Avec un budget en très légère hausse en faveur du ministère de l’Intérieur, le projet de loi de finance pour l’an prochain annonce une augmentation du nombre d’emplois. Dans le détail, ils sont affichés à la baisse.
Comme chaque année, les discussions sur le projet de loi de finances (PLF), prévues par l’article 51-5° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), nous livre son lot de promesses et de mécontentements. Dans ce contexte, la lecture attentive de l’annexe « Sécurités » au PLF 2020 est instructive. En préambule, le texte rappelle que « la mission « Sécurités » concourt à la stratégie du ministère de l’Intérieur visant à protéger et secourir les Français sur l’ensemble du territoire, répondre sans délai aux situations de crise et déjouer les menaces. Les quatre programmes de la mission, 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale », 161 « Sécurité civile » et 207 « Sécurité et éducation routières », soutiennent les actions spécifiques et conjointes des acteurs de la sécurité intérieure. »
Un plan de recrutements en trompe-l’œil
L’annexe au PLF 2020 indique également que « l’engagement de la gendarmerie et de la police nationales restera guidé par la lutte contre toutes les formes de délinquance, la présence sur le terrain et la proximité avec la population. Ainsi, la poursuite de la mise en œuvre du « plan 10 000 recrutements » [durant le quinquennat actuel, NDLR] correspondant aux engagements du président de la République se traduira par le recrutement de 2 000 policiers et militaires supplémentaires. » Le gouvernement annonce que les effectifs de police augmenteront l’année prochaine de plus de 1 500 postes. Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, ces forces devraient poursuivre la mise en œuvre de stratégies locales adaptées qui associent, au sein de territoires à forts enjeux de sécurité, l’ensemble des partenaires compétents. En zone police, l’objectif de 60 quartiers de reconquête républicaine devrait être poursuivi, chacun d’eux ayant vocation à bénéficier d’un renfort en effectifs et matériels. Cependant, le programme « Police nationale », inscrit au budget 2020, fait état d’une baisse des effectifs qui, dans le tableau « Récapitulation des emplois par programme », passent de 254 507 en 2019 à 252 2108 en 2020. Ainsi la police nationale perdra-t-elle 2 474 emplois. Ses 151 532 fonctionnaires en 2019 ne devraient plus être que 149 058 équivalents temps plein annuel travaillés (ETPT) l’an prochain. Dans une moindre proportion, la Sécurité civile voit ses effectifs 2019 (2 484) maigrir de 5 emplois.
Davantage de postes en préfectures
Toujours selon les annexes, il existe bien une augmentation de 3 176 emplois en faveur du ministère de l’Intérieur mais pas pour les programmes 176 « Police nationale » ou 152 « Gendarmerie nationale ». Ces emplois sont fléchés vers l’Administration territoriale de l’État ou la conduite et le pilotage des politiques de l’Intérieur. Bref, il s’agit de fonctionnaires pour les préfectures, sous-préfectures et représentations de l’État en outre-mer. Par ailleurs, des agents du ministère de l’Intérieur vont occuper des activités d’état-major, d’expertise, de conseil et de contrôle.
Un budget global en hausse
Par ailleurs, le gouvernement va tenter de se rattraper avec le volet du budget du ministère de l’Intérieur. Lequel qui devrait progresser de 10,96 milliards d’euros votés en 2019 à près de 11,07 milliards d’euros proposés pour l’an prochain au Parlement. Soit environ 110 millions d’euros (+1,1%). La plus forte hausse en proportion (+34,06%) porte sur la mission « préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux » dont le budget bondit de 240 à 322 millions d’euros pour 2020. Vient ensuite « l’exercice des missions militaires » (+15,99 %) qui passe de 136 à 158 millions d’euros. Autre hausse significative (+13,57%), celle de la mission « ordre public et protection de la souveraineté » de 1,23 à 1,40 milliard d’euros. Dans le détail, les dépenses de personnel de la police grimpent de près de 350 millions d’euros pour apurer les primes et une part des heures supplémentaires accumulée avec la crise des gilets jaunes. En revanche, cette augmentation se fait aux dépens du budget de fonctionnement (-167 millions d’euros) et des investissements (-58 millions d’euros). Les baisses les plus fortes affectent la prévention et la gestion de crises (-45,55%) ainsi que la préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux (-34,06%).
Grands projets informatiques
En parallèle, le PLF 2020 poursuit des programmes déjà engagés en matière de transformation digitale des forces de l’ordre. Citons Neopol (55 millions d’euros engagés en 2020, 40 millions prévus pour 2021 sur un total de 122 millions) qui s’inscrit dans le plan de modernisation de la sécurité intérieure. Il vise à doter les agents d’un outil numérique mobile sécurisé, notamment un nouveau modèle de mobilité moins centré sur le véhicule. Il veut aussi améliorer la sécurité des intervenants et l’efficacité des interventions et renforcer la relation sécurité intérieure/population. Neopol cherche également moderniser et simplifier les processus de travail pour les agents. Il est prévu de renouveler le contrat de location des équipements en 2020 pour une durée de 4 ans et d’augmenter le nombre d’équipements loués à hauteur de 100 000 terminaux (50 000 aujourd’hui).
De son côté, le projet MCIC2 (4,23 millions engagés pour 2020 sur un total de 25 millions) a pour objet de mettre en place un nouveau système d’information et de communication pour le traitement des appels d’urgence 17PS (Police Secours) et le pilotage des interventions. Cet outil remplacera celui qui est actuellement déployé dans les centres d’information et de commandement (CIC) au titre du projet MCIC/Pegase initié en 2004. Il dotera tous les services territoriaux intervenant dans le champ de la sécurité publique, y compris les centres de réception d’appels 17PS qui ne sont pas équipés aujourd’hui du système Pegase. Vient ensuite le projet Plate-forme convergée pour services à très haut débit opérationnels résilients mobiles (PC Storm) qui crée une architecture de cœur de réseau maîtrisée par l’État, gérant les utilisateurs et les profils associés. Il permet d’accéder à un même ensemble de services professionnels indépendamment de l’équipement d’extrémité et du réseau d’accès. Ce cœur de réseau doit être capable de s’adosser à différents réseaux d’accès mobiles fixes ou tactiques, en particulier les « bulles tactiques » à très haut débit souhaitées par les forces d’intervention.
Erick Haehnsen
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