A l’inverse du Royaume-Uni, la France est sous-équipée en matière de casques. Dommage, car les fabricants ont fait de gros progrès en termes d’ergonomie et de confort.
Le port du casque en deux-roues ou sur les chantiers de BTP a fait ses preuves avec une baisse massive des blessures de la boîte crânienne. D’autres secteurs comme ceux de la sidérurgie, métallurgie, l’énergie, la manutention de charges, sans oublier biensûr l’élevage et l’agriculture ont adopté depuis de nombreuses années cette pratique. Laquelle essaime désormais auprès d’autres professionnels. A commencer par le secteur maritime. En témoigne, l’Institut maritime de prévention qui a publié en juillet dernier un guide d’achat sur les casques et casquettes de protection. Objectif : inciter les marins-pêcheurs professionnels à mieux se protéger durant leur campagne de pêche.
Dans ce secteur, les blessures à la tête représentent 6 % des accidents du travail maritime déclarés chaque année. Contre 4 % pour l’ensemble des salariés. Les traumatismes crâniens sont loin d’être anodins. La Caisse nationale d’assurance maladie a enregistré pour l’année 2002 10 % de décès dus à ce type de blessures. Les causes d’un traumatisme peuvent être multiples : entre autres, une glissade sur le sol, une chute d’objet, un choc provoqué par une masse en mouvement, ou encore un heurt contre un obstacle fixe. A l’instar de cet ouvrier qui, en se redressant, a cogné sa tête contre la barre d’un échafaudage. La lésion cérébrale qui s’en est suivie a entraîné une hémiplégie qui paralyse ce salarié sur une partie du corps.
Faute grave
Cet accident du travail aurait pu être évité sachant que le décret N°95-608 du 6 mai 1995 rend le port du casque obligatoire pour les travaux de démolition. Un salarié qui refuserait de s’y plier peut d’ailleurs être licencié pour faute grave depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2005.
Malgré ces lourdes menaces, il existe encore des réticences à porter des casques.
« En matière de protection de la tête, la France est sous-équipée », déplore d’ailleurs Jean-Marc Pautrat, président de la Commission tête au Synamap. « Chaque année, il se vend 1,5 million de casques contre le double au Royaume-Uni qui a pourtant une population comparable », précise notre interlocuteur qui est, par ailleurs, responsable France de Centurion Safety Products, un industriel britannique qui fabrique Outre-Manche tous ses casques de protection. Un marché d’envergure international sur lequel rivalisent Auboueix, Delta-Plus, Drager Safety, MSA The Safety Company, Petzl, Schuberth et 3 M.
Depuis ces cinq dernières années, ces fournisseurs de casques multiplient les efforts afin de lever les réticences des utilisateurs. Lesquels sont de deux ordres : le poids du casque, leur manque de confort et d’ergonomie. Des doléances qu’ont su écouter les fabricants qui ont travaillé sur l’allègement de l’EPI en utilisant des matériaux plus légers comme l’ABS tout en procurant davantage de confort grâce à des mousses pour absorber l’humidité ou des systèmes qui permettent de mieux répartir sur la tête le poids du casque.
Norme EN 397
A cet égard, il faut rappeler que le casque de protection doit être conforme à la norme EN 397 tandis que les casquettes de sécurité répondent à la norme EN 812 (lire l’encadré sur les casquettes). Elément visible du casque, la calotte doit absorber le poids d’un objet de 5 kilos chutant d’un mètre de hauteur. Elle fixe également l’ancrage et la largeur de la jugulaire. Réglable sous le menton, le port de cette sangle est obligatoire dès lors que son utilisateur est susceptible de perdre son casque dans sa chute. C’est notamment le cas lorsqu’il monte des charpentes, des antennes ou lorsqu’il réalise des travaux sur corde. Outre la jugulaire et la calotte, un casque comporte un harnais. Cet élément placé à l’intérieur de l’EPI sert à maintenir le casque en place sur la tête et joue le rôle d’amortisseur lors d’un choc, comme le rappelle la brochure publiée par l’INRS (2007) consacrée aux casques de protection. Cet harnais est constitué de trois parties : le tour de tête, le serre-nuque et la coiffe.
