Sapeurs-pompiers, secouristes, infirmiers et autres personnels soignants civils et militaires disposent de nouveaux moyens pour assister les victimes sur le terrain ou procéder à des examens. Et ce grâce au déploiement de cabines de télémédecine et d'hôpitaux de campagne de nouvelle génération.
Après un attentat, un incendie ou un accident routier, les sapeurs-pompiers sont la plupart du temps les premiers sur les lieux. Souvent, la situation réclame qu’ils puissent bénéficier rapidement de l’appui d’un médecin urgentiste. D’où l’intérêt de la télémédecine, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une conférence lors des 11èmes Journées Nationales des Infirmiers Sapeurs-Pompiers. L’événement s’est déroulé du 18 au 20 octobre 2018 au Palais des congrès de Perpignan. A cette occasion, les participants ont pu découvrir la plateforme Nomadeec, du nom de l’offre de télémédecine proposée depuis 2016 par la société Exelus, cofondée en 2014 par Louis Rouxel, médecin urgentiste et directeur médical, et Xavier Mauron, ingénieur diplômé de l’École nationale supérieure d’électronique, informatique, télécommunications, mathématique et mécanique de Bordeaux (ENSEIRB-Matmeca).
Bilan médical effectué au chevet du patient
Basée près de Bordeaux, cette PME de dix personnes commercialise depuis 2016 une valise de télémédecine déployée en France et à l’étranger. Destinée aux sapeurs-pompiers, ambulanciers, secouristes et médecins urgentistes, celle-ci renferme une application conçue pour réaliser des bilans médicaux complets enrichis de vidéos et de photos. En effet, le logiciel tourne sur une tablette à laquelle se connectent, par le réseau Bluetooth, différents accessoires comme un tensiomètre, un oxymètre de pouls, un électrocardiogramme, etc. « Une fois le bilan médical réalisé, il est transmis depuis le chevet du patient au médecin urgentiste afin qu’il puisse apprécier la situation en temps réel », indique Stéphanie Dulout, directrice du développement d’Exelus. « Nous dénombrons notamment une vingtaine de Samu ainsi qu’une centaine de sociétés d’ambulances privées qui l’utilisent », rapporte la porte-parole de la PME qui a bénéficié d’une levée de fonds d’un million d’euros en 2016.
Réalité augmentée au service de l’intervenant
En 2017, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 400 000 euros, contre un million d’euros en 2018. 20% de son activité concernent la téléconsultation qui se développe fortement en France et 80% la télémédecine d’urgence. Sur ce terrain, l’entreprise innove cette année en transposant son application sur le casque de réalité augmentée de Microsoft. Ainsi coiffé, l’intervenant pilote son application Nomadeec via une interface holographique, qu’il commande à la voix ou par gestes au lieu d’écrire. De quoi libérer ses mains et se concentrer sur l’examen de son patient. « Pour l’heure, cette application futuriste développée par la société Holoforge Interactive est expérimentée par des médecins militaires du ministère de la Défense », indique la porte-parole d’Exelus, qui s’apprête à lever des fonds pour poursuivre en France et à l’international ses développements dans la télémédecine d’urgence.
L’hôpital de campagne du futur en voie d’émerger
Cette discipline est appelée à se développer considérablement, avec les catastrophes induites par les changements climatiques. De quoi faire pousser des ailes au projet Hopicamp. « Il s’agit d’un projet de recherche financé par le Fonds unique interministériel (FUI), qui vise à déployer rapidement des hôpitaux de campagne sur des zones de catastrophe », indique Anna Philippe, chargée de mission innovation et services au pôle de compétitivité Safe Cluster, dédié à la sécurité et à l’aérospatial. Né de la fusion des pôles Risque et Pégase, il compte 450 membres. Dans ce contexte, le projet Hopicamp s’appuie notamment sur des utilisateurs finaux. A savoir les sapeurs-pompiers du Sdis 30 qui participent, avec l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile N°7 de Brignoles (UISC7), au déploiement de l’hôpital de campagne de la Sécurité civile française. Ce dernier étant baptisé Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (Escrim). Transportable par avion, cet équipement est déjà utilisé dans le cadre des missions internationales de secours d’urgence.
Des PME au sein du projet Hopicamp
Sont également parties prenantes du projet Hopicamp, l’Université de Nîmes, l’École nationale supérieure des mines d’Alès et quatre PME dont Utilis, le porteur de projet. En l’occurrence, il s’agit d’un fabricant de tentes dédiées aux besoins des militaires et secours civils. Le projet, qui vient tout juste de s’achever, se concrétise par un hôpital de campagne mobile de 35 m², produit hybride entre la tente et le conteneur, qui se déploie en cinq minutes. Équipé de murs en double peau isolée et d’un sol en dur, il est fourni avec du chauffage et des branchements électriques. « Par ailleurs, ce système résiste à des vents de 120 km/h, tandis que le plafond peut supporter 80 kg de neige au m² », explique Philippe Prévost, le fondateur et président d’Utilis. Un acteur français de la télémédecine dont le nom est confidentiel prend, lui aussi, part au projet Hopicamp. Il proposera une cabine de téléconsultation portative pourvue d’une liaison satellite. Tandis que Beweiss, une des quatre PME françaises du projet, fournit une offre de gestion et de suivi du matériel médical grâce à des puces RFID ainsi qu’un logiciel approprié. « Ces solutions sont très proches de la phase d’industrialisation », indique Gilles Dusseres, professeur à l’IMT Mines d’Alès qui a participé au montage, suivi et coordination scientifique du projet, auquel est aussi associé la PME Crise. Cette dernière est spécialisée, pour sa part, dans le Serious Game. L’enjeu pour cette entreprise est de former les futurs intervenants de l’hôpital de campagne, de sorte qu’ils sachent évoluer dans un environnement contraint et soient directement opérationnels, dès leur arrivée sur les lieux de la catastrophe.
Eliane Kan
Commentez