Destiné aux acteurs de la santé au travail, cette journée qui aura lieu le 22 novembre à Paris sera l'occasion de souligner les dégâts que provoquent les métiers de nuit sur le métabolisme, le psychisme et la vie sociale des employés.
Défaillance, stress, horloge biologique désorientée, problèmes cardiovasculaires, impact sur la grossesse, burn-out… on ne compte plus les nuisances qu’induisent les travaux en horaires « atypiques ». Et c’est sans compter toute la difficulté de construire une vie de famille pour ces employés qui travaillent de nuit et dorment le jour. A cet égard, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) se prépare à inaugurer une journée thématique des horaires « atypiques » le 22 novembre à la Maison Internationale à Paris. Le but étant de sensibiliser les acteurs de la santé au travail, notamment en entreprise à cette question tout en proposant des outils de prévention et de surveillance médicale.
Au travail entre minuit et cinq heures
Dans le collimateur, les horaires atypiques définies par le Code du travail visent tous les métiers qui obligent les employés à travailler dans des horaires de travail qui se tiennent hors des sentiers battus. C’est-à-dire sur des périodes nocturnes d’au moins 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures et comprenant l’intervalle entre minuit et cinq heures. Ajoutons à cela le travail posté ou en rotation qui consiste à alterner des équipes se relayant en permanence sur un même poste de travail.
3,5 millions de personnes concernées
Infirmiers, sages-femmes, urgentistes, managers de stocks, logisticiens, transporteurs, chauffeurs… C’est toute une population qui vit la nuit au travail. Loin d’être un sujet périphérique, le travail en horaires atypiques, pris au sens large, concernerait en France près de deux salariés sur trois selon l’INRS. Ce qui signifie que seuls 37% des salariés bénéficieraient d’horaires standard. C’est dire ! Plus précisément, les horaires atypiques, qui sont en augmentation depuis vingt ans, touchent 3,5 millions de personnes selon une étude effectuée en 2012 par le service statistique du ministère du Travail (Dares). Par conséquent, 15,4 % des salariés – représentant environ 20 % des hommes et 10 % des femmes – travailleraient de nuit régulièrement ou occasionnellement…
Des horaires contre-nature
Quoi qu’on en dise, le métabolisme humain n’est pas programmé pour travailler de nuit. « Chez l’être humain, le sommeil est régi par une horloge biologique centrale, secondée par des horloges périphériques. C’est le système circadien. Il rythme l’ensemble des mécanismes biochimiques et physiologiques de l’organisme et sa synchronisation dépend majoritairement de la lumière captée par des récepteurs de l’œil », explique l’INRS. Ce qui signifie que notre sommeil, notre réveil ou encore notre endormissement sont réglés sur des moments bien précis de la journée. Ce qui fait que le travail en horaires décalés s’avère totalement incohérent avec notre horloge biologique. De même, le rapport insiste sur le fait que le sommeil de jour ne peut générer un sommeil récupérateur. Au contraire, les salariés de nuit accumulent une dette chronique de sommeil.
Impact sur la santé
De fait, ces horaires sont susceptibles d’engendrer des risques graves pour la santé. Au-delà des dommages sur le sommeil et la vigilance, ce sont les systèmes métaboliques et cardiovasculaires qui sont touchés. Comptons aussi des risques au niveau neuropsychique mais aussi en cas de grossesse. De quoi ajouter de nombreux facteurs à la liste des risques de cancer… D’ailleurs, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) considère depuis 2007 le travail posté comme un agent probablement cancérogène (groupe 2A). Du côté de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le constat n’est pas moins sévère. Selon l’agence, outre les répercussions sur le sommeil, les horaires atypiques auraient des effets probables sur la santé psychique, les performances cognitives, l’obésité et la prise de poids. Mais aussi le diabète de type 2 et les maladies coronariennes (ischémie coronaire et infarctus du myocarde). Ajoutons à cela des effets possibles sur les dyslipidémies (concentrations trop élevées de certains lipides dans le sang), l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux ischémiques.
La difficulté de vivre avec les siens
Bien sûr, du côté de la vie privée, les dégâts se font également vite sentir. En effet, comment est-il possible de créer une vie de famille lorsqu’il s’agit de travailler la nuit et récupérer le jour ? Passer du temps avec son partenaire, élever ses enfants, avoir des loisirs peuvent devenir de véritables défis. D’autant qu’il pourrait être très difficile de réglementer une conciliation entre vie privée et professionnelle. Du coup, afin de limiter les dégâts, il s’agit selon l’INRS, « d’anticiper le plus en amont possible l’organisation du travail en impliquant les salariés concernés ». Les acteurs de prévention devant, bien évidemment, être mis dans la boucle dès le départ. Le but visera alors à trouver ensemble des solutions afin de « respecter les rythmes biologiques et de limiter la désynchronisation ».
Ségolène Kahn
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