Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Nanomatériaux : attention danger !

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) vient de publier un avis qui confirme les dangers que présentent les nanomatériaux pour l'environnement et la santé au travail.

Les nanomatériaux sont partout. Dans les crèmes solaires pour leur propriété de filtre contre les rayons ultraviolets, dans les dentifrices pour leur pouvoir abrasif, dans le sucre en poudre ou le sel de table comme agent anti-agglomérant… C’est pourquoi les enjeux sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux occupent une place aussi importante dans l’espace public. Tant au niveau international qu’en France. En témoigne la 5ème conférence ministérielle sur l’environnement et la santé organisée par le Bureau Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). A cette occasion, 53 ministres de la Santé des pays membres ont demandé que les enjeux sanitaires et environnementaux liés à la fois aux nanomatériaux et aux nanotechnologies figurent comme l’un des défis clefs de la déclaration de Parme 2010 sur l’environnement et la santé.

Nouvelles méthodologies. Des travaux ayant pour objectif de développer de nouvelles méthodologies d’évaluation des risques ont été initiés par diverses institutions telles que l’Organisation internationale de normalisation (ISO), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne. Notamment pour les personnes en milieu de travail ou la définition de tests de sécurité sanitaires et environnementaux. En France, cette préoccupation est illustrée, entre autres, par les plans nationaux  »santé-environnement » et  »santé-travail » qui ont mis l’accent sur la nécessité de conduire des travaux de recherche et d’expertise pour caractériser les dangers, les expositions et les risques pour la santé humaine et l’environnement. Autre illustration : l’entrée en vigueur de la déclaration obligatoire des usages des substances à l’état nanoparticulaire ainsi que la déclaration des quantités annuelles produites, importées et distribuées sur le territoire français conformément aux articles L. 523-1 à L. 523-8 du Code de l’environnement (loi Grenelle II du 12 juillet 2010).
Dans ce contexte, l’Anses a publié différents rapports d’expertise relatifs aux enjeux sanitaires associés à l’exposition aux nanomatériaux, tant pour la population générale que professionnelle(en 2006, 2008 et 2010). Ces rapports ont en particulier souligné les difficultés à évaluer les risques associés à ces expositions et ont détaillé les besoins de connaissances et d’outils nouveaux permettant de caractériser tant les dangers que les expositions aux nanomatériaux résultant de leurs propriétés spécifiques. Plus récemment, l’Agence a publié un rapport sur un outil d’évaluation et de gestion des risques liés à l’exposition professionnelle aux nanomatériaux (2010) ainsi qu’un état de l’art des connaissances sur la toxicité et l’écotoxicité des nanotubes de carbone (2012), ou encore une évaluation des risques associés à un programme de développement industriel de nanotubes de carbone (2013). Enfin, depuis 2013, l’Agence gère pour le ministère en charge de l’écologie la déclaration obligatoire des substances à l’état nanoparticulaire.

Exposition des travailleurs. L’Anses rappelle et réitère les recommandations formulées précédemment (Afsset, 2008). En particulier, il s’agit de déclarer les nanomatériaux manufacturés comme  »niveau de danger inconnu » et les manipuler avec la même prudence que les matières dangereuses. En d’autres termes, il est question d’appliquer les procédures de sécurité sanitaire qui sont utilisées pour diminuer l’exposition aux matières dangereuses. Dans ce contexte, l’Agence demande que la mise en œuvre de nanomatériaux en milieu de travail soit subordonnée à la réalisation d’évaluations de risques prenant spécifiquement en compte les enjeux sanitaires liés à ces nanomatériaux.
Autre recommandation, l’Anses préconise d’utiliser des principes de  »nano-sécurité » selon le principe STOP (Substitution, Technologie,Organisation, Protection). Ainsi que selon le principe de la signalisation des risques  »nano-objets » : archivage et traçabilité,évaluation de l’exposition, mesurage d’ambiance, suivi médical et formation. L’Anses recommande par ailleurs d’engager sans attendre des études de faisabilité de classification réglementaire de familles de nanomatériaux manufacturés pour lesquelles il existe suffisamment de données sur les propriétés toxicologiques, par exemple dans le cadre du règlement européen n° 1272/2008 dit « CLP7».
Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a ainsi classé, en 2006, le dioxyde de titane dans le groupe des substances  »cancérogènes possibles chez l’homme » (2B), sans précision sur la nature du dioxyde de titane considéré ni sur sa taille, incluant de fait la taille nanométrique. L’état de l’art bibliographique publié par l’Agence en novembre 2012 sur la toxicité des nanotubes de carbone a mis en évidence un certain nombre d’effets délétères pour la santé humaine liés à l’exposition à ces objets. Les nanotubes de carbone devraient ainsi, en toute première priorité, faire l’objet d’une demande de classement dans le cadre du règlement CLP. D’autres nanomatériaux tels que l’argent, le dioxyde de titane, le dioxyde de silice, l’oxyde de zinc, l’oxyde de cérium, l’oxyde d’aluminium, l’or, etc. sont eux aussi suffisamment documentés pour envisager une classification.

Erick Haehnsen
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