Selon l’organisme, les salons de beauté dédiés aux ongles concentrent en moyenne une soixantaine de produits toxiques avec des « effets mal maîtrisés ». Autre motif d’inquiétude : la difficulté à protéger législativement les employées d’un secteur où le paiement au noir est monnaie courante.
Faut-il souffrir pour être belle ? Non merci ! À en croire le nouveau rapport publié par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), les salons de manucure exposent leurs employées à des produits particulièrement toxiques. Si la nocivité des vernis à ongle n’est un secret pour personne – il suffit d’en ouvrir une fiole dans une pièce fermée pour avoir des étourdissements – cela ne semble choquer personne, encore moins la réglementation. Pour dénoncer ce fait, l’organisme de prévention vient d’annoncer une campagne pour sensibiliser les « petites mains du secteur » dont le métier est de rendre les ongles plus beaux, au détriment de leur propre beauté et, pis encore, de leur santé.
Une protection peu appropriée
On connaît tous ces petites échoppes aux enseignes roses qui prolifèrent dans les rues, alignant fauteuils et bureaux à ongles. Au milieu d’innombrables gels et petites fioles colorées, le dos courbé et yeux plissés, les manucures s’évertuent à orner de couleurs, de motifs et de strass, les ongles de ces dames. Souvent chinoises ou vietnamiennes, ces « petites mains » peu considérées par la réglementation, n’ont pour équipement de protection qu’un mince masque de papier déplié.
60 substances toxiques
Or les produits qu’elles manipulent ne sont pas anodins : du vernis classique, aux poses semi-permanentes, en passant par les faux-ongles en gel ou en résine que l’on sèche à la lampe UV, les techniques de pose et les substances manipulées évoluent sans aucun égard pour la santé des utilisatrices : « Des mesures dans les salons de stylisme ongulaire ont révélé la présence de plus de 60 substances toxiques avec des effets mal maîtrisés du fait de la poly-exposition », pointe Nicolas Bertrand, expert à l’INRS.
Un secteur uberisé
Autre difficulté : parmi les 6 000 salariées que compte le secteur, nombreuses sont les manucures qui officient aussi bien en salon qu’à domicile et bien sûr, au « black ». « On assiste à une plateformisation du métier, avec la mise en relation directe de clientes et de professionnelles indépendantes », estime Nicolas Bertrand. Ce qui ajoute un niveau de contrainte pour réglementer cette pratique.
Sensibiliser les travailleuses
D’où la décision de l’INRS de déployer une stratégie pour mieux encadrer ce métier à travers des fiches techniques chargées de sensibiliser les travailleuses aux bases de la santé au travail. Par exemple, certaines brochures répertorient les produits qui sont plus sûrs que les autres, d’autres recommandent l’utilisation de tables aspirantes pour une meilleure aération. Enfin, certaines fiches préconisent le port de gants et de masques avec cartouches de filtration. Traduites dans de nombreuses langues différentes, ces fiches seront diffusées l’année prochaine en s’appuyant sur la voix des associations communautaires concernées.
Des dermatites aiguës
Rappelons que le risque le plus élevé dans ces salons concerne l’allergie cutanée et respiratoire. « 75% des pathologies professionnelles diagnostiquées dans ce secteur sont des allergies, dont la plus courante, la dermatite de contact, entraîne une inflammation de la peau qui peut conduire à l’arrêt de travail », indique Sophie Robert, experte à l’INRS. Côté réglementation, si les produits utilisés sont bien soumis à une législation européenne, l’institut estime que celle-ci ne serait suffisante. Par exemple, il cite les acrylates, autorisés, et pourtant, considérés comme dangereux.
Ségolène Kahn
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