Les risques vibratoires touchent près de deux millions de salariés. Le code du travail impose des seuils limites. Pour évaluer leur conformité et prévenir les risques, les employeurs disposent d'outils fournis par l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS).
Quel est le point commun entre un conducteur de camion et un menuisier ? Ces deux professionnels sont soumis quotidiennement à des vibrations mécaniques pouvant entraîner des affections invalidantes au niveau du dos, des bras et de la main. Dans le premier cas, ce sont les longues heures passées au volant d’un véhicule qui sont pointées du doigt. En effet, les vibrations générées par l’engin sont transmises à l’ensemble du corps. Ce phénomène peut favoriser la survenue de douleurs au niveau du dos et déclencher des affections chroniques du rachis lombaire telles que des sciatiques. Cette situation est d’ailleurs reconnue au tableau 97A (affections chroniques du rachis lombaire provoquées par les vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier). Dans le second cas, c’est l’utilisation d’une scie, de tout autre outillage électroportatif ou de machine guidée à la main qui peut provoquer des affections au niveau des mains, comme l’arthrose du coude. Une pathologie listée au tableau 69A affections chroniques du rachis lombaire provoquées par les vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier. La route et le BTP ne sont pas les seuls métiers exposés aux risques vibratoires, c’est aussi le cas des professionnels travaillant avec des machines portatives ou guidées à la main. Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), les pathologies dues aux vibrations touchent près de deux millions de travailleurs dans des secteurs variés : le bâtiment, la construction mécanique, la métallurgie, l’entretien des espaces verts.
Veiller aux seuils limites
Les vibrations font d’ailleurs partie des quatre facteurs de pénibilité pouvant donner lieu à un départ en retraite anticipé, si le salarié justifie d’un taux d’incapacité permanente reconnue comme maladie professionnelle. « Pour limiter les risques liés à une exposition élevée aux vibrations, la réglementation française définit des seuils à ne pas dépasser », rappelle Camille-Frédéric Pradel, avocat en droit social et sécurité sociale au cabinet éponyme. L’article R-4441-2 du Code du travail limite les valeurs d’expositions journalières déclenchant l’action de prévention à 2,5 m/s2, pour les vibrations transmises aux mains et aux bras, et à 0,5 m/ s2 pour celles transmises à l’ensemble du corps. Par ailleurs, le code du travail définit les valeurs limites d’exposition (VLE) à ne pas dépasser, qui sont respectivement de 5 m/s2 et de 1,15 m/s2.
Attention aux conditions d’utilisation des machines
L’évaluation des risques consiste à identifier les postes concernés et estimer l’exposition journalière des salariés. L’objectif étant de déterminer les tâches associées à des vibrations et mesurer leur durée, puis de les comparer avec les valeurs d’action et les limites fixées par la réglementation. L’employeur peut se fonder sur les indications fournies par le constructeur des machines. « Mais ces dernières ne prennent pas en compte les conditions d’utilisations susceptibles d’amplifier les vibrations », met en garde Camille-Frédéric Pradel. Par exemple, pour la conduite d’engins, il faut se poser la question de la nature du sol sur lesquels le véhicule circule, sa vitesse, l’état du siège et des suspensions, etc. Concernant les outils, le type de matériaux travaillés, les postures d’appui et les défauts de maintenance sont aussi à prendre en compte. L’INRS classe d’ailleurs les conditions d’utilisation des machines selon trois niveaux. Le premier est dit sévère, notamment en cas de défaut d’entretien de la machine, d’usure, lorsque la pression d’air est inadéquate ou que l’opérateur n’est pas formé. Le second niveau est dit normal, et le troisième favorable, lorsque l’opérateur est correctement formée et que les machines sont entretenues et traitées contre les vibrations.
Des outils pour évaluer et prévenir les risques
En cas de lésion, le salarié doit la faire constater par un médecin et remplir un imprimé Cerfa qu’il lui faudra envoyer avec son certificat médical au centre de sécurité social. Dès lors, sa demande sera instruite et une enquête sera menée pour identifier et évaluer l’exposition. « Il existe très peu de maladies reconnues aux tableaux 69A », constate l’avocat. Tous secteurs confondus, le nombre de nouvelles maladies professionnelles en premier règlement figurant sur ce tableau s’est élevé à 127 en 2017 contre 135 en 2016. Tandis que pour le tableau 97A, on en compte 434 cas contre 482 cas 2016. Pour évaluer et prévenir les risques vibratoires, les employeurs peuvent d’ailleurs télécharger gratuitement des outils proposés par l’INRS. A l’exemple de la calculatrice Osev-corps entier, disponible au format Excel. Elle sert à évaluer le risque vibratoire auquel est soumis un conducteur d’engins. Sans avoir à réaliser des mesures complexes ni posséder des connaissances détaillées sur l’évaluation des expositions, Osev permet d’estimer rapidement l’exposition vibratoire journalière transmise par le siège pour chaque conducteur. E ce même s’il conduit plusieurs véhicules dans une même journée. Une autre calculette baptisée Osev-Mains-Bras permet d’évaluer le risque vibratoire auquel est soumis un opérateur. Cet outil a été conçu par l’INRS, sur la base de mesurages réalisés notamment par les Caisses d’Assurance Retraite et de la Santé Au Travail (CARSAT), la Caisse Régionale de l’Assurance Maladie d’Île-de-France (CRAMIF), la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) et l’organisme britannique HSL (Health and Safety Laboratory).
Eliane Kan
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