Prévenir le stress des salariés constitue une voie efficace pour réduire le turnover et le taux d'absentéisme. En jouant la carte de la proximité et du management participatif, la PME Plebicom, un opérateur de clubs d’acheteurs privés sur Internet, réussit à concilier les intérêts de chacun avec ceux de l'entreprise.
A retenir
Opérateur de clubs d’acheteurs privés sur Internet, la société Plebicom, 35 salariés, est en contact avec plus d’un million d’adhérents. Le service client est alors régulièrement assailli d’appels de membres plus ou moins insatisfaits. Une situation stressante que l’entreprise cherche à prévenir par différents moyens. Tout d’abord avec un partage de l’information client qui retrace son historique afin de ne pas laisser les salariés sans argument objectif. Ensuite avec une convivialité à multiples facettes : la liberté (budgétée) de personnaliser l’environnement de travail, la décoration. Enfin, la direction favorise un mode de gestion permettant aux chefs de pôles et aux délégués du personnel de prendre part aux grandes décisions de l’entreprise et de faire part de la ‘‘température psychologique’’ des employés. Enfin la PME construit le développement personnel des salariés en installant une bibliothèque ouverte ainsi qu’un Intranet servant à partager des ‘‘bonnes pratiques’’. De quoi réduire le stress en donnant à chacun les moyens de progresser.
Difficile, quand on est au service client, d’échapper à l’agressivité des appelants. Néanmoins, si ce type de contacts se répète et que le salarié n’est pas formé à gérer ce genre de situation, le stress qui en résulte peut se transformer en pathologies psychiques plus ou moins graves. Or il faut rappeler que, selon la loi, le dirigeant est réputé responsable de la santé physique et mentale de ses salariés. Pour les préserver des risques psychosociaux, l’entreprise a donc tout intérêt à ne lésiner ni sur les moyens ni sur les formations susceptibles d’aider les salariés à maîtriser la situation. C’est d’ailleurs la stratégie adoptée par Gilles Nectoux, le PDG de la société Plebicom qui gère des sites Internet de clubs d’acheteurs.
Née il y a tout juste dix ans, cette PME de 35 salariés édite donc différents sites internet. Le plus connu, Ebuyclub, rassemble sur son portail plus d’un million de membres dans sa communauté. Lorsque ces derniers réalisent un achat électronique auprès d’un des 600 sites marchands partenaires du club, ils reçoivent un ‘‘Cash-Back’’, c’est-à-dire un chèque en numéraire, géré par le Back-Office de l’entreprise. Une activité à risque, sachant que l’argent a toujours un caractère sensible qui peut susciter des comportements agressifs. Résultat, le service dédié au ‘‘Cash-Back’’ est régulièrement assailli de clients insatisfaits. Pour y faire face, les conseillers clients sont assez bien outillés. « D’abord, ils sont équipés d’un casque téléphonique sans fil qui leur permet d’être calés confortablement dans leur fauteuil », décrit le dirigeant. Autre point important, ils disposent d’un outil qui centralise toutes les informations commerciales de leurs clients ».
Les données sont communiquées à l’internaute qui se voit, en outre, rappeler les procédures à suivre pour percevoir son ‘‘Cash-Back’’. Ces efforts de transparence ont le mérite de calmer les internautes et d’apaiser les tensions qui pèsent sur les épaules des collaborateurs de Plebicom. Preuve que la démarche paie, les courriels de satisfaction servent de motif à la fresque murale qui ornemente l’espace de travail réservé au Back-Office. Lequel y gagne en visibilité et en fierté. Tant mieux du reste, car « la reconnaissance permet d’atténuer la pénibilité du travail », soulève le PDG.
Cadre de vie convivial
Désireux d’offrir à ses collaborateurs un cadre de vie agréable, Gilles Nectoux a attribué un budget pour la décoration à chacun des pôles (marketing, commercial, service après-vente, etc.). Fresque murale, photos d’enfants sous cadres, maquette d’avion suspendue au plafond, boule lumineuse à facettes… ornent ainsi les locaux. Concernant l’éclairage des postes, chaque salarié a choisi la lumière qui lui convient le mieux, certains préférant celle des halogènes plutôt que l’éclairage du plafonnier.
Non contente de rendre les locaux plus conviviaux, l’initiative ‘‘déco’’ a un impact psychologique non négligeable puisqu’elle contribue à stimuler l’esprit d’équipe. Entre midi et deux heures, durant les réunions de chantier, les liens entre salariés se sont naturellement resserrés. Certains se sont ainsi découverts des affinités entre collègues. « Comme chacun aménage son bureau comme il le souhaite, on se sent un peu chez soi. Et cela crée une bonne ambiance de travail », opine Alexandra Barroso, en charge de l’administration et de la comptabilité. Situés en plein cœur de Paris, les bureaux de 300 m2 sont situés en bord de la Seine. Durant leur pause, les salariés peuvent se rendre dans la grande salle de réunion, prendre un café et se détendre en regardant passer les péniches. « C’est un bon moyen de déstresser », sourit le PDG.
