Influencés par le monde des loisirs et du sportswear, les fabricants de vêtements de protection ont accompli de gros efforts sur le design, l'ergonomie et le confort de leurs produits. Sans faire pour autant de compromis sur la sécurité des utilisateurs finaux.
Pour les salariés travaillant dans les usines mécaniques, les aciéries, les laboratoires de biologie ou dans les centrales nucléaires, le port d’une combinaison, d’un pantalon, d’une cotte, d’un tablier ou de tout autre protection est vitale. Dans son étude sur les vêtements de protection, l’INRS liste 8 grandes familles de risques susceptibles d’être limités par ces EPI. A commencer par les dangers mécaniques, thermiques et électrostatiques, les agents infectieux, les contaminations radioactives, la projection de produits chimiques, sans oublier le manque de visibilité. A chacun de ces risques professionnels correspondent des normes spécifiques (voir tableau) auxquelles les fabricants d’EPI sont tenus de se conformer. Cette nomenclature simplifie la tâche des responsables sécurité qui doivent non seulement recenser les dangers liés à l’activité des salariés mais aussi les prévenir avec les EPI appropriés, comme l’exige la directive 89/686/CEE.
Esprit sportswear
Dopé par la réglementation, le marché français des EPI prospère non plus seulement auprès des grands comptes mais aussi auprès des PME-TPE. Leurs salariés sont bien moins réticents qu’autrefois à enfiler leurs EPI. Il est vrai que pantalons, blousons, cottes et combinaisons ont vu leur design considérablement évoluer avec l’arrivée des fabricants nordiques comme Arbesko, Blaklader , BP ou Engel. « Ces fabricants sont précurseurs dans leur approche des équipements de protection en général, tant dans la technicité et l’ergonomie, que dans « l’esprit », constate Laurent Corbé, gérant d’Abisco, un site de vente de vêtements de travail qui distribue Blaklader et Arbesco. Bien sûr, les autres fabricants européens ont suivi avec des EPI au design très soigné, avec des coupes sportswear ou ajustées, qui s’inspirent largement du secteur des sports et des loisirs. Disponibles dans une large palette de coloris allant du jaune au noir en passant par le rouge, vert, bleu, ces nouvelles générations de vêtements techniques sont proposées en version monochrome ou bicolore, voire tricolore. Certains fabricants ou distributeurs vont même jusqu’à personnaliser les produits aux couleurs et aux logos des entreprises qui y voient un nouveau vecteur de communication.
Les principales normes applicables au vêtement de travail
– EN 340 définition de la spécificité des vêtements, exigences générales (marquage, tailles, ergonomie, vieillissement, pictogramme, etc.)
– EN342 vêtement de froid
– EN 343 vêtement contre les intempéries
– EN 381-5 vêtement de protection des jambes contre les scies à chaîne
– EN 381-11 vêtement de protection du buste et des bras contre les scies à chaîne
– EN 466 vêtement contre les produits chimiques
– EN 467 articles d’habillement offrant une protection contre les produits chimiques liquides à certaines parties du corps seulement.
– EN 469 vêtement de protection pour pompiers
– EN 471 vêtement de signalisation
– EN 510 vêtement de protection contre le happement
– EN 1149-5 propriétés antistatiques du vêtement
– EN 11611 (remplace la norme EN 470-1) Protection soudeurs (Retardateur flamme)
– EN 13034 Norme chimique
– Norme CEI 61482-2 (remplace la norme CLC TS 50354) Protection contre les dangers thermiques d’un arc électrique
Membranes techniques
Autre avancée majeure, ces EPI se révèlent tout à la fois confortables été comme hiver et plus légers que leurs prédécesseurs. Et ce, grâce à l’intégration de matériaux avancés comme le carbone et l’aramide ou le Cordura, une fibre polyamide développée par Dupont très résistante à l’abrasion.
« Il s’agit d’une matière très souple, qui résiste beaucoup plus longtemps dans le travail au quotidien », poursuit Laurent Corbé en citant l’exemple de Blaklader, qui garantit à vie les coutures de ses vêtements. Également de plus en plus répandue, l’introduction des membranes techniques coupe-vent et respirantes, comme le Windstopper ou le Sympatex. Son fabricant éponyme vient de mettre au point un nouveau tissu laminé imperméable « Ecolaminate » constitué de fibres polyester 100 % recyclées et recyclables. Une première dans le domaine. De son côté, Guy Cotten, le fabricant de vêtement de protection pour la pluie a inventé une membrane baptisée « Isolatech » qui vise, comme un double-vitrage, à limiter la condensation dans ses combinaisons, vestes et manteaux fabriqués dans du tissu PVC sans plomb. « Notre membrane Isolatech est placée au niveau des points de contact (dos et épaules) ce qui évite d’avoir une sensation d’inconfort », indique Pascal Beurier, responsable des ventes en France.
