Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

L’intelligence artificielle donne du sens aux données de santé

Les données de santé représentent un formidable gisement. Leur exploitation par des outils d’intelligence artificielle laisse entrevoir des améliorations pour les patients mais aussi les salariés au travail.

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Les données de santé proviennent en partie des examens médicaux. © Unsplash

La santé et la sécurité au travail (SST) est appelée à devenir plus préventive et personnalisée. Le recours au Big Data et à l’intelligence artificielle y contribue. Grâce au traitement et à l’analyse massive des données de santé, ces outils laissent espérer de formidables progrès sur différents fronts. Parmi lesquels, l’évaluation et le choix des traitements, l’accompagnement des patients mais aussi la prévention des risques et la santé au travail.

 Données médicales et données de la vie réelle

Les données de santé rassemblent les informations produites par l’activité médicale et par la vie réelle. Dans le premier cas, elles proviennent des examens médicaux, biologiques, radiographiques, échographiques, etc. Ainsi que des prescriptions médicamenteuses. En plus de ces données médicales produites dès notre naissance, se rajoutent certaines informations issues du cadre de la vie réelle. Il s’agit des données délivrées par les objets connectés en charge de surveiller notre poids, rythme cardiaque, tension, etc.

Un guichet unique pour les données de santé

L’exploitation des données de santé par des outils d’intelligence artificielle va contribuer à l’amélioration des soins mais aussi à la prévention des risques dans le cadre de la santé au travail. La France dispose de nombreux atouts. À commencer par ses recherches avancées en médecine et en mathématiques appliquées. A cela s’ajoute le Health Data Hub, un guichet unique qui délivre des outils pour accéder à des catalogues de bases de données de santé.

80 millions d’euros versés par l’État sur 4 ans

Photo de Stéphanie Combes

Stéphanie Combes dirige le HDH. © DR

La ministre de la Santé a annoncé sa création officielle en décembre dernier par l’État qui participe à hauteur de 80 millions sur quatre ans au financement de cette plate-forme de partage des données de santé. Dirigée par Stéphanie Combes, Health Data Hub mobilise, entre autres, des Data engineer, des Data Scientist et des juristes. Ainsi que des experts du Système national des données de santé. L’objectif du HDH est d’améliorer notamment le pilotage du système de santé en croisant les bases de données de santé hébergées sur son infrastructure. Parmi lesquelles, la base de données médico-administrative qui regroupe l’ensemble des actes médicaux, feuilles de soins et séjours hospitaliers.

Approbation de la Cnil

Ouverte depuis 2020, la plate-forme est accessible aux parties prenantes du secteur de la santé. A commencer par les chercheurs, associations de patients, citoyens, institutions et startups. Les demandes d’accès doivent concerner des projets d’intérêt général et sont soumises à l’approbation de la Cnil, le gendarme des données personnelles. Côté sécurité, cette plate-forme bénéficie d’un haut degré de sécurité avec une double authentification et un chiffrement des données. En outre, elle ne conserve que les données non nominatives des patients afin d’empêcher leur identification.

Un dossier médical de santé au travail

D’ici 2022, le HDH va continuer à enrichir son catalogue. Notamment avec des données provenant de la médecine du travail. Et ce, conformément à la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Le texte stipule que le dossier médical de santé au travail s’intègre au dossier médical partagé. Lequel sera accessible, une fois anonymisé, dans le cadre de la recherche et de l’innovation. Cette disposition entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2021. Elle obligera le médecin du travail à retracer les informations relatives à l’état de santé du travailleur. Notamment les expositions auxquelles ce dernier a été soumis ainsi que les avis et propositions du médecin de travail.

Intégration des données de la médecine du travail en 2021

L’extraction des données contenues dans le dossier médical de santé au travail intéresse le HDH. « Elle permettrait d’analyser le lien entre les conditions de vie au travail et les arrêts de travail », souligne Stéphanie Combes, la directrice du HDH. Des discussions sont en cours avec des acteurs du monde du travail. Pour l’heure, le HDH n’a pas encore initié de travaux. « Mais ils pourraient démarrer potentiellement l’année prochaine », indique Stéphanie Combes.

