Plus d'un cadre sur trois est stressé au travail selon le 19e baromètre Cegos. Parmi les principaux facteurs : la surcharge de travail, la pression exercée par la hiérarchie ainsi que le sentiment d'isolement. Pour prévenir les risques, il faut libérer la parole du manager mais aussi celles des membres de son équipe.
Occasionné par une mauvaise organisation du travail ou un contexte socio-économique défavorable, le stress professionnel touche aussi bien les salariés que les cadres dirigeants, comme le montre la 19e édition du baromètre sur le climat social et la qualité de vie au travail publiée par Cegos, organisme de formation professionnelle. L’étude a été menée auprès de 1 115 collaborateurs d’entreprises du secteur privé de plus de 100 salariés. Soit 700 salariés, 250 managers et 165 directeurs et responsables RH (Ressources humaines). Cette enquête indique que plus de moitié des salariés (54%) et près d’un tiers des cadres (66%) disent subir dans leur travail un stress régulier. Lequel se traduit pour 65% des managers par un effet négatif sur leur santé. Les principaux facteurs de stress étant la pression exercée par l’autorité, la surcharge de travail et le sentiment d’isolement.
Cadres « empêchés »
Malgré leur autonomie importante et leur capacité à prendre des décisions, de plus en plus de cadres souffrent d’être coupés de leur équipe et de leur direction. C’est notamment le cas des managers « empêchés », dont l’essentiel du temps est consacré à des tâches de gestion administrative (reporting, plannings…) alors que leur rôle premier est de diriger, motiver et guider leur équipe. « Ce type de situation est une tendance significative dans de nombreuses entreprises », constate Florent Dubus, chargé de mission à l’Aract Normandie. Une autre difficulté à laquelle se trouvent confrontés les managers concerne leur obligation à appliquer des lignes managériales ou des décisions directives parfois en décalage avec leur propres pratiques. Ils porteront ainsi la responsabilité de l’émergence de risques psychosociaux sachant qu’ils sont garants du bon fonctionnement de l’organisation.
Etre attentif aux signaux d’alerte
Certains secteurs sont plus particulièrement touchés que d’autres. « C’est notamment le cas dans le secteur médico-social où il faut gérer une activité auprès d’un public vulnérable », constate le chargé de mission qui cite aussi le secteur public, où le personnel d’encadrement peut rencontrer des difficultés du fait d’un manque de formation. Différents signaux peuvent alerter la direction des difficultés qui touchent les managers. A commencer par un taux anormal de démissions ou d’absentéisme, la vacance des postes d’encadrement ou encore des arrêts maladie à répétition. Autres signes révélateurs, la remontée auprès de la direction de plaintes formulées par des salariés, représentants du personnel ou des clients, ne doit pas être négligée. D’autres indicateurs peuvent aussi contribuer à affiner la problématique, comme la dégradation des délais ou de la qualité des produits et services rendus. Pour réaliser une analyse plus précise des difficultés rencontrées, il est conseillé de mener une enquête en ouvrant des espaces de discussion afin que chacun puisse exprimer et apporter son avis sur les problèmes rencontrés et ce qui peut être amélioré. « Durant ces discussions, il peut être intéressant de demander aux participants de prendre des photos ou des images symboles qui incarnent des sources de difficultés ou d’épanouissement, suggère l’Aract. Cela permet d’ouvrir le débat et de s’interroger sur le fonctionnement de l’organisation. » C’est l’occasion pour le manager d’identifier les leviers (manque de connaissance, d’outil ou de compétence) mais aussi les interlocuteurs susceptibles de l’aider en cas de difficulté. « En multipliant les angles d’analyse, on aboutit à une gestion plus cohérente des problèmes, uneaction plus transverse et une meilleure définition des rôles de chacun », fait valoir Florent Dubus.
Adopter une démarche de prévention durable
Pour que l’approche soit durable, il ne suffit pas de faire appel à un consultant extérieur. Il faut aussi qu’en interne l’entreprise poursuive son action. « Ce processus est comparable à celui d’une démarche qualité. La différence, c’est qu’on l’applique à la question de la prévention », résume le chargé de mission. Ce type de démarche nécessite de miser sur la formation de sorte à acquérir des compétences sur le fond en termes d’animation de groupe, d’évaluation et de mise en œuvre des actions. Toutefois, la formation seule des managers est insuffisante si l’organisation de l’entreprise n’évolue pas elle-même afin de permettre aux managers de mettre en oeuvre leur autonomie, leur capacité à soutenir les salariés ou encore à réguler le fonctionnement du collectif.
« Le stress touche surtout les managers de proximité » interview de Béatrice Grimaldi, médecin du travail du Service aux Entreprises pour la Santé au Travail Ile de France.
Pourquoi est-il important de prévenir le stress des managers ?
Il existe un pourcentage élevé de cadres stressés surtout dans la population des managers de proximité. C’est à eux que revient la charge d’amortir les dysfonctionnements de l’organisation du travail, qui n’a pas été forcément bien pensée. On leur demande de faire descendre l’information auprès de leur équipe mais on leur donne très peu d’occasions d’en discuter. Or, ce sont ceux qui font qui savent. Outre le manque de moyen et de soutien de son N+1, le manager de proximité a des responsabilités dans des sphères d’autonomie plus limitées. Il souffre d’autant plus qu’il ne retire ni bénéfices pécuniaires ni avantages importants de sa fonction. Ce qui conduit à un turnover élevé aussi bien dans les PME et que dans les grands groupes. Par ailleurs, il est d’autant plus important de s’intéresser au stress du manager dans la mesure où il risque de le faire retomber sur ses équipes et d’être perçu comme un harceleur. C’est un cercle d’autant plus vicieux que s’il veut épargner ses équipes, il peut encourir un burn-out.
Au plan médical, quelles menaces pèsent sur la santé du manager ?
Les risques psychosociaux peuvent causer stress, anxiété ou dépression, mais aussi des troubles métaboliques qui peuvent déboucher sur des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, de l’hypertension artérielle, etc.
Comment prévenir ce risque ?
Il faut réfléchir à l’organisation du travail, partager les règles du métier et discuter davantage des gestes et de la réalité des tâches sachant qu’il existe un écart entre le travail prescrit avec des objectifs et le travail réel. En abordant ces sujets avec confiance et solidarité, on évite les conflits interpersonnels. C’est la meilleure façon de prévenir le stress du manager. Pour que cela fonctionne, il est nécessaire que ce dernier soit formé à organiser les réunions et écouter ses équipes. Enfin, il faut sensibiliser les encadrants, sachant qu’un manager de proximité sera d’autant plus stressé qu’il n’a pas lui-même d’encadrant soutenant.
Propos recueillis par Eliane Kan
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