En dépit de la vue imprenable sur la Seine, les salariés aspirent aujourd’hui à déménager dans des locaux plus spacieux. Il est vrai que, au fil des années, l’entreprise a étoffé son équipe. Le total des effectifs s’élève aujourd’hui à une quarantaine de personnes, stagiaires compris, âgées en moyenne de 25 ans. Ces salariés sont répartis à parts égales sur deux sites. Celui de Paris rassemble les pôles marketing, commercial, administration, service après-vente et Back-Office. Tandis que celui de Lyon réunit les pôles en charge de la production informatique et du développement logiciel. A superficie égale avec le site lyonnais, la configuration des bureaux parisiens se prête plus difficilement à la création des multiples Open Spaces. Résultat, les employés ont l’impression d’être entassés les uns sur les autres. « Le fait d’être trop à l’étroit dans ces locaux finit par nous stresser. Nous étouffons et nous avons des difficultés de concentration à cause du bruit », soulève Alexandra Barroso. C’est ce qu’on peut appeler le syndrome des immeubles haussmanniens : leurs Open Space n’ont pas assez de surface pour y aménager des espaces d’intimité afin de laisser tout loisir aux salariés de passer des appels personnels ou d’organiser des ‘‘réunions minute’’ lorsque la salle de réunion est occupée. Du coup, pour réfléchir, certains arpentent les couloirs ou se réfugient dans la salle de réunion. Certes, des efforts ont été menés afin de mieux répartir la cartographie du bruit en essayant de disséminer ceux qui parlent fort au sein d’équipes moins bruyantes pour atténuer la gêne provoquée par les conversations téléphoniques. Mais cela ne suffit pas. Le PDG en a pris la mesure et prévoit d’emménager en 2011 dans de nouveaux locaux.
C’est du reste ce qu’il a annoncé aux salariés. Préférant la relation de proximité, ce dernier convie régulièrement ses collaborateurs à des séminaires, durant l’année et à Noël. L’occasion de se détendre mais aussi de parler stratégie et de commenter par le menu détail les résultats de l’entreprise. « Je joue la transparence totale, même lorsque nous connaissons des difficultés », poursuit le dirigeant qui convie aussi chaque vendredi matin son équipe parisienne à un petit déjeuner ‘‘café croissant’’.
Partisan d’un management participatif, Gilles Nectoux organise avec ses collaborateurs des ateliers de réflexion qui touchent l’organisation et le management de l’entreprise. Les propositions sont dûment enregistrées et font l’objet d’un plan d’actions concrètes pour les mettre en œuvre. Ce qui permet aux salariés de constater que leurs remarques sont bien prises en compte. « Quant aux demandes d’augmentation et autres revendications salariales, elles sont collectées par les délégués du personnel qui en discutent avec moi », explique le dirigeant. Ce qui ne l’empêche pas, tous les matins, de saluer chacun de ses collaborateurs d’une poignée de main. « C’est un moment important dans la journée car cela me permet d’être à leur écoute et de mesurer, par le contact manuel, leur état psychologique », poursuit Gilles Nectoux qui n’hésite pas, en cas de signe inhabituel, à en discuter avec ses chefs de pôles.
Management de proximité
Ces derniers jouent l’interface entre la direction et les salariés. Lesquels sont invités chaque année à un entretien individuel d’évaluation. L’occasion de faire le point et de leur remettre des fiches de mission écrites et négociées avec des objectifs. « C’est important de bien cadrer ses collaborateurs. Car ne pas savoir dans quelle direction porter ses efforts est facteur de stress », souligne le PDG qui demande toutes les semaines à ses chefs de pôle de lui remonter un suivi des objectifs atteints. « Je cherche à valoriser mes chefs de pôle en leur accordant une mission RH ». Ce qui n’exclut pas de garder le contact étroit avec le personnel grâce à la fameuse poignée de main du matin et grâce aux réunions avec les délégués du personnel pour faire un point régulier sur l’état psychologique des troupes. « Tout cela ne tient qu’à un fil. Il peut y avoir des moments de doute. Il faut constamment soigner l’écoute », recommande le PDG. « En terme de stress, le bon indicateur, c’est l’atteinte des objectifs ». Pour aider ses salariés à progresser, l’entreprise a investi dans une bibliothèque qui s’enrichit d’ouvrages de comptabilité, marketing… mis à la disposition de chacun. Plebicom a également créé son Intranet où chacun partage ses connaissances en publiant des liens sur des sujets intéressants. Par ailleurs, le plan de formation interne est également rendu public. « Nous identifions régulièrement les besoins en formation qui seront traités en interne. Idem pour les nouveaux arrivants qui bénéficient d’une formation d’accueil afin de faciliter leur intégration. »
Avec un turnover inférieur à 10 % et un taux d’absentéisme relativement bas, la politique RH de Plebicom semble porter ses fruits. « En cas de grève des transports, les salariés peuvent travailler de chez eux. Ce qui limite l’absentéisme et les sources de stress. » Autre motif de satisfaction, la mobilité interne permet aux salariés de Plebicom de passer aisément d’une fonction à l’autre. « Nous avons eu notamment le cas d’un responsable technique qui est passé au marketing web. » Bien sûr, la question des rémunérations, qui est une source de préoccupations pour l’ensemble des salariés français, demeure même ici un sujet épineux. « Il faut être juste et équitable et parfois dur en rappelant aux salariés les limites de la négociation », conseille Gilles Nectoux qui brandit les arguments suivants : « J’explique que je rémunère une fonction qui correspond à tel niveau et que les décisions sont prises en fonction de la grille salariale du marché et non à la tête du client. »
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