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Sûreté et sécurité

Olivier Edieu (Exokare) : « La digitalisation pour accroître la qualité des services de sécurité-sûreté »

Interview du président d’Exokare, une société spécialisée dans le conseil en sécurité-sûreté pour les entreprises et administrations.

Photo d’Olivier Edieu, président d’ExoKare

La digitalisation de la sécurité-sûreté se fera durant ces cinq prochaines années. © D.R.

La digitalisation transforme tous les secteurs d’activité. En quoi sera-t-elle indispensable au monde de la sécurité sûreté ?

Lorsque je parle de digitalisation, il ne s’agit pas des équipements techniques qui sont déjà digitaux mais plutôt des activités exercées chaque jour par les personnes de la sécurité-sûreté : accueil des visiteurs, production et gestion des badges de contrôle d’accès, accompagnement des visiteurs… En effet, la digitalisation de ces activités est comparable à celle du contrôle de gestion. L’intérêt, c’est de voir comment ces actions manuelles peuvent être numérisées.

Dans quels buts ?

C’est un changement complet de paradigme. Pendant des années, les départements sécurité-sûreté avaient peu de comptes à rendre. Leur budget suivait la courbe de l’inflation. Aujourd’hui, changement de décor. En raison de la concurrence internationale qui s’accentue, on demande à toutes les entreprises non seulement d’accroître leur rentabilité mais aussi à toutes leurs directions et, en particulier, aux directions sécurité-sûreté de justifier la consommation de leurs ressources : que font-ils des sommes qu’on leur alloue ? A quoi servent-elles ?

Malheureusement, les responsables de la sécurité-sûreté ne sont pas issus de la sphère de la finance ou du contrôle de gestion. Ils ont donc beaucoup de mal à justifier leur budget. Par exemple, peu d’entre eux disposent des données pour calculer le coût unitaire du contrôle d’un visiteur ou d’un véhicule au point de filtrage d’un site.

De la même manière, ils sont encore moins nombreux à être en mesure de vous communiquer le niveau de sinistralité de l’entreprise par classe de fréquence. Et pourtant ces informations sont cruciales pour justifier les investissements. Par conséquent, la digitalisation des fonctions de sécurité-sûreté ouvre la voie au contrôle de gestion pour justifier et mettre en équation leurs dépenses.

En ce sens, la sécurité-sûreté s’aligne sur les exigences financières de toutes les autres fonctions support (RH, DSI, compta , finance…). Désormais, les grands groupes demandent de réduire les coûts de sûreté de 10 % par an.

La qualité de la sécurité-sûreté va-t-elle en pâtir ?

Cette évolution ne signifie pas que l’analytique ne sert qu’à diminuer la paie des agents de sécurité. Au contraire. Grâce à une vision plus objective des coûts de sécurité-sûreté, on va améliorer la qualité des services rendus à condition de parler le même langage que les financiers. A terme, les directeurs sûreté-sécurité devront avoir une formation de type MBA ou Risk Management.

Mais certains événements perturbateurs ne sont pas digitalisés. Or ils ont un impact significatif sur la sûreté-sécurité…

Fuites d’eau, attaques, incendies… il est toujours possible d’en tirer des données. Ensuite, avec la digitalisation de ces aléas perturbateurs, on va analyser par exemple leur fréquence et leur gravité. Puis, on les mettra en perspective avec de grandes tendances comme le réchauffement climatique avec ses pluies torrentielles, ses tempêtes, ses sécheresses.

Ainsi peut-on anticiper l’augmentation des préjudices – pour parler comme les assureurs. Problème : les assureurs ne partagent pas leurs données statistiques. A chaque entreprise de construire son modèle. Au final, on a d’un côté les coûts de la sûreté-sécurité par rapport aux coûts passés et, d’un autre côté, on peut déduire les prévisions grâce à l’analyse statistique.

Où en est-on de cette évolution ?

Durant ces cinq prochaines années, les grands groupes vont mettre en place cette digitalisation, sachant que leurs homologues anglo-saxons ont déjà pris de l’avance. En France, on recrute beaucoup d’anciens militaires ou gendarmes aux directions sûreté-sécurité alors que dans le monde anglo-saxon, on embauche surtout des profils de gestionnaire.

C’est pour cette raison que l’École des officiers de la gendarmerie nationale propose depuis deux ans d’un MBA en sécurité. L’enjeu de la digitalisation, c’est donc de poser les bases d’un réel système de gestion des risques afin d’assurer la pérennité de l’entreprise.

Qu’en est-il des TPE et PME ?

Au-dessus de 300 salarié, une première vague d’entreprises va s’y mettre. Quant aux grands groupes, ils sont déjà sensibles. Mais, aujourd’hui, il n’y a aucune démarche institutionnelle pour accompagner les TPE-PME dans la digitalisation de leur sécurité-sûreté. C’est à leurs syndicats professionnels de s’impliquer dans de tels accompagnements.

Ils sont moins sensibles à la perception des risques pour la raison suivante : un même type d’aléas se produit tous les 10 ans dans une entreprise 10 salariés, tous les ans pour 100 salariés, tous les mois pour 1.000 salariés. A ce niveau, il n’y a pas le choix, il faut les gérer et mettre en place des plans correctifs sans tarder.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

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