Selon le texte, dévoilé mardi 5 janvier par Le Monde et repris par l’AFP, le projet de loi antiterroriste vise à adapter « notre dispositif législatif de lutte contre le crime organisé […] et le terrorisme » afin de « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à la disposition des autorités administratives et judiciaires », en dehors du cadre temporaire de l’état d’urgence instauré après les attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.
Assouplissement sur le port d’arme. Parmi les mesures réclamées de longue date par les forces de l’ordre, le projet de loi propose un assouplissement des règles d’engagement armé des policiers. Entre autres, citons le principe d’une irresponsabilité pénale en raison de l’état de nécessité pour tout fonctionnaire de police ou gendarme qui, « hors cas de légitime défense, fait un usage de son arme rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes. »
Retour de Jihad. Une autre disposition renforce le contrôle administratif des personnes « dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles ont accompli […] des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes […] dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français. » En clair, cette disposition cible les personnes soupçonnées d’avoir fait le jihad en Syrie ou en Irak et de vouloir commettre des attentats en France. Ces personnes pourraient alors être assignées à résidence ou subir des contrôles administratifs, des mesures décidées par le ministère de l’Intérieur. Ces mesures pourraient être suspendues si la personne se soumet à une action de réinsertion et d’acquisition des « valeurs de citoyenneté » dans un centre habilité.
Perquisitions de nuit, fouilles et interceptions. Sous l’autorité du préfet – et non plus du procureur – policiers et gendarmes pourraient procéder à des fouilles de bagages et véhicules « aux abords des installations, d’établissements ou d’ouvrages sensibles. » Dans le même esprit, les perquisitions de nuit, dont les autorisations étaient jusqu’ici réservées aux juges, pourront désormais être ordonnées dans les enquêtes préliminaires du parquet. Y compris dans les logements et même de façon préventive pour « prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. » Le projet de loi vise aussi à donner au parquet et aux juges d’instruction l’accès à de nouvelles mesures d’investigation en matière de communication électronique et à de nouvelles techniques comme les « IMSI Catcher » (International Mobile Subscriber Identity). A savoir des équipements d’espionnage téléphonique utilisés pour intercepter le trafic téléphonique mobile et pister les mouvements des terminaux – et donc de leurs porteurs. Il s’agit approximativement d’une fausse »antenne-relais » agissant entre le téléphone mobile espionné et les antennes-relais de l’opérateur téléphonique.
Ajoutons que le projet de loi vise aussi à mieux protéger les témoins avec des témoignages sous numéro et en prévoyant le recours au huis clos durant leur témoignage dans certains procès sensibles. Par ailleurs, la lutte contre le financement du terrorisme sera également facilitée par un encadrement et une traçabilité des cartes prépayées. Ainsi que par la possibilité pour Tracfin, l’organisme anti-blanchiment du ministère de l’Économie, de signaler aux banques des opérations et des personnes à risque – sans oublier une extension du champ du gel des avoirs. Enfin, le texte prévoit une nouvelle incrimination : le trafic des biens culturels pour éviter que des groupes terroristes syriens ou libyens puissent « recycler sur notre sol le fruit du pillage du patrimoine de l’humanité. »
Erick Haehnsen
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