Depuis les attentats, votre secteur connaît-il un accroissement d’activité ? Cet afflux de demandes a-t-il eu un impact sur les conditions de travail des agents de sécurité ?
Nous avons effectivement enregistré une hausse importante de la demande en agents de sécurité. Cette situation est liée au fait que la Préfecture de police a donné des directives afin que toutes les entreprises exposées à un risque d’attentat renforcent le contrôle d’accès à leurs bâtiments. C’est le cas notamment des sites Seveso mais aussi des entreprises implantées à proximité de Saint-Quentin-Fallavier (Ndlr un présumé terroriste y a attaqué une usine de production de bouteilles de gaz après avoir décapité son patron).
La situation des agents de sécurité s’est d’ailleurs sensiblement dégradée car rien n’a été pensé en conséquence. Il arrive que parfois rien ne soit prévu pour que les agents puissent se restaurer durant leur pause. C’est notamment le cas dans certains centres commerciaux où les agents n’ont pas la possibilité de s’asseoir alors qu’ils doivent rester debout 12 heures d’affilée.
Le surcroît d’activité a-t-il obligé les entreprises de sécurité à embaucher d’urgence de nouveaux collaborateurs. Quel est leur profil ?
Il y a pas mal de très jeunes employés sans diplôme qui sont embauchés en CDD ou en vacation ponctuelle. En général, ils acceptent sans rechigner n’importe quelle mission. Même celles qui leur réclame de se déplacer en voiture pour effectuer une poignée d’heures de travail alors qu’ils sont moins bien payés que les agents en CDI. Ceux qui sont employés en CDD ne touchent que 9,75 euros brut de l’heure et ne sont pas remboursés des frais de transport occasionnés par leur mission.
C’est dire le nombre d’heures qu’il faut accomplir pour gagner convenablement sa vie. On voit aussi des salariés plus âgés et fragiles économiquement. Certains cumulent plusieurs emplois pour boucler leurs fins de mois. Je pense, par exemple, à ce professeur de gestion qui travaille comme agent de sécurité tous les week-ends pour payer des études supérieures à ses enfants.
Votre métier est il concerné par les problèmes de pénibilité au travail ?
Beaucoup d’agents sont soumis au travail de nuit. C’est d’autant plus épuisant pour l’organisme qu’il faut effectuer des rondes de nuit et rester vigilant tout le temps. A cela s’ajoute le fait que c’est assez stressant car, au cours des rondes, on n’est plus à l’abri du poste de sécurité. Or certains sites sont ouverts la nuit sur l’espace public. Ce qui expose au risque de se retrouver nez-à-nez avec des intrus et d’avoir des altercations. Bien sûr, on a pour consigne de ne pas s’interposer et de fuir le danger.
A cela s’ajoute le problème des horaires instables et décalés. On ne reçoit le planning mensuel qu’une semaine avant le début de chaque mois. Du coup, on ne peut rien prévoir à l’avance. Cela pénalise la vie sociale. En outre, lorsqu’on a des horaires atypiques, cela peut nuire à la vie de famille mais aussi à la santé. Après avoir accompli 10 heures de ronde, on n’a pas la force de cuisiner. On se nourrit alors de pizzas et de sandwichs. A la malbouffe s’ajoute le fait qu’on est souvent en dette de sommeil. Du coup, entre le travail de nuit, les horaires décalés et une mauvaise alimentation, la santé se dégrade du fait d’un vieillissement prématuré de l’organisme.
Qu’en est-il de la place des femmes dans vos métiers ?
La féminisation progresse. Chez Onet Sécurité, les femmes représentent 15% à 20% de la masse salariale. On est d’ailleurs constamment en train de demander à la direction qu’elle tienne compte de leur morphologie afin de féminiser les tenues. Je pense que les femmes ont de l’avenir dans notre profession. Elles sont plus délicates et attentionnées lors des situations de filtrage.
Et comme elles ont plus de tact, cela génère moins de conflits et elles arrivent plus facilement à dénouer les situations de tension. D’ailleurs le manque de femmes dans la profession va poser un problème aux organisations syndicales car les nouvelles règles concernant la représentativité réclament la parité.
Quels sont les autres sujets qui préoccupent votre profession ?
L’accord de branche que nous avons négocié prévoit des conditions de poste et de rémunération des agents de sécurité. Or cette disposition est menacée par la demande des clients. Ces derniers veulent que les agents de sécurité mis à leur disposition soient multiservices. De peur que leurs contrats ne soient pas renouvelés, nos employeurs acceptent ce type d’exigences.
Du coup, ils exercent une pression sur le personnel. Nous devons effectuer des tâches qui n’ont rien à voir avec nos métiers. Comme ranger des paniers et des caddys dans des magasins. Ou encore procéder aux levées de drapeau pour l’accueil de visiteurs prestigieux. C’est le cas de certains agents de sécurité travaillant sur un site pharmaceutique de la région lyonnaise et qui ont vu leurs revendications salariales acceptées après qu’un mouvement de grève a été déclenché.
Il faut dire qu’ils avaient de nombreuses tâches à effectuer. Outre le contrôle d’accès du site, ils ont en charge la sécurité incendie, la gestion des alarmes, la rédaction des rapports sur main courante électronique… Tout cela est source de stress, sachant qu’en cas d’accident, ils doivent être les premiers à intervenir auprès des blessés.
Propos recueillis par Eliane Kan
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