Selon l’Union nationale des syndicats français d’architectes (Unsfa), les dommages dans le bâtiment représentent un gaspillage annuel de 15 à 20 milliards d’euros dû à la non qualité des constructions. Dans ce contexte, comment intervient votre société ?
Nous sommes une société d’expertise de la construction. Nous intervenons sur des malfaçons, pathologies, désordres et sinistres dans les bâtiments déjà livrés. Nous nous efforçons de comprendre ces désordres, de voir comment remettre le bâtiment en état. Nous essayons de voir à quel coût et comment déterminer qui va payer. Nous ne travaillons ni en assistance à la maîtrise d’ouvrage et ni en maîtrise d’œuvre. Nous sommes indépendants. Nous recevons nos missions postérieurement à la livraison de bâtiments, sur déclaration de sinistres de la part des occupants, propriétaires ou sociétés de maintenance.
A l’heure actuelle, le BIM (Building Information Modeling ; Modélisation des données du bâtiment) s’annonce comme une véritable révolution dans l’organisation de la chaîne de valeur du bâtiment. Comment cette technologie peut-elle changer la donne dans la prévention des risques ?
Tout d’abord, le BIM consiste à créer une maquette numérique 3D du bâtiment à construire. Ce modèle 3D est rendu disponible sur une plate-forme collaborative aux divers acteurs du projet : maîtres d’ouvrage, gestionnaires de patrimoine, architectes, économistes de la construction, bureaux d’études techniques (BET), industriels de la construction, entreprises générales de mise en œuvre, sous-traitants et artisans… Qui plus est, cette maquette 3D comporte la base de données de tous les éléments de construction (murs, portes, fenêtres, gaînes de ventilation, isolants…) assortis de leur description (propriétés physiques et chimiques, performances thermiques, normes, prix…) entrant dans la construction du bâtiment. C’est dans le partage de l’information entre tous les acteurs que le BIM promet de prévenir les risques grâce à une meilleure coordination entre les divers acteurs et corps de métier. D’autant que la maquette 3D et sa base de données sont actualisées en permanence de façon collaborative par tous les intervenants habilités. Cependant, en ce qui nous concerne, le BIM est trop récent pour que nous ayons eu affaire à des constats de sinistre ou de dégradation sur des bâtiments construits avec cette méthode. En revanche, nous tablons sur une diminution de la sinistralité dans les bâtiments. C’est d’ailleurs le but du BIM.
Comment intervenez-vous alors ?
Nous travaillons, entre autres, avec des géomètres équipés de télémètres laser qui permettent de créer le début de la maquette 3D de bâtiments existants. A partir de là, les concepteurs préparent leur projet de réparation ou de rénovation. C’est une grande avancée ! Notamment pour la coordination des différents corps de métier lorsqu’on veut aborder la phase d’exécution des travaux. La maquette 3D permet ainsi de voir, par exemple, les interfaces entre un mur et une fenêtre, entre les dalles et les murs porteurs, entre les dalles et les réservations pour les passages de fluides, les croisements de fluides dans les faux plafonds… La maquette 3D partagée permet d’opitmiser la conception et le suivi du chantier. On amoindrit considérablement les sources de conflit sur le chantier. On évite aussi les oublis. En résumé, avec la maquette 3D du BIM, on gère les conflits avant le début des travaux !
Plus précisément quels risques peut-on prévenir avec le BIM ?
Les fissurations avec pénétration d’eau de pluie ou d’air à l’intérieur du bâtiment. Par ailleurs, nous constatons souvent des sinistres dus aux écoulements d’eau à partir des réseaux d’eau froide ou d’eau chaude sanitaire. Or, si on sait où arrive l’eau, il est souvent beaucoup plus difficile de trouver d’où part la fuite. A ce sujet, la maquette 3D nous indique où sont les soudures, les jonctions ou les collages des éléments du réseau de plomberie. On en aura alors une vue d’ensemble. Il sera donc beaucoup plus facile de voir où chercher. On applique le même raisonnement aux réseaux d’air, de gaz industriels et ou de sprinklers.
Les sites d’Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont-ils intéressés par le BIM en maintenance pour la prévention et la gestion des risques ?
Oui. Ils sont en train de devenir de grands utilisateurs du BIM. Par exemple, il sera possible de faire des scénarios de désenfumage et de cantonnement.
Propos recueillis par Erick Haehnsen
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