La commission des lois a adopté deux propositions de lois renforçant la protection des lanceurs d'alerte. Elle clarifie notamment le statut de lanceur d’alerte et étend la protection à son entourage.
Dans le sillage de la tournée des parlements européens effectuée en octobre dernier par l’ancienne employée de Facebook, Frances Haugen, l’Assemblée nationale a adopté le 17 novembre 2021, à l’unanimité en première lecture, la proposition de loi destinée à protéger les lanceurs d’alerte. Le texte avait été déposé par le député MoDem Sylvain Waserman et plusieurs de ses collègues le 21 juillet 2021. Cette proposition de loi modifie le dispositif général de protection des lanceurs d’alerte prévu par la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016. Pour cela, elle transpose la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. Le gouvernement a engagé une procédure accélérée sur ce texte le 25 octobre 2021.
Une correction des lacunes
Il s’agit de corriger certaines limites mises en évidence par un récent rapport sur l’évaluation de l’impact de la loi. Selon Sylvain Waserman, auteur de la proposition de loi, le texte une fois promulgué fera « de la France un pays à la pointe en Europe et dans le monde sur la question des lanceurs d’alerte ».
Une définition élargie
Pour y parvenir, le texte élargit la définition du lanceur d’alerte et étoffe la liste des secrets applicables. Ainsi, considère-t-il désormais comme lanceur d’alerte toute personne signalant des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.
Une action désintéressée
Et ce à une condition : le lanceur d’alerte doit agir de manière désintéressée. C’est-à-dire faisant preuve de bonne foi, sans réclamer de contrepartie financière, comme c’est le cas aux États-Unis. Ce qui permet d’assouplir la recevabilité de l’alerte notamment dans les cas où le lanceur d’alerte est en conflit avec son employeur. Autre critère, les faits dénoncés pourront concerner « des informations » sur un crime, un délit ou des violations du droit mais aussi sur des « tentatives de dissimulation » de ces violations. Ce qui signifie que pour signaler une violation, le délit n’aura plus à être « grave et manifeste ».
Les facilitateurs également protégés
Par ailleurs, le texte, suivant la directive du 23 octobre 2019, élargit la protection offertes contre les représailles des lanceurs d’alerte ainsi qu’aux syndicats et associations en lien avec le lanceur d’alerte, comme les facilitateurs qui aident à effectuer le signalement ou la divulgation, les collègues ou encore les proches. De quoi protéger le lanceur d’alerte contre l’isolement.
Des mesures de protection renforcées
Pour faciliter les alertes, la proposition de loi assure les garanties de confidentialité concernant un signalement et élargit la liste des représailles interdites. Comme par exemple l’intimidation, l’atteinte à la réputation sur les réseaux sociaux, l’orientation abusive vers des soins. Toutes ces représailles seront désormais passibles de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.
Les entreprises françaises peu préparées
Or, malgré ces nouvelles directives, une étude d’EQS Group met en garde sur le manque de préparation des entreprises françaises : seuls 5 % d’entre elles y seraient conformes. « De nombreuses entreprises sont encore insuffisamment préparées. Les entreprises devraient maintenant utiliser le temps restant pour introduire un dispositif d’alerte efficace qui renforce leurs processus et leur culture éthique », estime le professeur Christian Hauser de la Haute école spécialisée des Grisons, qui, en tant que chef de projet, a dirigé la rédaction et l’élaboration de ce rapport.
Ségolène Kahn
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