Une plate-forme numérique pour les services de santé au travail

Portrait de Cédric Mathorel, président de Padoa

Cédric Mathorel, président de Padoa. © DR

Cette perspective intéressera sûrement les entreprises et les startups qui travaillent dans le domaine de la santé au travail. Notamment, Padoa une plate-forme numérique à destination des services de santé au travail (SST) pour les secteurs du public et du privé. « Nous permettons aux SST d’apporter aux petites entreprises un service équivalent à celui dont bénéficient les plus grandes grâce à l’agrégation et au traitement des données », indique Cédric Mathorel, le président de Padoa. Lequel compte aujourd’hui une quinzaine de SST abonnés à son service. Ils représentent quelques 600 000 salariés. « En fin d’année, notre objectif est d’en avoir 1,5 million », indique Cédric Mathorel. Créée en 2016, la startup compte 85 personnes. Dont des statisticiens et des Data Scientists.

Des outils d’IA pour exploiter les données

Ces experts ont développé des outils d’Intelligence artificielle (IA) qui aident les clients de Padoa à faire un suivi de santé individuel et collectif des entreprises. Pour ce faire, les salariés répondent à un questionnaire. Ils doivent y décrire leur poste de travail. Ils y indiquent en outre leurs antécédents de santé, hygiène de vie, risques psychologiques, tests de dépistage, etc. Ensuite, la plate-forme de Padoa héberge les données collectées pour les exploitées avec des outils d’IA.

Priorisation des visites

De leur côté, les dirigeants d’entreprise remplissent eux aussi un questionnaire. Ils y décrivent les risques et les mécanismes de prévention associés. Ce qui permet aux SST de prioriser leurs actions et leurs visites. En effet, la plate-forme compare, pour un même secteur, les entreprises entre elles. Ce qui permet d’identifier celles qui ont le plus de risques. Avec le Covid-19, les priorités se sont déplacées. Les services utilisent Padoa pour cibler par exemple les salariés dans les périmètres les plus sensibles. Notamment ceux qui ont une comorbidité élevée. Ils peuvent vérifier auprès d’eux s’ils sont confinés et bien équipés. Par ailleurs, ils peuvent identifier les entreprises qui doivent rester en activité afin d’apporter leur soutien aux salariés. De quoi améliorer l’image des services de santé au travail.

Progiciel de télémédecine pour les services de SST

D’ailleurs, certains sont  particulièrement en pointe pour aider les entreprises à prévenir les risques de santé de leurs salariés. C’est le cas de Gest (Grand-Est Santé Travail) qui pilote le projet Cardionum, l’acroynyme de cardiologie numérique. L’enjeu étant de dépister les risques de morts subites liées à certaines maladies cardiovasculaires.

« Nous utilisons l’IA pour le dépistage de ces pathologies sans symptôme ressenti par les salariés », indique Joseph Puzo, le PDG de l’éditeur Axon’Care et président du groupe Axon’Cable, un fabricant de câbles. Partenaire du Gest, l’éditeur basé à Montmirail (Marne) propose un logiciel de télémédecine. Dédié aux services de santé au travail, E-Check a d’ailleurs été développé avec l’Association médecine du travail d’Epernay et de sa région (Amter).

Projet de détection des maladies cardiovasculaires

Pour Joseph Puzo, il s’agissait à l’origine de pallier la pénurie des médecins du travail. Depuis, son logiciel n’a cessé d’évoluer. Les infirmières des services de ST l’utilisent pour réaliser des bilans de prévention avec des dispositifs médicaux. Munis de ces objets connectés, elles peuvent prendre la tension artérielle et effectuer un l’électrocardiogramme. Elles peuvent aussi mesurer la vision, dépister la dégénérescence maculaire liée à l’âge, les rétinopathies.

Ces examens et leur gestion administrative sont gérés par le progiciel E-Check auquel les médecins du travail accèdent à distance. Avec le projet Cardionum, Axon’Care et Gest vont un cran plus loin. « Une infirmière en santé au travail pratique le dépistage des maladies cardiovasculaires. Elle relève aussi les mesures vitales du salarié », indique Joseph Puzo. Le projet CardioNum se déroule en deux phases. Une première phase a démarré en septembre dernier sur 13 000 salariés employés (environ 1 000 entreprises de la Marne). La deuxième phase démarrera en septembre pour une durée de trois ans. Elle s’étendra à 1,3 million de salariés volontaires du Grand-Est.

Eliane Kan

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