Patrick Liébus ne devait pas en croire ses oreilles ! A l’occasion du congrès annuel de son syndicat professionnel au Cnit de la Défense ces 8 et 9 avril, le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) devait certes s’attendre à des annonces. Mais la réalité a sûrement dépassé ses espoirs. En effet, à propos du compte pénibilité, François Rebsamen, ministre du Travail, a jeté aujourd’hui jeudi 9 avril un pavé dans la mare en annonçant la fin de la fiche individuelle du compte pénibilité. Non content de disserter sur « l’absurdité de ce dispositif », le ministre a lancé : « Il n’y aura pas de fiche à remplir pour les petites entreprises à partir du mois de juin. […] S’il faut supprimer des critères inapplicables, on les supprimera. » Applaudissements fort nourris dans la salle de conférence.
Le compte pénibilité va-t-il être relégué aux oubliettes ? Pas sûr. D’autant que, normalement, les décrets, applicables entre autres dans le secteur du bâtiment, sont prévus pour entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Reste qu’un amendement a été adopté le 19 mars dernier par la commission spéciale du Sénat dans le cadre du projet de loi Macron. En clair, cet amendement concerne la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité. Détail d’importance : celui-ci vise à supprimer la fiche individuelle qui archive l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité. Un sujet qui avait suscité l’émotion des fédérations professionnelles. On peut les comprendre car la gestion de cette fiche eût imposé un travail administratif jugé trop harassant pour les TPE et PME, notamment dans le bâtiment. Selon le site Batiactu, la commission précise qu’il « ne s’agit pas de remettre en cause le principe même de la prévention de la pénibilité », mais « de mettre en place un dispositif qui ne nécessite pas […] d’embaucher des salariés avec la seule mission de remplir cette fiche. »
Du bon sens, en somme, comme le réclament les professionnels du secteur. A l’instar de la Fédération française du bâtiment (FFB) qui salue cet amendement, mais qui maintient la pression en argumentant que ce dispositif « est un incroyable appel d’air en direction des salariés détachés au détriment de l’emploi local. » En outre, l’amendement simplifie les facteurs de pénibilité pris en compte. Mais tant que le gouvernement ne sera pas parvenu à recueillir l’approbation des partenaires sociaux sur des modalités de mesures plus simples de l’exposition aux autres facteurs définis par le décret du 9 octobre 2014 (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, températures extrêmes, bruit, travail répétitif)… ils ne pourront pas entrer en vigueur.
De son côté, le Club des Entrepreneurs salue une annonce adaptée à la réalité économique. Christian Person, son président, se félicite de l’annonce du ministre du Travail ajoutant que « c’est un signal fort envoyé aux entrepreneurs que nous sommes. Le dispositif envisagé était asphyxiant pour les petites entreprises qui composent pourtant la majorité de notre tissu économique. Cela va dans le bon sens, celui de l’encouragement à l’investissement dans notre pays par la simplification de notre environnement réglementaire. Ce sont des emplois préservés qui préfigurent la croissance de demain. » Espérons que cette simplification ne videra pas de son contenu la prévention des risques pour la santé et la sécurité au travail.
Erick Haehnsen
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