Une étude de l’Inrs révèle que le secteur de la santé et de l’aide à la personne est le plus touché par les risques d’accident du travail. En cause, son personnel subit une polyexposition à de nombreuses contraintes de pénibilité.
Alors qu’une infirmière de Sarreguemines vient de réussir à faire reconnaître son cancer du sein comme maladie professionnelle et que le gouvernement souhaite fixer la retraite à 64 ans, une étude épidémiologique alerte sur les conditions de travail du personnel médical. Réalisée par l’Institut national de recherche et de sécurité (Inrs), l’enquête montre qu’une polyexposition à des contraintes psychosociales et physiques multiplie par quatre le risque d’accident du travail. Parmi les travailleurs les plus touchés, les employés de la santé et de l’aide à la personne subissent de plein fouet cet « effet cocktail ».
Une enquête basée sur les chiffres de la Dares
L’étude se base sur l’enquête nationale « Conditions de travail » de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Une présentation de ces travaux aura lieu lors du colloque de l’institut « Organisation du travail et risques psychosociaux : les apports de la recherche » le 27 juin 2023 à la Maison de la RATP dans le 12eme arrondissement à Paris.
Une exposition simultanée
Par polyexposition, l’INRS entend une exposition simultanée à plusieurs contraintes de pénibilité. Il s’agit de facteurs psychosociaux comme l’intensité du travail, le côtoiement de la mort au quotidien, la charge émotionnelle, le manque d’autonomie. Mais également physique avec le port de charges lourdes issu de la manipulation des patients ou encore les postures contraignantes.
Risques chimiques et biologiques
Si la plupart des salariés font l’objet d’une « polyexposition professionnelle », le secteur de la santé et de l’aide à la personne semble le plus touché. Son personnel multiplie les expositions à des risques chimiques, biologiques, physiques (bruit, vibrations, chaleur…). Mais également organisationnels et psychosociaux. D’où le quadruplement du risque d’accident du travail.
Un effet domino
« Il n’y a pas d’un côté les risques psychosociaux et de l’autre les risques physiques mais bien un effet cocktail d’expositions professionnelles qui entraînent davantage d’accidents du travail », insiste Régis Colin, épidémiologiste à l’INRS et auteur de la thèse « Effets de la co-exposition aux facteurs de risque psychosociaux et physiques dans la survenue d’accident du travail ».
Des horaires imprévisibles
Et pour cause : de nombreuses contraintes organisationnelles s’ajoutent à la liste pour le personnel soignant. Ainsi l’étude dénonce-t-elle les horaires contraints, irréguliers et imprévisibles notamment de nuit, la mauvaise conciliation vie professionnelle et personnelle et des mesures de prévention insuffisantes… Autant de contraintes qui laissent imaginer toute la difficulté de travailler deux ans de plus dans ces conditions pour le départ à la retraite. On comprend aussi mieux pourquoi, l’infirmière de Sarguemines qui, pendant 28 ans, a été contrainte de travailler une nuit par semaine a contracté la terrible maladie. Cette reconnaissance en maladie professionnelle va-t-elle faire jurisprudence ?
Ségolène Kahn
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