Autre progrès, les EPI sont de plus en plus souvent conçus avec les « utilisateurs finaux ». D’où l’apparition de nouveaux textiles antibactériens, de poches anti-ondes pour accueillir le téléphone, des boucles pour accrocher des outils à garder sous la main ou de zips qui transforment les pantalons en bermudas, etc. Autant de petits plus qui permettent aux fabricants de mieux faire passer l’augmentation du prix de vente des EPI due à la hausse du coût des matière premières.
Généralistes versus spécialistes
En France, l’activité « vêtements de protection » regroupe près d’une trentaine de fabricants majeurs. La majorité d’entre eux disposent d’une offre suffisamment large pour couvrir tout ou partie des risques sériés par l’INRS. Parmi lesquels, citons Delta Plus, Honeywell Safety Products (anciennement Sperian), Kiplay, Lafont, Molinel, Muzuelle Dulac Hasson et Sioen. Face à ces généralistes, les spécialistes se positionnent sur une ou deux familles de risques. A l’instar de 3 M et T2S, tous deux spécialisés dans les vêtements haute visibilité (HV), MSA Gallet qui se distingue avec ses combinaisons et scaphandres de protection chimiques. Un secteur sur lequel se positionne aussi North Safety Products, qui adresse en plus la contamination radioactive. Citons par ailleurs EDC Protection pour la menace thermique. « Nous fabriquons une ligne de vêtements aluminisés et souples à base de fibres de carbone et de para-aramide », indique Philippe Keller, son P-dg. Ce textile très technique est recouvert d’un film aluminium qui renvoie la chaleur tel un miroir. Manteaux, combinaisons, tabliers et autres articles vestimentaires sont quotidiennement portés par les opérateurs travaillant dans des usines sidérurgiques ou dans des aciéries où la température des matériaux dépasse les 1 400 degrés. Pour leur confort, la doublure des EPI est composée d’un coton ignifuge qui peut être renforcé, dans des cas extrêmes, d’un feutre fin, léger et souple en carbone/para-aramide. Parmi ses nouveautés, le fabricant présente une veste en molleton aluminisé souple avec un dos en tissu pour plus de confort et de légèreté et répondant à la norme ISO 11612.
Vêtement personnalisable
La norme Iso 11612 relative à la protection contre la chaleur convective et rayonnante, les projections de métal en fusion et la flamme est assez récente et remplace la norme EN531. Principale différence : « Les propriétés du vêtement sont testées non plus seulement en amont mais aussi en laboratoire après 50 lavages », fait valoir Magalie Chabot, chef de produit vêtements techniques chez Honeywell Safety Products (anciennement Sperian). Ce fabricant présente une nouvelle collection d’EPI de catégorie 2 combinant 93 % de Nomex® (un méta-aramide), 5 % de Kevlar® et 2 % de fibres antistatiques. Ce qui lui confère une très bonne résistance à la chaleur mais aussi à l’abrasion, aux déchirures, et aux produits chimiques. Surtout, cet EPI se révèle particulièrement léger puisqu’il est proposé en 165 mg/m2 ou en 220 mg/m2. Les matières classiques n’ont évidemment pas dit leur dernier mot comme en témoigne la gamme Multisafe HV (75 % de coton et 24 % polyester ainsi qu’1 % de fibres antistatiques). Laquelle répond à quatre autres normes. A savoir, l’antistatique, la résistance aux produits chimiques, à la chaleur et la flamme et pendant le soudage (classe 1). Comme la gamme Nomex®, ses coutures sont en fibres aramides et elle bénéficie d’un traitement fluorocarbone pour des effets hydrofuges et oléofuges. A partir de 100 pièces commandées (toutes tailles confondues), le fabricant propose aux entreprises de personnaliser les vêtements en rajoutant le logo de l’entreprise brodé ou thermocollé ainsi que des bandes rétroréfléchissantes
La haute visibilité en lice
