Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Les actes de malveillance désormais pris en compte dans l'accidentologie des installations industrielles

Les causes d'accidents industriels ne sont pas que techniques, organisationnelles ou naturelles. La malveillance en fait aussi tristement partie. Un phénomène d'autant plus dangereux qu'il est rarement pris en compte en tant que tel dans les analyses des risques et études de dangers.

Défaillance d’un équipement, conception erronée, erreur humaine, formation insuffisante, organisation défaillante, foudre, inondation, grosses chaleurs, grand froid… les causes de défaillances industrielles les plus fréquemment analysées sont généralement techniques, humaines (organisationnelles) ou naturelles. Or, selon la base de données Aria du Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles (Barpi), un organisme rattaché au ministère de l’Environnement, du Développement durable et de l’Energie (Medde), les actes de malveillance sont également à redouter bien qu’ils soient rarement pris en compte par les analyses des risques ou les études de dangers.
Bien sûr, il faut penser aux actes de terrorisme par lesquels certaines personnes ou organisations pourraient chercher à utiliser une installation à risque comme une arme. C’est l’objet des instructions gouvernementales récentes concernant les installations classées Seveso. Mais, comme le montre l’étude Éléments d’accidentologie sur les actes de malveillance dans les installations industrielles , réalisée par le Barpi, il faut également intégrer la « malveillance ordinaire » (vol, incendie ou pollution volontaires,…) comme cause possible d’un accident. En effet, cette synthèse de 20 pages se base sur l’analyse de retours d’expériences pour proposer des points de vigilance et axes de progrès dans la lutte contre les attaques malveillantes. Elle est destinée en premier lieu aux exploitants industriels, premiers concernés par la protection de leurs installations. Elle est également destinée aux services de l’État en charge de cette thématique.

4% des accidents recensés dans les ICPE. Même si la réglementation des installations classées ne vise pas spécifiquement à assurer la protection des sites contre la malveillance (la sûreté de ces installations faisant l’objet d’un corpus réglementaire distinct), l’action de l’inspection des installations classées contribue elle aussi à l’amélioration de la protection contre la malveillance. Les actions réglementaires de prévention menées au titre des installations classées doivent aussi permettre de limiter les possibilités d’occurrence et les conséquences d’un acte malveillant. Cette synthèse se base sur un échantillon global de 850 accidents survenus en France dans des Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) depuis 1992. L’accident le plus récent de cette sélection date du 29/06/2015. Ces 850 accidents représentent 4% du total des accidents recensés dans la base ARIA, sur cette période, dans des ICPE situées en France.
Dans cette étude, le terme de  »malveillance » est pris au sens large. En complément des accidents directement liés à un acte malveillant (c’est-à-dire un acte accompli avec la volonté de nuire, de porter atteinte aux biens ou aux personnes), les accidents faisant suite à une intrusion (c’est-à-dire le fait de s’introduire dans un lieu sans autorisation) ont également été pris en compte. En effet, même si l’intention première de ces intrusions n’est pas forcément de nuire, une présence inopportune entraîne fréquemment des dérives accidentelles. L’analyse de cette deuxième catégorie d’événements apporte des éléments intéressants sur la définition de moyens de lutte contre les intrusions.

Malveillance : 77% d’incendies. Enfin, les événements associés à des dépôts d’objets ou produits interdits sont recensés, même s’ils ont lieu sans intrusion (par exemple pendant les heures ouvrées d’une déchetterie). Les résumés de l’ensemble des accidents analysés sont disponibles en annexe de ce document et disponibles sur le site internet de la base de données Aria. Parmi les chiffres clés, l’incendie vient en tête des caractéristiques des accidents liés à la malveillance (77%), suivi de loin par les rejets de matières dangereuses ou polluantes (18%) et les explosions (8%). Quant aux circonstances de survenue des actes de malveillance, elles ont lieu pendant une phase d’activité réduite dans 36% des cas (307 cas). Ce nombre est probablement sous-évalué car l’information n’est pas systématiquement disponible même si l’accident est survenu de nuit, pendant une période de fermeture du site, d’absence du personnel…
A quelles périodes de l’année surviennent les accidents dus à un acte de malveillance ? En fait, toute l’année de manière relativement homogène, oscillant entre 8,6% et 9,9% en moyenne avec des pics en juillet (10,1%) et en août (10,6%). En effet, de nombreux sites industriels sont à l’arrêt ou en activité réduite pendant cette période. Ils constituent alors des cibles plus faciles qu’en période d’exploitation normale. A contrario, une légère diminution est constatée en période hivernale et plus spécifiquement en décembre (4,1%). L’étude du Barpi note des conséquences humaines dans 14% des cas. En général, celles-ci sont légères (seulement 1% de cas avec décès, 13,5% de cas avec blessés). En revanche, les conséquences sociales sont potentiellement importantes dans 32.5% des cas avec notamment la mise en place d’un périmètre de sécurité pendant l’intervention (14,2% des cas) et du chômage technique après le sinistre (15,5% des cas).

Le terrible poids de l’incendie. Le chômage technique intervient presque systématiquement lorsqu’un incendie entraîne une destruction de l’outil de travail ou du stock de marchandises. Les conséquences économiques sont alors très sérieuses car les préjudices entraînent des frais de réparation et des pertes d’exploitation dans 84% des cas. Il est relativement rare que les dommages atteignent l’extérieur du site et touchent des tiers (7,5% de cas avec détériorations matérielles chez des tiers et à peine plus de 1% de cas avec pertes d’exploitation chez des tiers). Les dommages concernent donc essentiellement l’établissement qui était ciblé par l’acte de malveillance. Quant aux conséquences environnementales, ils interviennent dans près de la moitié des cas (46%) avec des possibilités de pollution de l’air (28%), des eaux superficielles ou souterraines (14%) ou encore des sols (10,9%).

Erick Haehnsen

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