Sociologues, historiens, chimistes… Quinze experts issus de disciplines diverses ont été mobilisés sur l’étude concernant les conséquences en santé et sécurité au travail du développement des nanomatériaux manufacturés à l’horizon 2030. Une étude conduite par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) dans le cadre d’un travail collectif. « Nous nous sommes réunis une fois par mois pendant un an, pour identifier les facteurs qui pouvaient influer sur le développement des nanomatériaux manufacturés d’ici quinze ans », explique Myriam Ricaud, experte en prévention des risques chimiques, en charge du programme « Nanomatériaux » de l’INRS. Les experts ont ainsi repéré 31 variables, comme les investissements privés et publics, la place des différentes parties prenantes (syndicats, ONG), la réglementation, etc. Chacune d’entre elles a fait l’objet d’une fiche portant sur son évolution passée et ses évolutions futures possibles.
Quatre canevas envisagés. A l’issue du croisement de ces différentes hypothèses, quatre scénarios ont été retenus. Le premier est le plus « positif » : le développement économique de cette technologie est massive et les risques sont maîtrisés. Le deuxième est l’exact inverse : le contexte de crise freine les ambitions, la société rejette les nanomatériaux. Les deux autres sont plus nuancés. Un troisième scénario évoque ainsi la mainmise des industriels. Enfin, dans le quatrième scénario, les régions les plus riches, pour certaines transfrontalières, investissent massivement dans l’innovation et les nouvelles technologies, notamment dans le domaine des nanomatériaux manufacturés. Mais l’écart se creuse entre le développement de nouvelles substances et les avancées de la recherche sur les risques.
Cette exercice de prospective servira à orienter les futurs travaux de l’INRS sur les nanomatériaux. « Il convient notamment de poursuivre les efforts déjà engagés sur l’évaluation des dangers potentiels de ces substances ainsi que sur les niveaux d’exposition des professionnels, précise Myriam Ricaud. Malgré les incertitudes, une politique de prévention des risques en entreprise s’avère indispensable. Informer, sensibiliser et former les salariés, les chefs d’entreprise et les médecins du travail. Il faut savoir que des outils de prévention efficaces vis-à-vis des nanomatériaux existent déjà. » En 2013, pas moins de 400.000 tonnes de ces substances ont été mises sur le marché en France. « Mais beaucoup d’entreprises, surtout les petites structures, en manipulent sans même le savoir, conclut l’experte. Ce manque d’information, de communication et de traçabilité doit être comblé. »
Caroline Albenois
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