Aider au repérage des opérateurs sur la route ou sur les chantiers, plates-formes et autres zones dangereuses constitue une priorité pour les entreprises. « La majorité des demandes portent en premier sur des vêtements HV, ensuite vers des EPI destinés aux risques soudure et à la protection chimique », observe Serge Collomb directeur d’enseigne chez EPI Center, qui réunit une cinquantaine de sociétés en France et au Luxembourg. « La tendance est aux vêtements multirisques qui intègrent la HV », confirme par ailleurs Adeline Fradet, chef de produit EPI chez Elis, un loueur de vêtement. « Ce besoin ne se limite plus aux personnes travaillant sur la voirie mais s’étend à de nombreux services dans l’entreprise (maintenance, manutention…) où des chariots élévateurs peuvent circuler », poursuit la spécialiste. Elis montre la voie en enrichissant ses vêtements HV avec d’autres protections contre les projections de produits chimiques, les flammes tout en dissipant l’électricité statique. « Attention toutefois, il est important de ne pas accumuler un maximum de normes EPI sur un même vêtement », met en garde la spécialiste. « La protection contre les projections de produits chimiques peut être rapidement détériorée par les activités de soudage qui peuvent provoquer des trous dans le vêtement. »
Le multirique en vedette
L’engouement en faveur des vêtements multirisques n’est pas prêt de faiblir. En effet, avec ce type d’EPI, les entreprises utilisatrices homogénéisent leurs modèles d’EPI. Et ce, de sorte à en simplifier la gestion et l’entretien. La plupart des fabricants répondent à cette évolution du marché. A commencer par Muzuelle Dulac Hasson dont la gamme Tech Line Multirisque Zone Atex convient tout particulièrement aux atmosphères explosives (directive ATEX utilisateurs 1999/92/CE). Destinés, entre autres, aux secteurs des stations services, raffinerie, etc. ces vêtements protègent aussi les utilisateurs contre la chaleur, les flammes, les produits chimiques ou acides, mais aussi l’arc électrique. De son côté, Sioen présente une parka étanche haute visibilité avec protection à l’arc électrique et la protection aux flammes. Idem pour BP dont la nouvelle collection va un cran plus loin avec une protection chimique et thermique grâce à sa composition contenant 20 % d’aramide. Proposées en orange ou en jaune dans un design très sportswear, ses salopettes BP Hi-Vis sont visibles de jour comme de nuit. Elles répondent aux besoins des soudeurs (EN 11611) et protègent notamment contre les effets de l’arc électrique (EN 61482), les produits chimiques (EN 13034) et les UV. Cerise sur le gâteau, les vêtements bénéficient du label Oeko-tex standard 100, qui certifie l’absence de substances nocives.
Prévenir l’hygroma du genou
Garantir aux utilisateurs l’innocuité des vêtements permet aux fabricants de se démarquer de leurs concurrents. Idem quand ils adoptent la carte du développement durable en choisissant avec soin leurs fournisseurs. C’est justement le cas de Kiplay. Ce fabricant français lance une gamme de vêtements HV et écoconçue en tissu bio équitable avec du polyester recyclé. « Par ailleurs, nous avons lancé un pantalon destiné à prévenir les risques d’hygroma du genou pour les professionnels du BTP », annonce Marc Pradal, le P-dg de l’entreprise. Ce pantalon répond aux besoins des professionnels qui travaillent à genoux. En travaillant dans cette position, bon nombre de salariés souffrent d’inconfort, voire même de blessures provoquées par les surfaces dures ou parsemées de graviers. 300 000 professionnels tels que les couvreurs, carreleurs, électriciens, et plombiers sont exposés au risque de gonflement du genou. « Nous travaillons depuis plus de quinze ans sur la prévention de l’hydroma avec l’INRS », explique le P-dg. Contrairement à ses concurrents, entre autres Lafont, Muzuelle Dulac et Molinelle qui proposent des pantalons EN 14404 comportant des poches genouillères pour accueillir une mousse de protection amovible, la solution de Kiplay joue la différence. En effet, la plaque protectrice est enfermée dans une poche indéchirable en Cordura fermée par une triple couture et qui supporte une température de lavage de 60 degrés contre 40 degrés pour les produits concurrents.
