échafaudages à montage et démontage en sécurité – et, récemment, d’une nouvelle nacelle pour les travaux sur colombages jusqu’à 22 mètres de hauteur. « Si c’est un tiers qui installe l’échafaudage mais sans le sécuriser, je refuse d’y faire monter mes équipes. Pas question de les exposer au risque de chute, explique Christian Schmitt. L’autre jour, j’ai fait venir la Carsat sur un chantier où il aurait fallu se tenir d’une main et peindre de l’autre ! L’installateur de l’échafaudage a dû se mettre aux normes. Parfois, nous dérangeons. » Toujours côté SST, un panneau d’affichage détaille la signification des nouvelles étiquettes du règlement européen REACH apposées sur les contenants de produits chimiques, notamment la nature des risques : danger mortel, empoisonnement, incendie, explosion, pollution … Un autre panneau rappelle les 6 consignes à appliquer en cas d’accident sur un chantier.

Utiliser des produits plus sains
Autre préoccupation : le choix des produits chimiques, principalement des peintures. « Pour l’intérieur, nous utilisons les peintures à l’eau étiquetées du label A+, à 30 g de Composants organiques volatils (COV) par litre. Nous avions trouvé une peinture dépolluante à 0,1 g/l de COV. En fait, elle contient du dioxyde de titane sous forme de nanomatériaux, évoque Michel Schmitt. Dans 10 ans, lorsqu’il faudra poncer les supports pour repeindre, cela risque d’être très dangereux pour la santé. Nous arrêtons de l’utiliser. » Pour l’extérieur, la société a choisi des peintures minérales respirantes qui résistent aux UV. « Elles sont saines, ne nécessitent pas de décapage et durent 20 ans. Ce qui évite un ravalement sur deux ! C’est vraiment du développement durable. »

Vers la certification AFAQ 26000
Dès 2009, peintures Schmitt s’inscrit dans une démarche de développement durable, promue par la région Alsace. Il s’en suit une première certification : AFAQ 1000. NR (Nouvelles responsabilités) qui, forte d’une charte de 25 engagements qui, faute d’organisme certificateur, est rapidement tombée en désuétude pour être remplacée par le référentiel AFAQ 26000, pendant français de la certification internationale ISO 26000, norme de référence en matière de RSE. La société en profite pour soigner la réception des supports : « En présence d’amiante, nous ne prenons pas non plus le risque d’intervenir. De même nous refusons les fonds non conformes aux DTU (Documents techniques Unifiés) en vigueur car cela engagerait injustement notre responsabilité. Chaque métier doit respecter son propre DTU », souligne Michel Schmitt. Bref, la RSE commence par le respect des réglementations.

Des investissements à long terme

Dans ce contexte, peintures Schmitt mise sur une machine de lavage pour les rouleaux et des pinceaux qui est alimentée par la récupération des eaux de pluie, un bac de décantation pour la laveuse, une hotte aspirante pour le lavage au robinet, deux  »débourbeurs » à savoir des unités qui filtrent les résidus de peinture avant de rejeter l’eau propre au réseau. Quant aux deux locaux de stockage des produits chimiques, ils sont dotés d’une porte coupe-feu ventilée, d’une lumière anti-déflagrante, de grilles de rétention au sol ainsi que de bacs de rétention sur les rayonnages afin d’entreposer les produits chimiques. Un autre local stocke les déchets : pots de peintures vides, emballages, boues issues de la laveuse, White Spirit souillé… Il est également équipé d’une porte anti-panique servant aussi d’ouverture pour charger le camion qui vient collecter les déchets. « Ces investissements ont été aidés à 40% par l’Agence de l’eau (aujourd’hui 60%), 20% par la Carsat, 10% par la région », détaille Michel Schmitt. En outre, les éléments horizontaux d’échafaudage sont entreposés en toute sécurité sur racks à cantilevers pour faciliter et sécuriser leur manutention. Pour cette installation, la société a reçu un financement de l’OPPBTP.

Formation et dialogue social
Toutes ces mesures ont réclamé de nombreuses formations : gestes et postures, habilitation électrique, montage et démontage d’échafaudages en sécurité, écoconduite, risques routiers, risques chimiques… Ils bénéficient aussi d’un service qui gère les vêtements de travail fournis propres et collectés sur place après usage pour être nettoyés et repassés dans les règles… Les salariés ont compris que les efforts de la RSE étaient certes pour les clients et l’environnement mais aussi pour eux et la pérennité de l’entreprise. « Il y a eu un avant et un après », reconnaît Frédéric Loechleiter qui est entré dans la société il y a 25 ans comme apprenti. En effet : salaires 10% plus élevés que la moyenne dans le département, complémentaire santé maximale, épargne salariale, entretiens annuels, 2 réunions par an pour le dialogue social, charte d’entreprise, décision collective des investissements… « Très performant, ce modèle est transposable à toutes les entreprises ! », fait valoir Michel Schmitt qui a vu sa rentabilité croître de 25% en 7 ans.

Erick Haehnsen

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