Interview de la responsable de l’activité Économie circulaire au Centre européen des textiles innovants (Ceti), basé à Tourcoing (Nord). Elle nous éclaire sur une expérimentation de recyclage des fibres de Workwear en fin de vie menée avec Cepovett group.
Quels sont les enjeux du recyclage des vêtements professionnels en fin de vie ?
Ces enjeux se posent surtout dans le cadre de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Celle-ci entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation. L’objectif, c’est limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Selon l’Inec (1), 2,6 milliards de vêtements, linges de maison et chaussures (TLC) sont mis sur le marché chaque année. Cela représente un volume annuel de 624 000 tonnes. Soit environ 9,5 kg/habitant. Concernant les vêtements de travail, je n’ai pas les chiffres exacts. Mais le gisement de vêtements professionnels usagés représenterait 300 tonnes par an en France.
Où en sont les décrets d’application ?
Seul 5 % d’entre eux sont publiés et entrés en vigueur. D’ores et déjà, la loi interdit de détruire les invendus. Mais, d’ici 2025, elle obligera à trouver une solution de valorisation des Workwears. Il faudra aussi incorporer un certain pourcentage de fibres recyclées dans les nouveaux produits à sortir et dans les nouveaux appels d’offres des grands donneurs d’ordre.
Quelles sont les conséquences de la loi pour les acteurs de la filière ?
Première conséquence, les donneurs d’ordre ont besoin de solutions de recyclage pour leurs vêtements professionnels en fin de vie. Dans leurs appels d’offres, ils demandent désormais aux confectionneurs une solution de reprise de leurs Workwears. Ainsi que des solutions pour leur recyclage ou leur valorisation. Le tout, assorti d’un système de traçabilité qui leur garantit la transformation. Certains vêtements, notamment les tenues militaires, sont sensibles du point de vue de l’image. À la différence des vêtements civils, on ne peut pas les valoriser sous forme de don.
Que fait le Ceti dans ce domaine ?
En tant que centre de recherche et d’innovation textile, nous accompagnons donneurs d’ordre et confectionneurs dans leur démarche de recyclage. D’où le projet REPS (2) entre Cepovett group, le Ceti et TDV Industries. Démarré en novembre 2018, il s’est achevé fin novembre 2020. Sur un financement privé de Cepovett group, nous avons étudié le recyclage d’environ 500 kg de workwears invendus ou en fin de vie.
Quelles sont les étapes du processus que vous avez mis au point ?
La première étape a consisté à mettre au point un processus d’effilochage de la matière. Il s’agit d’alimenter une série de machines à quatre cylindres munis de pointes de plus en plus fines et nombreuses jusqu’à obtenir une fibre. Nous avions une entrée de coton et de polyester. Nous l’avons mélangée à 34 % de fibre de polyester recyclé issu de bouteilles en plastique. Au final, nous obtenons une fibre recyclée à 100 %.
Et ensuite ?
Nous traitons la fibre dans une carde. La fibre produit un ruban qui va alimenter une filature Open End pour obtenir des bobines de fil. Ces dernières sont ensuite tissées par TDV Industries qui en a tiré un tissu de 180 m et 1,50 m de large. Dans une troisième étape, Cepovett group a confectionné avec ce tissu des prototypes de vêtements, des vestes et des pantalons mixtes.
Quelle est la suite de ces preuves de concept ?
Réaliser l’étude économique et financière du procédé. Puis nous comparerons le cycle de vie d’un produit en fibres vierges à celui d’un produit en fibres recyclées. Le but sera de trouver le bon modèle économique pour lancer de nouvelles gammes de produits chez Cepovett group. Dans ce contexte, d’autres confectionneurs nous sollicitent. Notamment au sein du consortium Firex qui compte TDV Industries, Mapea, Synergies TLC ou les tissages de Charlieu. Ce consortium a des lettres d’intention de grands donneurs d’ordre : SNCF, La Poste, ministère des Armées, mairie de Paris, GRDF… Ces donneurs d’ordre attendent que Firex instaure une filière de recyclage. Tant pour les Workwears que pour les chutes de tissus issues de la fabrication. Cette filière comprendrait la collecte, le tri, le traitement et la valorisation des gisements. Une chose est sûre : tous les fabricants de vêtements de travail vont devoir, à terme, s’y mettre.
Erick Haehnsen
Commentez