Nouveau métier défendu par l’AniTEC, l’OLSN assure des missions managériales et techniques à la croisée du numérique et du bâtiment. En orchestrant la mise en place de la convergence des réseaux et systèmes numériques, il est le garant des questions inhérentes à l’écologie et à la sécurité des services du bâtiment.
Selon les sources, le numérique pèse aujourd’hui 3 % à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 2,5 % de l’empreinte carbone nationale, comptabilise l’édition 2023 de l’enquête annuelle Pour un numérique soutenable réalisée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Pis, si rien n’est fait, les émissions en GES du numérique pourraient augmenter de 60 % d’ici à 2040, soit 6,7 % des émissions de GES nationales, indique le pré-rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat. D’où l’intérêt d’une nouvelle sorte d’acteur, défendue par l’Alliance nationale des intégrateurs de technologies connectées, pilotées et sécurisées (AniTEC) : l’opérateur local de services numériques (OLSN) qui saura concevoir, orchestrer et maintenir le développement des services numériques, dont la sécurité-sûreté et la cybersécurité, tout en réduisant drastiquement leur impact environnemental, dans le cadre de la réglementation thermique RE2020.
Les produits : 80 % à 85 % de l’empreinte carbone du numérique
Dans le guide de l’AniTEC Opérateur local de services numériques / Administrer et opérer les services numériques publié en septembre 2022, son président Arnaud Brouquier définit l’OLSN « comme le ‘‘Facility Manager 4.0’’, supervisant tous les équipements numériques d’un ou plusieurs bâtiments, mono ou multisites, offrant une gestion quotidienne réactive et proactive, de proximité, tout en garantissant une pérennité des systèmes dans le temps et dans une recherche permanente d’éco-responsabilité. » Dans son portefeuille de missions, l’OLSN va considérer la phase de production des terminaux électronique qui concentrerait 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France. Mandatées en août 2020 par le gouvernement, l’ADEME et l’Arcep ont mené une étude en trois volets pour préciser l’impact environnemental du numérique en France. D’après les deux premiers rapports publiés le 19 janvier 2022, les terminaux génèrent de 65 % à 92 % des impacts environnementaux du secteur numérique, suivi des centres de données (de 4 % à 20 %) puis des réseaux (de 4 % à 13 %).
50 tonnes de CO2 pour les 250 km de câbles d’un immeuble tertiaire de 10 000 m²
« Globalement, 80 % à 85 % des émissions de CO2 du numérique proviennent de la fabrication des produits, dont 80 % sont dus à l’extraction et à la production des matières premières utilisées. L’enjeu de l’éco-responsabilité du numérique consiste donc à réduire la quantité de produits tout en apportant la même qualité de services, resitue Gilles Genin, président de la filière des métiers du numérique à l’AniTEC et PDG-fondateur de la société InGeTel-BET. Par exemple, le câble à 4 paires derrières une prise Ethernet RJ45 a un poids carbone en fabrication de 200 g/m. Dans un bâtiment tertiaire de 10 000 m², on arrive ainsi à 200 km, voire à 250 km de câbles installés. Soit 50 tonnes de CO2 générées pour les fabriquer. » Dans le résidentiel, les émissions de CO2 générées par les services de base de communication sont de l’ordre de 9,7 kg/m². Or, ce sont justement ces valeurs que l’OLSN se propose de réduire grâce à l’écoconception numérique.
Ressources de cuivre épuisées en 2050
L’objectif est à la fois ambitieux et indispensable. En effet, un rapport de l’ONU stipule que, au rythme actuel de la consommation, les réserves de cuivre seront totalement épuisées en 2050. D’autant que le développement des réseaux électriques et télécoms, qui s’accaparent de 60 % de la ressource, croît de 5 % par an dans les pays émergeants tandis que seuls 41 % du cuivre en Europe sont recyclés contre 31 % dans le monde, selon Copperalliance. Mécaniquement, son cours devrait flamber. Quant aux terres rares (antimoine, germanium, hafnium, indium, lithium, nickel, or, tantale…) indispensables à la fabrication des puces et composants électroniques, elles font l’objet d’un dangereux monopole. En 2022, la Chine en a extrait 58 %, en raffiné 89 % et elle a manufacturé 92 % des composants électroniques à base de ces mêmes terres rares. Composants que l’on retrouve dans les éoliennes, les voitures électriques, automates de contrôle-commande, objets connectés, smartphones, ordinateurs, serveurs, concentrateurs, caméras de vidéosurveillance… Une chose est sûre : sans cuivre et sans terres rares, pas de services numériques, pas de sécurité-sûreté électronique ni de système de sécurité incendie.
Organisateur de la convergence des réseaux
Face à ces problématiques, l’OLSN organise l’écosystème numérique du bâtiment. Il orchestre la convergence des réseaux et des technologies afin d’assurer l’interopérabilité des services numériques. Aujourd’hui, on en est loin. Sécurité périmétrique et périphérique, contrôle d’accès, vidéosurveillance, chauffage/ventilation/climatisation, gestion technique du bâtiment, éclairage… chaque fabricant a son protocole de communication propriétaire qui l’isole dans un silo, au lieu de s’appuyer sur un standard géré par un consortium international. Résultat de cette entrave à la convergence, « on multiplie les réseaux et les équipements, vitupère Gilles Genin. Cette approche par silos empêche de développer l’interopérabilité entre les services numériques et donc les interactions intelligentes entre les grandes fonctions du bâtiment. » A l’inverse, dans une infrastructure convergente basée sur les standards, lorsqu’une caméra vidéo détecte un départ de feu, la GTB coupera la climatisation, avant de déclencher l’alerte d’évacuation. Les scénarios n’ont de limite que notre imagination.
A la croisée du bâtiment, du numérique, de la sécurité et de l’écologie
Dans ses diverses missions, l’OLSN administre, pilote, sécurise l’ensemble de l’écosystème numérique d’un bâtiment. Au plan technique, il doit connaître les outils d’exploitation du bâtiment et de la maintenance de ses systèmes techniques. Comme la gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), le Building Information Modeling (BIM) ou le Building Operating System (BOS). Il doit aussi coordonner la gestion énergétique des fluides et des systèmes techniques équipant les différents types de bâtiments et maîtriser les questions inhérentes à la sécurité et à l’écologie du bâtiment.
Côté gestion, l’OLSN va coordonner les intérêts divergents des différents acteurs de l’immobilier : gestionnaires d’immeubles, promoteurs, fabricants ou installateurs d’équipements du bâtiment assortis de leurs services numériques (dont la sécurité-sûreté et les systèmes de sécurité incendie), maîtres d’œuvre, sociétés d’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO), sociétés de services numériques, ingénieries, bureaux d’études techniques, opérateurs télécoms, fournisseurs s’énergie… Outre le suivi des mises à jour des systèmes numériques, il surveille la cybersécurité de l’écosystème numérique du bâtiment, en contrôlant les accès et la licéité des usages et en configurant les autorisations au fil de l’évolution des usages du numérique et de leurs utilisateurs. Bref, c’est un oiseau rare au profil de haut niveau.
Erick Haehnsen
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