Présenté ce vendredi 16 mars à Magny-les-Hameaux (Yvelines) sur le campus scientifique et technique (CST) de Colas (groupe Bouygues), l’Exopush de l’auxerrois RB3D entame ce mois-ci sa phase de pré-industrialisation. Ce cobot, à savoir robot collaboratif d’assistance à l’effort, permet aux tireurs au râteau de réaliser les finitions d’enrobés bitumineux sans le moindre effort. Une révolution dans ce métier qui est exercé de la même façon depuis 80 ans.
Une technologie développée à partir d’un programme militaire
« C’est le premier exosquelette non anthropomorphique [qui ne reprend pas les formes de l’homme, NDLR] à action horizontale au monde », souligne Serge Grygorowicz, fondateur de la société créée en 2001, qui a bénéficié du programme Rapid (Régime d’appui pour l’innovation Duale) de la Direction générale de l’armement (DGA). En collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’école d’ingénieurs ESME Sudria, RB3D a ainsi développé Heracles, son premier prototype d’exosquelette pour le fantassin du futur, capable d’aider à porter une charge totale de 100 kg. Destiné à développer de nouvelles technologies à la fois pour les marchés militaire et civil, Rapid a aidé la PME à mettre au point des algorithmes cobotiques, des capteurs, des cartes électroniques, une motorisation et un système de batteries communs aux deux univers.
Favoriser de meilleures postures
Parvenu à sa version 4.2, l’Exopush est donc un râteau cobotisé qui permet aux compagnons de tirer jusqu’à 50 kg de bitume visqueux sans effort. Grâce à des capteurs sur le râteau, le système devine l’intention du tireur et amplifie son geste. Le système se compose d’une poutre qui embarque les batteries Lithium-ion, la motorisation, la transmission par chaîne crantée ainsi que les cartes électroniques. Cette poutre sert également de support au manche télescopique du râteau. Tout cet ensemble repose sur une jambe métallique elle-même télescopique, l’exosquelette proprement dit, afin d’en supporter le poids. Par ailleurs, la jambe métallique se fixe à une grille de renfort sous la chaussure et, en partie haute, à la ceinture d’un harnais spécifique. « L’objectif de l’Exopush est de préserver la sécurité et la santé des compagnons en améliorant leur posture et en réduisant les risques de troubles musculosquelettiques (TMS), explique Philippe Simarik, directeur prévention santé et sécurité au travail de Colas (CA 2017 : 11,7 milliards d’euros ; 55 000 salariés). En début d’effort, les tireurs au râteau utilisant le cobot ont un angle du dos de 23° et un rythme cardiaque de 125 battements par minute (bpm), contre 50° et 137 bpm pour les autres. En fin d’effort, les premiers ont un angle de 15° et restent à 125 bpm, tandis que les seconds arrivent à 65° et 140 bpm. »
Attirer les jeunes générations
« On travaille moins penché. On a moins mal au dos », constate un tireur au râteau. « Ça surprend ! Il faudra du temps pour s’adapter car on est habitué à travailler le dos courbé. Ça change ! Je n’ai eu aucun effort à fournir au niveau des bras et des jambes », explique un autre compagnon. Ce projet a démarré lors du salon Innorobo de 2013, durant lequel la filiale suisse de Colas a demandé à RB3D de relever le défi de concevoir un exosquelette pour les tireurs au râteau. « En tant que leader mondial de la construction de routes, nous ne pouvions défendre les valeurs de sécurité et santé au travail sans rien faire. Par ailleurs, nous avons également besoin de recruter des compagnons parmi les jeunes. Or le cobot est un moyen de les attirer en rendant le métier plus technologique », fait valoir Bernard Sala, directeur général adjoint de la prospective, du développement et de la recherche de Colas, qui est entré au capital de la PME afin de l’aider à lever des fonds.
Un partenariat particulièrement stable dans le temps
De fait, le groupe Colas s’est révélé un partenaire d’une fiabilité exemplaire dans le temps. Un premier prototype a été réalisé en 2014, puis, chaque année une nouvelle version est venue améliorer le système en tenant compte des remarques des tireurs au râteaux, jusqu’à la version 4 de fin 2017, où pas moins de 12 Exopush ont été utilisés dans six agences de Colas en France. Une campagne de collecte de remarques a alors permis de perfectionner une fois de plus le système. Tout d’abord en termes de poids de l’ensemble, passé aujourd’hui à 8,4 kg – contre 42 kg pour la première version ! Par ailleurs, la poutre ne mesure plus que 1 500 mm de long. C’est la taille maximale pour faire entrer l’Exopush dans un petit véhicule utilitaire. Quant à l’autonomie des batteries, elle offre une durée d’utilisation de six heures, sachant que chaque système dispose de deux jeux de batteries. Sur la base de ces améliorations, une pré-série industrielle de 30 machines (à 25.000 euros pièce) va être distribuée chez Colas en France, au Danemark et en Australie, ainsi que chez des concurrents de Colas comme Eurovia.
Erick Haehnsen
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