Au quotidien, le bruit produit une sensation auditive désagréable, gênante voire agressive. Un phénomène d’autant plus dangereux pour l’oreille interne qu’il est intense, persistant dans le temps, aigu et intermittent. Ouvriers de maintenance, musiciens, gendarmes... les équipements individuels de protection auditive concernent tout travailleur en contact avec un environnement bruyant.
Le bruit constitue une nuisance majeure dans le milieu professionnel. « Il peut provoquer des surdités, immédiates à partir de 140 décibels, ou progressives. Mais aussi stress et fatigue qui, à la longue, ont des conséquences sur la santé du salarié et la qualité de son travail », explique Jacques Chatillon, responsable du laboratoire d’acoustique de l’Institut national de recherche et sécurité (INRS).
L’oreille interne est fragile. Située derrière le tympan, elle est constituée de quelque milliers de cellules ciliées : c’est le capital auditif. Lorsque l’oreille est exposée à un volume sonore excessif, un bruit brutal, des sons aigus, une durée d’exposition prolongée, ces cellules peuvent être abîmées, voire détruites. Elles ne sont pas réparables, leur destruction est donc définitive. La surdité est reconnue maladie professionnelle depuis 1963. Plus de 750 surdités professionnelles sont déclarées chaque année en France.
Des moyens existent pour limiter l’exposition des travailleurs aux nuisances sonores. « Du traitement acoustique des locaux à l’encoffrement des machines bruyantes, les mesures collectives de lutte contre le bruit sont les plus efficaces. L’employeur doit ainsi chercher à réduire le bruit des machines, ou la réverbération des locaux, poursuit Jacques Chatillon. La protection individuelle ne doit intervenir qu’en dernier recours. »
Presque 1 salarié sur 4. Les obligations de l’employeur dépendent des valeurs d’exposition dans l’entreprise. A partir de 80 dB(A), le responsable sécurité est tenu de fournir à ses salariés des équipements de protection individuels. A partir de 85dB(A), il doit vérifier leur bon port. « On estime à 18% la proportion des salariés soumis à des bruits lésionnels, affirme Jacques Chatillon. Rapportés à la population française, cela représenterait 4 millions de personnes, censées porter des protections auditives. »
Parmi elles, les agriculteurs, soumis à un niveau sonore de 90dB(A), les ouvriers du BTP qui manipulent foreuses (95 dB(A)) ou marteaux-piqueurs (115 dB(A)), les carrossiers, en contact avec des appareils tels que la soufflette, qui produit un bruit estimé à 102 dB(A). Les salariés de l’industrie de la fonderie, du textile, du plastique ainsi que les menuisiers sont également exposés à des nuisances sonores pouvant aller jusqu’à 105 dB(A). (Source : INIST – SUVA – Aeropartner – CCHSCT.CA)
Pour protéger ses salariés, le dirigeant d’entreprise a le choix entre plusieurs équipements : le casque, qui protège efficacement et immédiatement mais qui est peu confortable, encombrant et qui isole de l’environnement extérieur. « Ce type de protection atténue le bruit sans distinction, ce qui peut mettre l’opérateur en danger, s’il n’entend pas un camion arriver par exemple », précise Didier Defez, responsable commercial des sociétés EPI-3D Protection (CA 2103 : 350.000 euros) et Prod’Embouts Technologies (CA 2013 : 1,5 million d’euros).
Le sur-mesure, une solution adaptée. Une alternative est le bouchon d’oreille en mousse. Mais il est difficile à mettre en place et ne tient pas bien dans l’oreille. Quelle solution choisir alors ? « Le bouchon en silicone réalisé sur mesure avec filtres sélectifs représente 20% du marché de la production auditive mais la France est en retard, par rapport à certains pays comme la Hollande, où il représente 70% des EPI auditifs. C’est la protection la plus adaptée et la mieux portée », affirme Pascal Roussel, directeur général d’Auditech Innovations, une société française spécialisée dans l’EPI anti-bruit sur-mesure basée à Boos (76).
