A la demande du groupe Horizons, la création de la Mission d’information sur les capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles, a été actée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale du 20 juin 2023. Depuis le mois de septembre, cette mission procède à des auditions. Ses travaux s’achèveront par la publication d’un rapport qui fera état des informations recueillies et analysées ainsi que de ses recommandations.
Le 20 juin dernier, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale a pris acte, à la demande du groupe Horizons, de la création d’une mission d’information sur les capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles. Comprenant 25 membres, cette mission d’information est présidée par Lisa Belluco (groupe Écolo-Nupes, Vienne) et Didier Lemaire (groupe Horizons, Haut-Rhin), rapporteur. « Depuis le mois de septembre, la mission d’information procède à des auditions qui concernent la diversité des acteurs intervenant en matière de sécurité et de protection civiles ou concernés par ces questions : élus, administrations, professionnels, experts ou associations…, indique Lisa Belluco. Ses travaux s’achèveront par la publication d’un rapport, qui fera état des informations recueillies et analysées par la mission ainsi que de ses recommandations pour conforter notre modèle de protection et de sécurité civiles. » Bien sûr, la mission pose la question des capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles dans la perspective des JOP 2024. Extraits de la conférence du 2 novembre.
La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris en surchauffe
A commencer par la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), corps militaire créé en 1811 par Napoléon. Avec 498 162 interventions réalisées en 2022 sur Paris et la Petite-Couronne, soit 1 260 interventions par jour (une intervention par minute), l’activité opérationnelle de la BSPP est bien au-dessus de ses capacités prévues pour 450 000 interventions par an. Et, ce malgré ses 8 600 militaires d’active, ses 800 réservistes et ses 150 volontaires service civique. « Nous sommes intégrés à la Préfecture de police de Paris. Cela commence avec notre centre d’appel commun qui regroupe le 15 (urgences), le 17 (police), le 18 (pompiers) et le 112 (urgences). Toutes les directions des services actifs sont en contacts les unes avec les autres. Soit 4 000 appels par jour pour 25 000 accidents de la circulation et 2 000 incendies par an », résume le général de division Joseph Dupré La Tour, commandant de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Dont 600 feux d’espaces naturels en 2022, année de canicule. Des feux éteints rapidement grâce à la présence de 78 centres de secours.
Reste que « pour près de 80 %, les interventions quotidiennes relèvent du secours à victimes. Mais 20 % d’entre elles ne nécessitent pas d’envoyer en urgence un moyen sapeur-pompier. Or cette surchauffe génère une dégradation de la couverture opérationnelle lorsque des engins mobilisés pour des interventions évitables ne sont plus disponibles pour des cas réellement urgents », soulève Joseph Dupré La Tour. A cela s’ajoutent la diminution de l’excellence opérationnelle lorsque les sapeurs-pompiers n’ont plus le temps d’élaborer leur préparation opérationnelle ainsi qu’une usure accélérée des matériels et des personnels. Euro, Coupe du monde de rugby, événements de grande ampleur… tout ce qui se passe à Paris qui offre une résonance nationale, voire mondiale. « Paris est le lieu de toutes les fêtes mais aussi de toutes les colères à proximité des lieux où se concentrent les pouvoirs. Comme nous l’avons vu avec les Gilets jaunes et les manifestations contre la réforme des retraites », poursuit Joseph Dupré La Tour.
Difficile de recruter et de fidéliser les jeunes
« Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ? », interroge le rapporteur Didier Lemaire. « Notre moyenne d’âge est très jeune (30,5 ans) et l’Armée, c’est du flux. Nous espérons recruter chaque année 1 200 jeunes. Mais, depuis deux ans, nous avons des difficultés. Cette année, par exemple, nous n’avons pu recruter que 1 050 jeunes cette année, 930 l’année dernière. C’est désespérant ! », constate Joseph Dupré La Tour. Les raisons ? Trop d’effort à fournir, trop de stress, pas de télétravail, le manque d’attractivité grandissant de la région parisienne… « De plus, les jeunes se mettent plus tôt en couple et se sont plus casaniers. Dès lors, rejoindre la BSPP n’est plus un choix individuel mais un choix de couple, souligne le comandant de la BSPP. En matière de fidélisation, le premier renouvellement de contrat est un moment critique. Si le jeune renouvelle, on le garde pour les contrats suivants. Par ailleurs, sur 800 personnes qui se sont présentées aux concours de sapeur-pompier professionnel, il y a eu 500 lauréats mais 350 ont abandonné, souvent parce qu’il n’y a pas de poste libre dans leur département d’origine. » Et le commandant de la BSPP de prier les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de ne pas recruter avant les JOP Paris 2024 afin de ne pas assécher la Brigade. Ensuite, les salaires ont fortement augmenté. De fait, les salaires des jeunes sapeurs-pompiers ont augmenté de 1 800 euros par mois en 2020 à 2 200 euros en 2023. « Certes, c’est une mesure salutaire mais nos coûts salariaux ont bondi de 22 % en deux ans auxquels s’ajoutent les coûts de l’énergie passant de 7 millions d’euros en 2017 à 10 millions en 2023 malgré 6 % à 7 % de réduction des consommations », calcule Joseph Dupré La Tour.
L’apport des volontaires
« Quelles sont vos relations avec les associations de volontaires civiles. Travaillez-vous avec elles et de quelle manière ? », demande le rapporteur Didier Lemaire. « Nous sommes très liés aux associations agrées de sécurité civile (AASC) comme la Croix-Rouge française. Suite à un appel au 15 (Samu) ou au 18, ce sont elles qui arrivent en premier dans 90 % des cas et qui rendent compte du bilan », reconnaît le commandant de la BSPP. Dans le cadre des orientations JOP Paris 2024 de la Préfecture de police, l’état-major de la BSPP a conduit une analyse des risques pour la totalité de la période des jeux. Considérant qu’il est de la responsabilité de l’organisateur d’assurer la sécurité à l’intérieur des sites de compétition et d’entrainement, notamment en s’appuyant sur des dispositifs prévisionnels de secours (DPS) armés par des associations agréées de sécurité civile (AASC), l’analyse a conduit la BSPP à prendre en compte quatre types de risques (courant, aggravé, spécifique et exceptionnel). Les travaux se poursuivent cette avec l’appui des groupements.
Au-delà de l’appui aux dispositifs de sécurité, la Brigade devra absorber les interventions liées à un risque courant particulièrement aggravé, tout en maintenant une capacité d’action face au risque exceptionnel. Il s’agira donc à l’été 2024 de faire face à une activité exceptionnelle dans un contexte de tension extrême en raison de l’enjeu national et de l’ultra médiatisation de l’événement. La réussite de cette mission ne pourra se faire qu’avec des ressources en adéquation. Par anticipation, il est donc nécessaire d’envisager toutes les mesures visant à constituer des forces supplétives avec l’emploi de réservistes, de volontaires service civique et de citoyens secouristes. Soit un renfort d’environ 10 000 volontaires. « Je sais que les AASC répondront présentes. Elle seront majoritairement à l’intérieur des sites olympiques. Ce qui nous permettra de nous concentrer sure les espaces publics », assure Joseph Dupré La Tour. Par ailleurs, une préparation opérationnelle adaptée est indispensable pour intervenir sur n’importe quelle opération. La BSPP effectue ainsi au moins trois exercices interservices mensuels d’ampleur et intègre désormais la variable JOP Paris 24 dans tous ses exercices.
Erick Haehnsen
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