Les fabricants de Workwear engagés dans une stratégie RSE sont de plus en plus nombreux à incorporer dans leurs produits des fibres recyclées en polyester ou en coton. Une démarche qui séduit leurs clients eux-mêmes soucieux de réduire leur empreinte environnementale.
La fabrication de textile constitue, après l’industrie pétrolière, l’activité qui émet le plus de CO2. Sans compter la surconsommation d’eau. Ce double constat amène les fabricants de vêtements de travail professionnel engagés dans une démarche RSE à réduire leur impact environnemental en recourant à des matières premières recyclées (MPR) et traçables. Une stratégie en ligne avec la loi Anti-Gaspillage pour une économie circulaire (Agec) qui vise à limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. En date de février 2020, ce texte concerne les appels d’offres lancés par les services de l’État, collectivités territoriales et leurs groupements. Le décret d’application publié le 9 mars 2021 stipule que la valeur des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, devra représenter au minimum 20 % des dépenses annuelles consacrées à l’acquisition de vêtements professionnels et articles chaussants.
Les MPR suscitent l’intérêt des entreprises
Pour autant, plus d’un an après la promulgation du décret, la demande des collectivités tarde à produire des effets significatifs. En revanche, ce texte a trouvé écho auprès des grandes entreprises du BTP, de l’industrie ou des services engagés dans une stratégie RSE. En témoigne l’intérêt porté aux EPI et vêtements de travail utilisant des matières éco-responsables et labellisées GRS (Global Recycle Standard). Une mention qui garantit des textiles recyclés dans le respect des critères environnementaux. A l’instar de ce que propose T2S avec Long Life, une gamme d’EPI haute visibilité certifiée GRS et fabriquée à partir de matières recyclées. 50 % du polyester utilisé proviennent en effet du recyclage de bouteilles plastiques. « Les T-shirts, parka, softshell et sweat-shirt de cette gamme seront d’ailleurs présentés sur le salon Expoprotection du 15 au 17 novembre à Paris », indique Jean-François Lyonnet, directeur général de T2S, fabricant de solutions pour la sécurité et la signalisation routière basé à Sorbiers (Loire). Pour aller plus loin dans sa démarche RSE, T2S propose à ses clients une box de récupération baptisée Second Life. L’enjeu est de collecter et recycler les vêtements usagés en leur donnant une seconde vie. Les produits récupérés et tracés seront valorisés dans des cimenteries en tant que Combustibles solides de récupération (CSR) à haut pouvoir calorifique. Rappelons à cet égard qu’une tonne de CSR correspond à 0,5 tonne de pétrole. De quoi pallier à la pénurie énergétique.
Coton et polyester recyclés pour la gamme Etik
Répondre aux aspirations RSE des entreprises et de leurs porteurs, c’est aussi ce que revendique Parade, le célèbre fabricant de chaussures de sécurité. Après avoir lancé une première chaussure de sécurité responsable, ce dernier prolonge cette démarche avec sa collection Etik de sweat-shirt et t-shirt. Le textile est constitué de 50 % de coton recyclé et de 50 % de polyester recyclé. Labellisés Ecotec et fabriqués au Maroc, les sweat-shirts pèsent 350 g/m² et 160 g/m² pour les t-shirts, indique le fabricant qui adresse cette collection aux entreprises du BTP, second œuvre, logistique, distribution, et commerce.
De son côté, le fabricant Molinel répond aux engagements RSE des artisans avec Join The Wave, une gamme de vêtements de travail confectionnés dans des matières recyclées et recyclables. Egalement estampillées GRS, ces vêtements se veulent à la fois durables dans le temps et confortables grâce à la présence de la fibre polyester T400. Une fibre intrinsèquement élastique et rétractable afin de préserver la forme des produits. Cette gamme comprend, entre autres, des vestes, Bodywarmers, pantalons boxers et cottes qui se déclinent dans des tonalités de bleu, gris, couleurs tabac et cumin. Ils s’adressent à des professionnels, hommes et femmes, spécialisés dans les métiers de finition et d’installation.
Textile double face en coton bio et polyester recyclé
L’intérêt des entreprises pour les MPR a été anticipé par l’entreprise Maille Verte Vosgienne (anciennement Maille Verte des Vosges). Basée à Saint-Nabord, cette PME fournit aux confectionneurs de Workwear des textiles en maille pour la fabrication de sweat-shirt, polos et gilets. Depuis deux ans, elle propose des textiles double face fabriqués avec des fils importés de l’étranger. Ces tissus comportent une face haute visibilité composée de polyester recyclé et certifié GRS et une autre face en coton bio certifiés Gots (Global Organic Textile Standard) pour absorber l’humidité et apporter du confort au porteur. « Jusqu’en 2020, ces produits étaient commandés en petit volumes alors que depuis le début de 2021, ils font l’objet de commandes importantes de la part des grands comptes. Le secteur automobile nous interroge également sur ce type de produits pour de nouveaux projets », rapporte Rémi Lallement, le directeur export et marketing de l’entreprise. Laquelle propose actuellement quatre types d’articles en polyester recyclé et coton organique. Mais si la demande se maintient et s’accroît, elle envisage d’étoffer son offre avec trois ou quatre articles supplémentaires.
Cepovett veut démocratiser le vêtement circulaire
Créer des vêtements de travail à partir de MPR, c’est aussi l’objectif du groupe Cepovett. Après avoir participé à des projets pilotes entre 2015 et 2020 avec la Filature du Parc, le Centre européen des textiles innovants (Ceti) ou le fabricant de tissu TDV Industries, le groupe Cepovett souhaite aujourd’hui démocratiser le vêtement circulaire afin d’intégrer toujours plus de matières recyclées dans les produits de ses collections. A l’instar de ce tissu circulaire constitué d’un tiers de vêtements usés en fin de vie, un tiers de chute de production de coton et un tiers de polyester issus de bouteilles PET recyclées. Pesant environ 220 g/m², ce textile servira à la confection de vêtements de travail pour l’ensemble de ses marques. « Des tests validés par notre laboratoire ont déjà été accomplis sur des tabliers et des vestes de cuisine de chef », indique Marc Jacouton, directeur du développement durable et relations extérieures de Cepovett. Attendus pour 2024, ces vêtements de travail devraient trouver preneurs notamment auprès des grandes entreprises françaises et des distributeurs.
L’achat de vêtements neufs issus de l’économie circulaire implique d’en payer le surcoût. De l’ordre de 30 % sachant que des progrès ont déjà été accomplis. Il y a cinq ans, le prix d’un fil recyclé coûtait en effet 10 fois plus cher qu’un fil traditionnel, selon Marc Jacouton. Une des voies pour diminuer ce surcoût consisterait à massifier la collecte et la production de vêtements issus du recyclage. Un problème qui devra dans l’avenir est traité de façon collective pour l’ensemble de la filière. A l’instar de Refashion (anciennement Eco TLC), l’éco-organisme financier de la filière des textiles d’habillement, du linge de maison et des chaussures. En créant une filière dédiée aux vêtements de travail, les industriels pourront mutualiser les coûts de recyclage. Et ce, dans un contexte où les entreprises utilisatrices ont bien compris que le recyclage du textile a un coût qu’elles acceptent de payer en installant des box de récupération pour contribuer à la fin de vie de leurs vêtements de travail. Dans cet esprit, les comportements d’achat devront eux-aussi évoluer.
Eliane Kan
Commentez