Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Prospective des métiers de la sécurité à 10 ans

A deux reprises l’AN2V s’est livrée à un exercice de prospective avec plusieurs centaines de professionnels de la sécurité et de la sûreté, dont récemment à l’occasion du salon APS 2019. Panorama des enseignements que l’on peut en tirer.

Vue de Dominique Legrand, président de l’AN2V durant le salon APS 2019

Dominique Legrand, président de l’AN2V durant le salon APS, estime que « la prospective est un exercice à réitérer régulièrement. » © Agence TCA

Fulgurant, radical et planétaire… le compte-à-rebours du plus grand changement dans l’histoire de l’humanité est déclenché. « Cette grande transition est à la fois technologique, sociétale, économique, énergétique, politique, climatique et culturelle, décrypte Fabienne Goux-Baudiment, prospectiviste, directrice de ProGective, ancienne présidente de la World Futures Studies Federation (WFSF). Cette transition naît de la confrontation violente entre un monde ancien qui résiste au changement (politique, éducation, management, etc.). Et un monde nouveau qui est fondé sur une véritable révolution techno-scientifique, des modes de coopération entre les hommes et les machines ainsi que sur le développement d’une économie à la fois plus créative et collaborative. »

Des questions fondamentales

Comme tout changement ou toute disruption, rien ne se fait sans douleur. En effet, cette « transition fulgurante » se caractérise par une volatilité, une incertitude, une complexité et une ambiguïté croissantes. Difficile, dans ces conditions, de lire l’avenir ! D’où certaines questions fondamentales : comment trouver des solutions acceptables à des problèmes de plus en plus plus complexes ? Comment nos entreprises, nos sociétés, nos économies, nos politiques publiques pourront-elles traverser ce tsunami sans encombre, en toute fluidité ? Comment assurer une sécurité et une sûreté efficaces dans nos territoires, pour nos concitoyens et pour nos entreprises ? C’est le travail des prospectivistes de tenter d’y répondre.

Se projeter à 3 650 jours

C’est dans cette perspective que l’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V) s’est livrée à deux reprises à un exercice de prospective à 10 ans, lors de sa nuit de l’AN2V le 29 janvier dernier, et lors du salon APS 2019 du 1er au 3 octobre à Paris. Pour y parvenir, l’association s’est basée sur la méthodologie de Philippe Gabillet, professeur de psychologie du comportement et du leadership à ESCP Europe. Celui-ci s’appuie sur six questions pertinentes permettant de nous projeter raisonnablement à 10 ans. Soit dans 3 650 jours ! A chacune de ces six questions, les participants n’ont eu que trois ou quatre minutes pour répondre. Lors de la session de janvier, l’AN2V a ainsi récolté 5 400 réponses « qu’il a fallu recopier, trier, hiérarchiser, regrouper pour enfin présenter les résultats sous la forme d’un tableau et d’un nuage de mots », expliquait Dominique Legrand, président de l’AN2V. Durant APS 2019, 1 200 réponses ont également été récoltées mais, pour l’heure, le travail de synthèse porte sur les travaux de janvier.

Le sentiment d’insécurité va persister d’ici 10 ans

Quels sont alors les grands enseignements de cet exercice de prospective ? Première question : « En 2029, qu’est-ce qui n’aura pas changé ? » Autrement dit, pour les acteurs du secteur de la sécurité électronique et de la vidéoprotection, quels éléments semblent si solides qu’ils permettent d’ancrer leur avenir sur un socle, un invariant, un enracinement ? En priorité, viennent le sentiment d’insécurité ou le besoin de sécurité (28,5 %), la présence de l’humain accompagnée de la notion de valeur civilisationnelle (14,1 %), et, pour 12,9 %, un encadrement juridique fort (justice, loi, réglementation, CNIL, fonction publique…). A noter que, loin derrière (à 6,9 %), on retrouve l’importance du facteur économique (commerce, marché, coûts), la diversité technologique ainsi que l’innovation technologique (5,8 %). Enfin, 4,7 % des réponses expriment comme invariants la liberté individuelle, la protection des hommes, le respect de la vie privée et des droits de l’homme.

L’IA, facteur majeur de changement

Seconde question : « Qu’est-ce qui aura changé à coup sûr ? » Il s’agit ici de décrire ce qui, d’ici à 10 ans, semble inéluctable. Quels sont alors les éléments qui se seront transformés sans aucune autre option possible ? A 39, 2%, on trouve l’accélération de la technologie sous l’influence de l’intelligence artificielle (IA). Curieusement, la capacité à analyser et exploiter les images et les données ne cumule que 12,2 % des réponses. Troisième question : « Qu’est-ce qui ne saurait être ? », c’est-à-dire le futur interdit, le champ des hypothèses totalement exclues, inenvisageables. A hauteur de 21,9% les professionnels de la sécurité et de la sûreté mettent pêle-mêle l’absence de lois, les politiques, les GAFA, la CNIL, les forces de police et la réglementation. Autre hypothèse exclue par 13,9 % des répondants, l’eugénisme de IA, de la robotisation et de la digitalisation. De même, 13,5 % écartent l’abandon de la vie privée, la menace de la liberté individuelle et l’intrusion dans nos vies privées. 10,1% seulement excluent le remplacement total de l’homme par la machine et la technologie pilotée par l’IA…

Un exercice à réitérer régulièrement

Quatrième question : « Qu’est-ce qui a déjà commencé ? » Le futur tendanciel de 2029 montre les angles et les options qui semblent avoir déjà été pris. Sans surprise, l’avancement de l’IA et des nouvelles technologies s’arrogent 23,9 % des réponses. Cinquième question : « Quelles sont les principales incertitudes ? » A 23,7%, il s’agit de l’évolution réglementaire, du cadre juridique et le rôle des politiques contre 14,3 % pour les avancées, la fiabilité et l’adaptabilité des technologies. Sixième question : « Quelles sont les marges de manœuvre ? » 28,6 % des répondants estiment qu’elles dépendent d’accords, d’actions politiques et de législations. 12,5% ils pensent que leur avenir passe par l’adaptation et l’acceptation du changement. « Cet exercice de prospective est extrêmement bénéfique car il permet de se poser de bonnes questions et de se projeter dans l’avenir, souligne Dominique Legrand. Il est intéressant de le réitérer tous les deux, trois, cinq ou dix ans. » Bref, la prospective est une bonne gymnastique pour l’esprit, les affaires et la politique.

Erick Haehnsen

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