Ce lundi 5 décembre, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a dévoilé, en tant que priorité politique aux représentants des 2 millions de professionnels de santé des établissements sanitaires et médico-sociaux une stratégie nationale qui vise à améliorer la qualité de vie au travail. « La population vieillit et les pathologies changent. Les durées de séjours diminuent, l’ambulatoire se développe, les exigences de qualité et de sécurité des soins s’accentuent sans cesse, l’exercice professionnel se transforme, introduit la ministre qui estime que les professionnels de santé font face à la montée des incivilités, à la menace terroriste, à la demande des patients toujours plus croissante en information, accompagnement et écoute… Comment ne pas voir que les changements, les réformes, les nouvelles règles peuvent peser sur les professionnels de santé ? Comment ne pas voir que les réorganisations peuvent être contraignantes, que les transformations peuvent être ressenties comme une dégradation de l’environnement et des conditions de travail ? »
Une »stratégie globale » et non pas un énième plan
Ce sont justement bien là les questions que se sont posées les professionnels de santé. D’autant que le ministère a mis du temps à se positionner face à leur malaise qui s’est exprimé, entre autres, au travers de la grève du 8 novembre dernier. Notamment en raison du suicide de 5 infirmières résultant de la dégradation de leurs conditions de travail. Se sentant attaquée pour n’avoir pris en compte que la réduction budgétaire et pas l’accompagnement social qui aurait dû être mis en place, la ministre présente donc une »stratégie globale » et participative d’amélioration de la QVT « parce que personne n’a besoin d’un énième plan ». Le premier volet de cette stratégie, présenté ce jour, concerne les professionnels médicaux et non médicaux exerçant en établissement sanitaires et médico-sociaux.
La stratégie est articulée autour de 3 axes. A commencer par donner une gouvernance nationale pour impulser, suivre et évaluer la démarche avec la création d’une mission et d’un observatoire national, la mise en place d’un dispositif doté d’un médiateur national et de médiateurs régionaux. Viennent ensuite la QVT et la détection des risques psychosociaux qui devraient être intégrées aux formations initiales des professionnels médicaux et paramédicaux. En outre, 30 millions d’euros sur trois ans devraient être consacrés à la généralisation d’équipes pluridisciplinaires (psychologues, assistants sociaux, conseillers en prévention des risques professionnels) pour renforcer les services de santé au travail. Par ailleurs, le métier de médecin du travail sera revalorisé et une concertation sera engagée avec les organisations syndicales pour adapter le régime indemnitaire et mieux valoriser les sujétions liées à la continuité des soins (travail le dimanche ou la nuit).
Un grand retard à rattraper
Dans le second axe de cette stratégie nationale, la QVT devrait être inscrite dans le projet de chaque établissement de santé et au niveau de chaque commission médicale d’établissement. Elle devrait aussi être placée au cœur des politiques sociales avec la généralisation des baromètres sociaux, de l’organisation de rendez-vous annuels et de la mise à disposition d’outils pour mieux évaluer la charge en soins. Dans la foulée, la sécurité des professionnels devrait être renforcée. De plus, les réunions d’équipes ainsi que les entretiens annuels individuels devraient être également systématisés. Quant à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, elle devrait être favorisée.
De multiples accompagnements
Enfin, le troisième axe de la stratégie globale de la QVT vise à accompagner les professionnels de santé au changement et à améliorer la détection des risques psychosociaux. En effet, le changement devrait être expliqué et accompagné pour faciliter son appropriation avec la généralisation d’une charte de l’accompagnement des professionnels en cas de restructuration et l’organisation d’actions de sensibilisation. Pour leur part, il est prévu que les cadres soient accompagnés dans leurs activités de management avec la généralisation de méthodes d’encadrement et d’outils de gestion informatisée des plannings, la formation des »faisant-fonctions de cadres » et la définition de parcours professionnels. Dans un autre registre, la détection et la prise en charge des risques psychosociaux est appelée à être améliorée. Notamment grâce à la diffusion d’outils de sensibilisation, la mise en place d’un dispositif d’écoute offrant un soutien psychologique et de groupes d’expression, le recueil et l’analyse des événements indésirables graves liés à un risque psychosocial.
Certes, cette stratégie a été élaborée après une concertation avec l’ensemble des représentants des professionnels concernés et avec des experts de la QVT. Mais la stratégie globale de Marisol Touraine vient bien tard; Pis, elle ressemble à un catalogue à la Prévert. A l’heure où un second volet est annoncé pour le début 2017, qui concerne les professionnels libéraux, on se demande de quels effets concrets cette stratégie sera réellement suivie à quelques mois des élections présidentielles.
Erick Haehnsen
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