Jeudi dernier, lors de la présentation de 50 nouvelles mesures destinées à simplifier l’activité des entreprises, François Hollande a souligné que « la visite médicale obligatoire n'[était] réalisée que dans 15% des cas » et pouvait « relever de la formalité impossible » du fait d’un manque d’effectifs médicaux ou de contrats courts. Le projet de simplification administrative prévoit ainsi de déléguer cette visite au médecin généraliste.
« Cette annonce s’est faite en dehors du Comité d’orientation sur les conditions de travail (Coct), l’instance nationale de concertation entre partenaires sociaux et pouvoirs publics », affirme Martine Keryer. Ce Conseil participe à l’élaboration de la politique nationale de prévention des risques professionnels. Il est consulté sur les projets de lois et textes réglementaires en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, les projets en matière d’instruments internationaux. Le Conseil formule également des recommandations et des propositions d’orientation en matière de conditions de travail.
Pour la CFE CGC, diminuer le champ du médecin du travail est un déni complet de son rôle. « C’est le seul professionnel médical capable d’identifier un environnement toxique ou une organisation de travail délétère, poursuit la secrétaire nationale. Les médecins généralistes n’ont pas de formation adaptée. Ils ne connaissent ni les postes de travail, ni l’entreprise, ni les risques auxquels le salarié est confronté. La visite médicale systématique ne doit pas se transformer en simple bilan de santé. »
Garant de la QLVT. Le médecin du travail est en outre le seul professionnel à avoir une démarche collective d’alerte auprès de l’employeur et du CHSCT. « S’il perd les visites médicales, il ne peut plus avoir une idée de ce qui se passe dans l’entreprise, il n’a plus de référence collective », explique Martine Keryer. La spécialité de la médecine du travail a été créée en 1946 pour que le salarié ait un examen médical et un espace de parole dédié au travail et à ses dysfonctionnements éventuels : l’amiante chez l’électricien, l’asthme chez la coiffeuse, le canal carpien chez la secrétaire, le burn-out chez le manager…
La pénurie de médecins du travail à laquelle fait référence le président de la République serait en fait selon les syndicats une pénurie organisée. « Il n’y a pas assez de postes ouverts en internat », assure Martine Keryer. Les services de santé au travail ont également la possibilité de recruter des collaborateurs médecins pas encore spécialistes en médecine du travail mais qui s’engagent dans une formation de quatre ans. « C’est le même système par ce biais, il n’y a pas assez de postes universitaires ».
Pour pallier cette pénurie, il suffirait donc, selon le CFE CGC, d’ouvrir davantage de postes d’internes et de collaborateurs médecins. Il s’agit aussi de réfléchir sur certaines visites, à adapter : celle des salariés qui travaillent de nuit, convoqués tous les six mois par exemple, ou la visite d’embauche pour les salariés sans risque, à contrat courts. « Cela allègerait la charge de travail des praticiens, conclut Martine Keryer. Mais la visite systématique tous les deux ans pour tous les salariés doit rester dans le champ du médecin du travail. »
Caroline Albenois
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