Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Les risques majeurs révélés par le TTIP-Leaks

L'antenne néerlandaise de Greenpeace publie aujourd'hui 248 pages d'un document confidentiel sur TTIP, un traité commercial et réglementaire négocié entre les États-Unis et l'Europe depuis 2013. Au travers de ce document, Greenpeace révèle les « menaces sur la santé, l'environnement et le climat » touchant près d'un milliard d'Européens et d'Etats-uniens.

Baptisé soit Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) ou Trans-Atlantic Free Trade Agreement (Tafta), le traité commercial que l’Union européenne (UE) négocie depuis 2013 avec les États-Unis suscite la pus grande méfiance tant la discrétion le rend opaque tandis qu’il est susceptible de toucher les intérêts d’un milliard d’Européens et d’Etats-uniens en termes de santé, d’environnement et de changement climatique. « Il est temps de faire la lumière sur ces négociations », estime l’antenne néerlandaise de l’association Greenpeace qui s’est procuré 248 pages du projet de traité pour le diffuser publiquement ce lundi 2 mai au matin.
« Derrière des portes closes, le TTIP met à mal les progrès environnementaux durement gagnés [en Europe, NDLR]. Ces documents révèlent que la société civile avait raison d’être préoccupée par le TTIP. Nous devrions stopper les négociations et engager le débat, a déclaré Faiza Oulahsen, militante de Greenpeace Pays-Bas. La version complète et la plus récente du texte du traité doit être publiée pour que les citoyens et leurs élus aient la chance de comprendre ce qui est proposé en leur noms. » Du point de vue des risques industriels et de la protection de l’environnement quatre aspects sont très préoccupants :

L’abandon de longues protections environnementales de long terme. Aucun des chapitres de projet TTIP ne se réfère désormais à la règle des exceptions générales inscrite dans l’accord du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui permet aux pays de réglementer le commerce « pour protéger la vie ou la santé animale et végétale humaine » ou pour « la conservation des ressources naturelles épuisables » [ 1]. L’omission de ce règlement suggère que les deux parties créent un régime qui privilégie le profit sur la vie et la santé humaine, animale et végétale.

La protection du climat sera plus difficile sous TTIP. L’accord de Paris issu de la COP 21 était clair : nous devons maintenir l’augmentation de température de moins de 1,5°C d’ici la fin du siècle afin d’éviter une crise climatique avec des effets sur des milliards de personnes dans le monde. Bien sûr, le commerce ne devait pas être exclu de l’action climatique. En revanche, dans le projet du traité TTIP, la protection du climat est absente des textes obtenus par Greenpeace. Pis encore, le champ d’application des mesures d’atténuation est limité par les dispositions des chapitres sur la coopération réglementaire ou l’accès aux marchés pour les produits industriels. [2] À titre d’exemple, ces propositions excluent les réglementations contraignant l’importation de combustibles à forte intensité de CO2 tels que les huiles de sables bitumineux.

La fin du principe de précaution. Inscrit dans le traité de l’UE [3], le principe de précaution est également retiré du chapitre sur la coopération réglementaire. Il disparaît aussi des 12 autres chapitres obtenus par Greenpeace. Par ailleurs, la demande américaine plaide pour une approche « fondée sur le risque ». Laquelle vise à gérer les substances dangereuses plutôt qu’à les éviter. Trouvant sa place dans plusieurs chapitres, cette approche sape la capacité des régulateurs européens à prendre des mesures préventives, par exemple en ce qui concerne les substances controversées comme les perturbateurs endocriniens.

Transfert de pouvoir des peuples vers les grandes entreprises. Alors que certaines propositions menacent la protection de l’environnement, des consommateurs et des salariés au travail, les grandes entreprises obtiennent ce qu’elles veulent. « Que vous vous souciez des questions environnementales, du bien-être des animaux, des droits du travail ou de la vie privée sur Internet, vous devriez vous sentir préoccupés par ce qui est divulgué dans ces documents car Ils soulignent les fortes objections de la société civile et des millions de personnes qui se sont exprimées dans le monde : le traité TTIP se base sur un énorme transfert de pouvoir démocratique vers les grandes entreprises. Nous appelons tous les représentants élus et les autres parties concernées à lire ces documents et à s’engager dans le débat », soulève Faiza Oulahsen.
Pour décrypter ces 248 pages, rédigées dans un langage juridique complexe, Greenpeace Pays-Bas a recouru au célèbre réseau de de journalistes allemands du quotidien Süddeutscher Zeitung et des chapines TV NDR et WDR. Jusqu’à maintenant, seuls les représentants élus ont pu consulter ces documents… sous bonne garde : dans une salle sécurisée. Mais ils n’ont pu accéder aux consultations des experts. Par ailleurs, ces négociations ont été entourées de l’interdiction d’en discuter avec l’extérieur. En publiant ces documents l’association donne à des millions d’Européens la possibilité de surveiller les activités de leur gouvernement et de discuter avec leurs représentants élus.

Erick Haehnsen

[1] La plupart des accords de l’OMC étaient le résultat des négociations commerciales de l’Uruguay Round de 1986 à 1994. Certains, y compris le GATT de 1994, étaient des révisions de textes qui existaient auparavant.
[2] Dans les articles 10 (Restrictions d’importation et d’exportation) et 12 (Licences d’importation et d’exportation) du chapitre sur l’accès aux marchés pour les marchandises, rien ne montre en quoi les mesures destinée à protéger le climat seraient autorisées.
[3] Le principe de précaution est détaillé dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE). Il vise à assurer un niveau élevé de protection de l’environnement grâce à la prise de décision préventive dans le cas du risque.

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