Casques et casquettes : deux poids, deux mesures
Avec leur design qui s’inspirent du monde du sport, les casquettes de sécurité ont conquis les opérateurs. Notamment sur les chaînes d’assemblage ou de montage où le risque de chute d’objet est relativement limité. Les utilisateurs sont néanmoins susceptibles d’être heurtés contre un obstacle ou de subir des égratignures. d’où la nécessité d’adopter des casquettes de sécurité. Alors que les casques de protection répondent aux exigences de la norme EN 397, les casquettes de sécurité répondent à l’EN 812. Mais le principe des tests reste le même. Ainsi, les tests d’absorption de choc se font pour les casques et les casquettes sur une hauteur de chute d’1 m dans le premier cas et de 0,25 m dans le second cas avec une masse de 5 kilos. Quant aux tests de résistance à la perforation, il s’effectue aussi sur une distance d’1 m dans le premier cas et de 0,5 m avec une masse de 3 kilos dans un cas et de et de 0,5 kg dans l’autre.
Coiffe en textile
Pour rendre le port du casque plus agréable, chacun de ces éléments a été optimisé. A commencer par la calotte et la coiffe. « Les modèles les plus confortables sont en textile et non pas en plastique car ils s’adaptent mieux à la boîte crânienne et apportent un meilleur confort thermique », indique Jean-Marc Pautrat dont l’entreprise propose notamment des casques pour femmes dotés de coiffes plus petites. « Mais pour l’heure les ventes sont microscopiques alors que l’on sait que de plus en plus de femmes travaillent dans l’industrie. »
Si les casques en service sont majoritairement en polyéthylène, d’autres matériaux de nouvelles générations mènent l’offensive. Outre les casques en ABS, citons le polyamide et le polycarbonate mais aussi le polyester renforcé en fibre de verre et le phénol textile, qui sont adaptés à des hautes températures de l’ordre de 150 °C.
« Tous ces matériaux confèrent au casque une durée d’utilisation de préconisation de cinq ans après leur mise en service », revendique Jean-Marc Pautrat.
Des systèmes à protections combinées
Certaines activités comme les travaux de démolition, les activités de métallurgie ou de fonderie réclament de protéger simultanément ses collaborateurs contre les risques respiratoires et auditifs, de chute d’objet, ou de projection de métaux ou de produits chimiques. Dans ce cas, plutôt que de multiplier les EPI (casque et lunettes de sécurité, masque respiratoire, etc), il est souvent plus confortable d’opter pour un système de protection respiratoire intégré à ventilation assistée ou à adduction d’air. Lequel se compose d’une unité filtrante ou d’un régulateur à adduction d’air, d’un tuyau respiratoire, de filtres antigaz et/ou antipoussières et d’une pièce faciale légère ou rigide. Parmi les grands fabricants de ce type de solution, 3M propose une gamme baptisée 3M Versaflo où chacun des modules sont interchangeables. Dernières nées de cette famille, les coiffes rigides 3M Versaflo Série M comptent six modèles différents composés, entre autres, de polycarbonate dont certaines sont compatibles avec des coquilles antibruit 3MTM. Point fort, cette nouvelle gamme se veut plus facile d’utilisation et d’entretien grâce notamment à la couleur repère bleue qui guide l’utilisateur dans la manipulation des différentes pièces détachées et leur remplacement régulier. Cerise sur le gâteau, une fois réglé et correctement ajusté par l’utilisateur, cet EPI peut s’enfiler en quelques minutes seulement ! De quoi gagner en productivité.
300 g et moins
Dans ce panorama des matériaux, l’ABS fait figure de proue même s’il est plus cher. Par exemple, en prix public, il faut compter aux alentours de 15 à 16 euros pour un tel casque contre 10 euros pour un casque en polyéthylène haute densité. «L’ABS est plus léger (de plusieurs dizaines de grammes) et offre une meilleure résistance aux chocs », souligne le responsable de Centurion qui présente dans son catalogue le casque « Concept » fourni avec une coiffe textile et pesant tout juste 300 grammes, soit 20 % de moins que la plupart des autres produits du marché. A l’exception notable du « VISI » de JSP, qui affiche 299 grammes. Comme la plupart des casques de dernière génération (dont Concept cité plus haut), il se présente sous deux versions : en mode ventilé (Visi AJB 160 – 000) pour favoriser le confort thermique de l’utilisateur et un autre sans aération destiné aux électriciens (Visi AJA 160-000). Ce dernier répond de ce fait aux exigences de la norme EN 50365 qui régit les casques isolants pour une utilisation sur des installations basses tensions. Point fort, il est disponible avec deux types de visières, une standard et une autre avec une microvisière pour donner à l’utilisateur plus de visibilité à la verticale. Un concept exploité également par Delta-Plus qui propose un casque en ABS s’inspirant des coiffes de joueur de base-ball. Sa visière peut être portée devant ou derrière.