Les filtres sélectifs, mécaniques, atténuent certaines fréquences plus que d’autres. « La zone conversationnelle est ainsi laissée ouverte, alors que les aigus, entre 4.000 et 8.000 hertz sont les fréquences à atténuer prioritairement, insiste Didier Defez. Les cellules touchées en premier sont celles qui captent ces fréquences. » Il existe plusieurs filtres, choisis selon les besoins de l’entreprise et le niveau de bruit. En effet, certains équipements atténuent les aigus et les graves, respectivement de 35 dB et 20 dB, d’autres de 35 dB et 15 dB. « Les personnes qui travaillent sur l’autoroute, par exemple, ont de forts besoins de communiquer, ajoute Didier Defez. En revanche, un salarié sur le tarmac d’un aéroport aura peut-être moins besoin de cette zone conversationnelle. Les filtres choisis seront donc différents. »
Le seul inconvénient : leur prix, aux alentours de 100 euros contre quelques centimes pour des bouchons en mousse. « Souvent, le dirigeant d’une entreprise choisit une protection en fonction de son budget, déplore Pascal Roussel. Mais un bouchon sur mesure est rentabilisé au bout de deux ans puisqu’il a une durée de vie minimum de 4 ans, contre quatre mois pour un casque et quelques heures pour un bouchon en mousse. » Le confort et l’efficacité sont donc des critères à prendre en compte. « Les médecins du travail conseillent les bouchons moulés, renchérit Didier Defez. C’est une question de politique de l’entreprise et souvent les salariés des gros groupes sont mieux lotis que ceux des PME et TPE. Parmi les grands groupes qui ont adopté les bouchons sur mesure, citons Vinci, Bouygues ou Colas. »
100% du temps d’exposition. « Quelle que soit la protection adoptée, les salariés doivent la porter tout au long de la période d’exposition au bruit, nuance Cécilia Chemin, responsable du marketing produit chez Honeywell Safety Products. Peu de salariés sont conscients qu’ôter leur équipement ne serait-ce que cinq minutes dans un environnement bruyant peut causer des dégâts. » Le fabricant d’EPI Honeywell Safety Products commercialise ainsi VeriPro, une solution de sensibilisation et de formation qui permet aux salariés et aux dirigeants de l’entreprise de connaître l’atténuation réelle des protections qu’ils portent.
Honeywell Safety Products a également mis au point une protection auditive qui fait aussi office de système de communication. « Il s’agit d’un dispositif breveté, intra-auriculaire, composé de deux bouchons d’oreilles dans lesquels sont placés des microphones, reliés à un boîtier de communication lui même connecté à un téléphone mobile ou à une radio », dévoile Cécilia Chemin. Une solution adaptée aux ouvriers de l’industrie pétrolière, par exemple, qui travaillent souvent dans un environnement bruyant.
Caroline Albenois
Des protections certifiées efficaces
Chaque protecteur est testé et certifié par un laboratoire spécialisé et reconnu. Grâce à ces spécifications, l’équipement obtient le label CE décrit dans la norme EN352. Les valeurs d’affaiblissement d’un protecteur peuvent varier selon son type et ses caractéristiques. Trois méthodes existent pour réaliser l’affaiblissement d’une protection :
– Le test d’étanchéité : rapide, il mesure une fuite éventuelle du bouchon, mais n’apporte aucune information sur l’affaiblissement du protecteur.
– La méthode MIRE50 (Microphone in Real Ear) : le protecteur est équipé d’un double microphone extérieur/intérieur, l’affaiblissement est déterminé par l’écart de mesure entre les deux microphones lors de la génération d’un bruit blanc.
– La méthode par mesure des seuils d’audibilité : elle permet grâce à des algorithmes complexes, de mesurer très rapidement la perception du sujet avec et sans protecteur, l’affaiblissement est déduit de ces deux mesures. Ce système, contrairement aux deux autres, permet de contrôler n’importe quelle protection de type « bouchon ».
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