Avec la disparition du CHSCT et des délégués du personnel au profit du Conseil économique et social (CSE), de nombreuses modifications vont impacter les conditions de travail ainsi que la sécurité et santé au travail (SST). Quelles en sont les principales dispositions et conséquences ?
Quel va être l’impact des nouvelles dispositions du Conseil économique et social (CSE) sur la santé et les conditions de travail des salariés ? Selon David Mahé, président de Stimulus, un cabinet conseil en santé psychologique au travail qui emploie 80 salariés à Paris, Lyon, Aix-en-Provence, Madrid et Montréal pour un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros, « le CSE concerne les entreprises de plus de 50 salariés. Rien ne change pour les plus petites au niveau des obligations des employeurs en matière de sécurité et santé au travail (SST). Par ailleurs, certains dispositifs complexes à mettre en œuvre, comme la pénibilité, ont été simplifiés. Ce sont les pratiques du dialogue social qui vont changer. »
Des changements de pratiques sociales qui soulèvent des questions
Ce qui soulève certaines questions : les entreprises vont-elles maintenir leur niveau d’engagement en matière de SST ? En effet, avec la disparition du CHSCT, l’agenda social de l’entreprise va intégrer un grand nombre de thèmes : les salaires, les temps de travail, l’emploi, les compétences, la situation économique… « La SST risque d’être moins prioritaire », reprend David Mahé. Autre question : les sujets de proximité vont-ils continuer à être traités sans les délégués du personnel, jusqu’à présent habitués à résoudre des cas concrets ? « À ces questions, la réglementation n’apporte pas de réponse, aux entreprise de les imaginer », poursuit le spécialiste de santé psychologique au travail. Doit-on alors en déduire que les préoccupations liées à la SST au travail risquent d’être dégradées ? « Je ne suis pas de cet avis. Tout d’abord, les prérogatives du CHSCT vont, pour l’essentiel, se retrouver au sein du CSE. Globalement, les préoccupations SST font désormais partie intégrante de la stratégie de l’entreprise, estime, pour sa part, Stéphane Bloch, avocat spécialisé en droit du travail, associé au cabinet KGA Avocats à Paris qui emploie 50 personnes. Il est donc logique de réunir au sein d’une même instance des représentants du personnel qui vont apprécier des préoccupations SST de façon globale et les inscrire dans les paramètres décisionnels de l’entreprise. »
Simplifier la représentation du personnel
Est-ce un bien ou un mal ? Une chose est sûre : auparavant, les entreprises s’occupaient de la SST sous la pression réglementaire et sociale. « Ici, la motivation change. Les leviers seront l’accompagnement au changement, l’efficacité opérationnelle, la motivation des collaborateurs, l’attractivité de l’entreprise, la marque employeur… Le contexte évolue mais il n’est pas dépourvu de leviers », souligne David Mahé. Qui seront les gagnants et les perdants du CSE ? Bien sûr, on manque d’éléments d’information puisque les décrets d’application ne sont pas sortis. « Néanmoins, la philosophie du texte vise à simplifier la représentation du personnel et à accroître la fluidité du dialogue social dans l’entreprise. Notamment dans les PME et TPE, analyse Stéphane Bloch. Ce sera le cas si au sein des entreprises les partenaires sociaux et la direction jouent le jeu. Le statut des délégués du personnel disparaît mais leurs prérogatives seront exercées au sein du CSE. »
Réduction du nombre des représentants du personnel, des heures allouées à la représentation et du recours aux expertises extérieures
Cependant, on s’attend à une diminution probable du nombre de représentants du personnel et des heures allouées à la représentation. Ce qui apparaît comme une véritable régression sociale. « Peut-être mais, auparavant, les mêmes personnes au sein des différentes instances de représentation du personnel de l’entreprise étaient souvent sollicitées sur des sujets identiques, reprend l’avocat en droit social. Les décrets vont réviser le nombre de représentants du personnel au sein du CSE avec des seuils et avec un minimum d’heures allouées. Et, évidemment, ce nombre pourra être augmenté par la voie de la négociation. »
Autre sujet d’inquiétude : dans quelle mesure le recours aux expertises extérieurs va-t-il aussi diminuer ? « Les frais d’expertises relatives aux consultations sur la santé économique et financière de l’entreprise, la politique sociale en cas de PSE, les risques graves et imminents pour la santé ou la sécurité, les conditions de travail… resteront couverts à 100 % par l’entreprise. Certaines expertises ne seront plus prises en charge qu’à 80 %. Par exemple sur le droit d’alerte économique, avance Stéphane Bloch. L’idée, c’est de responsabiliser l’instance représentative. En effet, certains estiment que le recours aux expertises a parfois été abusif. Notamment dans le cadre de licenciements économiques collectifs. Ici, l’idée, c’est de recourir de façon moins systématiquement aux expertises externes dès lors que les élus vont être formés pour être mieux spécialisés. »
Vers des organisations agiles ?