Outre la réduction du poids du casque, l’autre axe de travail des fabricants a consisté à mieux équilibrer le port du casque de sorte que la masse soit mieux répartie sur la tête. A l’exemple du casque Vertex de Petzl (455 g). Pourvu d’une coiffe textile six points et de trous de ventilation avec volets coulissants manipulables depuis l’extérieur (dans sa version ventilée), cet EPI est destiné aux opérateurs travaillant en hauteur. « Pour les aider à ajuster facilement leur casque sur la tête, nous avons prévu un système de réglage du tour de tête à l’aide de deux mollettes situées sur les côtés du casque et que l’on peut manœuvrer avec des gants », indique Guillaume Oudot, le responsable communication du segment marché professionnel chez Petzl. Lequel a complété sa gamme de casques avec un autre modèle baptisé Alveo conçu pour les travaux sur corde, l’élagage et les secours car il est plus léger (soit 350 g contre 450 g pour le Vertex) grâce à sa coque en polystyrène expansé.
A l’instar de leurs concurrents, ces produits s’apparentent à des plateformes modulables sur lesquelles viennent se fixer ou s’enclipser de multiples accessoires. A titre d’exemple, le Vertex et l’Alveo peuvent recevoir une visière transparente pour protéger les yeux de possibles projections, des protections auditives, ainsi qu’une lampe frontale Pixa qui permet de libérer les mains de l’opérateur.
Même philosophie pour l’Américain MSA The Safety Company dont les casques sont reconnaissables grâce à la présence d’un V en surépaisseur qui vient renforcer le sommet de la calotte .
« Notre entreprise, à l’origine, est spécialisée dans la détection de gaz et de casques pour mine », indique Yohan Morel, responsable produit de MSA qui a racheté en 2002 le Français Gallet, spécialisé dans les casques de pompiers. Moyennant quoi, l’usine de Chatillon-sur-Chalaronne, dans l’Ain, produit, depuis 2007, des casques techniques et des casque des chantier pour l’Europe, et ce, en différents matériaux qui vont du polyéthylène au nylon chargé en fibres de verre en passant par l’ABS adopté par les V-Gard 200 et 500. Pesant 360 gr, ces derniers disposent d’une coiffe textile ajustable à l’aide d’une molette ou d’une glissière et sont certifiés Atex selon EN13463-1 et EN50365 pour se préserver des risques électriques. Ses casques supportent différents accessoires comme des lunettes, portes écrans, lampe frontale, latérale, fixe ou pivotante, mais aussi des coquilles antibruit qui permettent d’atténuer les bruits assourdissants tout en augmentant les bruits faibles, par exemple, le bip de recul d’un véhicule. Ce qui peut limiter les risques liés à la coactivité sur les chantiers. En outre, il existe une système d’alerte qui avertit l’utilisateur qu’il a vingt heures devant lui pour changer les piles. « La SNCF a d’ailleurs équipé ses salariés travaillant sur les rails de casques VGard 500 », confie Yohan Morel. Lequel voit dans la personnalisation des casques une des grandes tendances du marché. La demande est partie des grands groupes qui cherchent à mettre en valeur leur logo ou encore à diffuser des messages de sécurité, voir à identifier certains spécialistes comme les secouristes ou les élingueurs.
« Plus de 40 % de nos casques vendus sont désormais estampillés d’un logo », indique le responsable marketing. Non content d’avoir des casques personnalisés, les utilisateurs peuvent aussi y ajouter des stickers réfléchissants pour être vus durant la nuit. Pour ceux qui veulent aller plus loin encore dans cette démarche, MSA et ses compétiteurs proposent des casques haute visibilité en couleur fluo. Un choix auquel ne souscrivent pas forcément les salariés, tempère pour sa part Jean-Marc Pautrat.
« S’ils sont déjà amenés à porter des vêtements haute visibilité, ils pourraient avoir des réticences à ressembler à des petits bonhommes Lego. »
Eliane Kan/Agence TCA
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