Dans la rue ou dans les bureaux, impossible aujourd’hui d’échapper aux ondes électromagnétiques, du fait de la multiplication des sources d’émission comme les antennes-relais, les smartphones et autres tablettes. A court terme, ce rayonnement peut se manifester par l’échauffement des tissus biologiques et la stimulation du système nerveux, indique une étude de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Des chercheurs et des cancérologues, dont le professeur Dominique Belpomme, vont plus loin en accusant les ondes électromagnétiques d’être responsables de certains cancers. A ce jour, il n’existe pas de consensus scientifique concernant les effets à long terme dus à une exposition faible mais régulière aux ondes électromagnétiques. D’où la nécessite d’adopter le principe de précaution. C’est d’ailleurs ce que préconisent l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en se référant à son agence, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui a classé en 2014 les champs électromagnétiques produits par les téléphones portables dans la catégorie des cancérogènes possibles pour l’homme.
Les entreprises obligées de protéger leurs salariés contre les champs électromagnétiques
Ce principe de précaution a inspiré en Europe la directive 2013/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Laquelle a été transposée en droit français par le décret n° 2016-1074 du 3 août 2016 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux champs électromagnétiques. Entré en application le 1er janvier dernier, il concerne les entreprises et les établissements dont les travailleurs sont exposés aux champs électromagnétiques. Entre autres, les salariés utilisant des appareils de soudage, micro-ondes, induction, etc. Ce décret définit les règles de prévention à appliquer pour limiter les effets biophysiques directs et indirects des champs électromagnétiques dont les fréquences vont de 0 Hertz à 300 Gigahertz. Ce texte intègre une approche graduée des moyens de prévention et du dialogue interne à mettre en œuvre en cas de dépassement des « valeurs d’action » et des « valeurs limites d’exposition »*.
Bien sûr, les employeurs doivent évaluer les risques d’exposition. Dans le cas où le seuil est dépassé, ils doivent établir une « approche graduée » afin de modifier le poste de travail exposé aux ondes. De plus, les employeurs ont pour obligation d’identifier eux-mêmes, de signaler et de limiter s’il le faut les « lieux où les travailleurs sont susceptibles d’être exposés à des niveaux de champs électromagnétiques dépassant les valeurs déclenchant l’action ». Ensuite, les résultats de l’évaluation doivent être retenus dans un document à destination du médecin du travail ainsi que du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ou, à défaut, aux délégués du personnel. Qui plus est, un poste de conseiller à la prévention des risques devra être pourvu.
Dans les cas où un salarié en vient à souffrir d’effets indésirables (maux de tête, vertiges, fatigue inhabituelle), lesquels sont corrélés avec une exposition aux champs électromagnétiques au-delà des valeurs limites autorisées, la victime doit pouvoir bénéficier d’une visite médicale en bonne et due forme. En ce qui concerne les femmes enceintes, le décret déclare : « Lorsque, dans son emploi, la femme enceinte est exposée à des champs électromagnétiques, son exposition est maintenue à un niveau aussi faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre. »
Une nouvelle charte pour réduire dans Paris l’exposition aux ondes
Le risque d’exposition aux ondes concerne aussi les populations. D’où l’initiative prise par la capitale française qui s’apprête à adopter sa troisième charte de téléphonie mobile. En accord avec les quatre opérateurs de téléphonie mobile, le nouveau texte abaisse le seuil d’exposition maximal à 5 V/m (volts par mètre) contre 7 V/m, soit une réduction de 30 %. « Cela fera de Paris la métropole la plus protectrice d’Europe, devant Bruxelles, une ville elle aussi très engagée dans ce domaine avec un seuil maximum fixé à 6 V/m », expliquait récemment Anne Hidalgo, la maire de Paris en rappelant que le décret de 2002 rendant applicable la loi sur les ondes autorise des seuils d’émission de 41 V/m à 61 V/m, conformément aux recommandations de l’OMS. Avec la nouvelle charte, ce sont les escaliers et les cours d’immeuble qui seront aussi pris en compte dans les contrôles. Le renouvellement de la charte est prévu à l’ordre du jour du Conseil de Paris de mars 2017.
Contrôles gratuits à Paris
Celle-ci facilitera et renforcera les outils de contrôle existants. La Ville de Paris propose d’ores et déjà aux Parisiens de réaliser à leur domicile des mesures de contrôle de leur niveau d’exposition aux ondes, sur simple demande. Ces mesures sont gratuites et réalisées par un bureau spécialisé, accrédité Cofrac, missionné par l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Pour faciliter cette démarche, la Ville de Paris met en place un formulaire simplifié, accessible à tous sur paris.fr. Désormais, les contrôles pourront être effectués non seulement dans les logements d’habitation mais aussi sur les terrasses, les cages d’escalier, les balcons et les cours d’immeubles.
Un observatoire municipal des ondes
En complément de la charte, la Ville de Paris entend renforcer les actions d’information du public et de surveillance des niveaux d’exposition de son territoire avec la création d’un Observatoire municipal des ondes. Baptisé « OndesParis », celui-ci sera en charge de surveiller, d’informer et d’amplifier les campagnes de mesures déjà existantes. Il réunira des élus, des experts, des associations et le ministère chargé de l’Environnement. Les travaux viendront alimenter les mairies d’arrondissement qui pourront ainsi répondre aux préoccupations de la population sur les potentiels dangers d’une exposition aux ondes. « À l’avenir, il faudra, pour être encore plus efficaces, qu’une coopération territoriale se mette en place, rappelle David Belliard, co-président des élus écologistes de Paris. Mais surtout, comme le préconise le Conseil de l’Europe, il faudra établir une réglementation qui imposera aux opérateurs de ne pas exposer les habitants à un seuil supérieur à 0,6 V/m, seuil qui permettrait de concilier santé et bon usage des appareils nécessitant des ondes électromagnétiques. »
Eliane Kan
* « Les valeurs limites d’exposition professionnelle aux champs électromagnétiques sont exprimées en champ électrique et en intensité de courant traversant le corps humain.
Les ondes électromagnétiques facteur de cancer
A l’instar des agents chimiques et des métaux lourds, les ondes électromagnétiques seraient à l’origine de cancers, selon le professeur et cancérologue Dominique Belpomme. Le président de l’Institut européen de recherche sur le cancer et l’environnement (Eceri) s’appuie sur des travaux récents en épigénétique. Cette discipline biologique étudie les mécanismes moléculaires qui modulent l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte. « Des travaux expliqueraient le lien de causalité entre ces agents polluants et l’apparition des cancers », rapportait Dominique Belpomme lors d’un colloque sur l’électro-hypersensibilité qui s’est tenu en 2016 à l’Assemblée nationale en vue de faire reconnaître cette pathologie. Laquelle se manifeste par des maux de tête, troubles cognitifs, insomnies, etc. Cette affection toucherait 2 % de la population.
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