D’une certaine manière le dialogue promis par le CSE semble vouloir offrir ce que préconisent de nombreuses théories du management, à savoir ‘‘casser les silos’’ pour rendre les organisations agiles. « On manque d’éléments d’information puisque les décrets d’application ne sont pas sortis. Néanmoins, la philosophie du texte vise à simplifier la représentation du personnel et à accroître la fluidité du dialogue social dans l’entreprise, reconnaît David Mahé. Notamment dans les PME et TPE. Ce sera le cas si au sein des entreprises les partenaires sociaux et la direction jouent le jeu. Le statut des délégués du personnel disparaît mais leurs prérogatives seront exercées au sein du CSE. »
Certes, le CSE s’applique aux entreprises quelle que soit leur mode d’organisation : matricielle, hiérarchique, libérée, agile ou autre. Il laisse également la liberté aux acteurs du dialogue social d’organiser leurs travaux comme ils le veulent. Les élus vont devoir se mettre à la page de la stratégie de l’entreprise dans son contexte. « En contre-partie, les dirigeants devront être plus transparents, mieux partager l’information et peut-être faire davantage confiance, soulève le spécialité de la santé psychologique au travail. L’opportunité du CSE, c’est bien de remplacer la culture de la confrontation et du conflit basé sur la défiance par des pratiques de négociation et de consensus basées sur la confiance et la transparence. À condition de jouer le jeu… » Reste à savoir de quels sujets les entreprises vont s’emparer ? Et selon quelle hiérarchisation ? Enfin, qui va rythmer l’agenda du dialogue social : les élus ou la direction ?
Un budget en propre
Quels seront les moyens financiers du CSE ? « Le budget de fonctionnement reste de 0,20 % de la masse salariale dans les entreprises de 50 à 2 000 salariés et de 0,22 % au-dessus de 2 000 salariés, détaille Stéphane Bloch. Cependant, auparavant, le CHSCT n’avait pas de budget en propre. À présent, comme le CHSCT est intégré au CSE, un budget sera alloué à la SST. » Au final, le CSDE est-il défavorable aux salariés ? « Pas forcément car les obligations de l’employeur en matière de SST ne sont pas modifiées. Cependant, la pratique de produire la SST va évoluer en passant davantage par le dialogue que par l’expertise externe, synthétise David Mahé. Les évolutions se feront moins sous la contrainte réglementaire ou sociale que par l’efficacité opérationnelle, la réduction des risques, l’organisation du travail, les processus… Le recours à l’expertise ne sera plus forcément l’alpha et l’oméga de la SST. »
Mise en œuvre : un agenda jusqu’en 2020
Obligatoire à partir du 1er janvier 2018, l’instauration du CSE touche les entreprises de 11 salariés et plus depuis au moins 12 mois consécutifs qui ne disposent pas encore d’instances représentatives du personnel (IRP) ni de CE. Ces entreprises devront organiser un protocole d’accord, des élections des représentants du personnel, créer le CSE qui exercera les prérogatives des délégués du personnel. Pour les autres entreprises qui, en majorité, ont déjà des IRP, elles bénéficient de dispositions transitoires assez complexes pour se conformer au 1er janvier 2020.
Erick Haehnsen
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