Former les utilisateurs
En matière de vêtement de protection, la question de l’entretien est cruciale, comme le souligne Céline Maillard, chef de marché chez Initial, un autre loueur de vêtement.s Cette dernière rappelle que la directive 89/686/CEE oblige les entreprises à mettre les EPI gratuitement à la disposition de leurs salariés et à en assurer l’entretien en respectant la notice d’utilisation et la traçabilité des lavages. Faute de quoi, en cas d’accident ou d’un manquement à une étape du processus, le dirigeant peut en être tenu pénalement responsable. Dernier point important, les salariés doivent être formés au port de leur EPI car bon nombre ne savent pas qu’un vêtement technique doit se porter col fermé.
© Eliane Kan/Agence TCA-Innov24
Les vêtements intelligents tissent leur trame
Intégrer une puce électronique ou un capteur pour vérifier que l’opérateur porte bien les protections adéquates ou qu’il ne dépasse pas un seuil de température permettra demain de limiter le nombre de morts et de blessés dans le monde du travail.
Pas facile de vérifier qu’un salarié porte bien les EPI qui lui ont été affectés. D’où l’idée d’intégrer des puces électroniques dans les vêtements, gants et chaussures. Résultat, une fois identifiés par leur badge, les lecteurs pointeront immédiatement les protections manquantes ou inadéquates. Ce type de scénario n’est pas encore pour demain car cela requiert d’une part d’abaisser drastiquement le coût des applications RFID mais aussi de miniaturiser les puces électroniques contenues dans les tissus. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) y travaille dans le cadre du projet Diabolo. Ses chercheurs ont développé une technologie qui intègre dans la trame d’un textile de minuscules étiquettes électroniques RFID (Radio Frequency ID) de 300 microns. Quasiment invisibles, ces puces sont entièrement réalisées sur une galette de silicium par des procédés classiques de dépôts et gravures. « Ces puces sont montées sur un fil métallique qui peut être tissé avec des fibres textiles », indique Dominique Vicard, un des inventeurs du procédé.
La fabrication de textiles intégrant dans leur trame des puces ou des LED constitue un premier pas vers la confection à l’échelle industrielle de tissus intelligents embarquant différentes fonctions électroniques. Le CEA y travaille désormais puisqu’il participe au projet Pasta (Platform for Advanced Smart Textile Applications) comme d’autres instituts de recherche, financé dans le cadre du 7e Programme cadre de de recherche et développement de l’Union européenne (PCRD). L’objectif étant notamment d’industrialiser le tissage de textiles dotés de LED ou de fonctions d’alerte.
« Nous travaillons avec différents tisseurs afin d’adapter les machines à tisser existantes et obtenir d’ici 18 à 24 mois un premier tissu « électronique ». »
Soldat du feu
Parallèlement, des chercheurs du laboratoire Gemtex (GEnie et Matériaux TEXtiles) au sein de l’Ecole nationale supérieure des arts et industrie textiles (Ensait) de Roubaix ont travaillé sur une autre piste. Cette fois, il s’agit de détecter un seuil critique de température dans les uniformes de pompier. Un développement qui serait salutaire pour ces soldats du feu. En effet, la chaleur de l’incendie s’emmagasine dans les différentes couches de leur vêtement de protection. Au-delà d’une certaine température, elle peut se libérer et provoquer des brûlures graves. Un risque que pourrait bien écarter le dispositif mis au point entre 2006 et 2010 par Aurélie Cayla, à l’époque chercheuse au Gemtex (GEnie et Matériaux TEXtiles).
Son invention se présente sous la forme d’un capteur souple, une sorte de patch dont la trame est constituée de fils conducteurs textiles, issus d’un mélange de nanotubes de carbone et de polymères, sensibles à certaines températures. Lorsque le seuil critique est atteint, le détecteur change de conductivité électrique. « Cette modification est enregistrée par deux électrodes cousues grâce à deux fils d’argent à même le capteur et reliées à un boîtier électronique, qui va alors diffuser un signal sonore ou lumineux », indique la chercheuse qui a travaillé dans le cadre du projet Inteltex (INTELligent multi-reactive TEXtiles integrating nano-filler based CPC-fibres). Un programme coordonné par l’entreprise Nanocyl de 2006 à 2010 dans le cadre du 6e Programme cadre de R et D (PCRD). « Ce type de capteur souple combinant des nanotubes de carbone et des polymères spécifiques ouvre la voie à d’autres applications comme la détection de solvants ou de gaz », indique Aurélie Cayla future maître de conférence à l’Ensait.
© Eliane Kan/Agence TCA-Innov24
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