Ce rapport préconise un renforcement des polices municipales (PM) et des sociétés privées de sécurité. Première concrétisation avec la signature d’une convention de partenariat entre le ministère de l’Intérieur (forces de sécurité de l’État) et les entreprises privées de sécurité le 11 février dernier.
Remis le 11 septembre dernier au Premier ministre par deux députés LREM, l’avocate Alice Thourot (Drôme) et Jean-Michel Fauvergue (Seine-et-Marne), ex-patron du RAID, le rapport de la mission parlementaire sur le continuum de sécurité propose 78 mesures. Audacieux, ce document préconise ainsi la création d’une école nationale de police municipale, l’armement obligatoire de la police municipale, la promotion d’une instance unique de partenariat local. Comment assurer la « coproduction de sécurité », aujourd’hui souvent déficiente, entre les forces de sécurité d’État (Police et Gendarmerie nationales), la police municipale et les sociétés de sécurité privée ? Quels sont le rôle, les attributions et la place de chacune de ces forces ? Comment bâtir un véritable dispositif de sécurité globale pérenne, le fameux continuum de sécurité, tel celui qui a été expérimenté avec succès lors de l’Euro 2016 ?
Du « continuum de sécurité » vers la « sécurité globale »
Le rapport Thourot-Fauvergue part d’un constat : près de 250 000 personnels composent les forces de sécurité de l’État (Police et Gendarmerie nationales) pour protéger les Français sur le territoire national et lutter contre la menace terroriste. En comptant les 21 500 policiers municipaux et les 165 000 agents privés de sécurité, on peut tabler sur une force impressionnante dépassant les 430 000 personnels susceptibles d’être mobilisés. Tout en sachant qu’ils ne sont pas interchangeables : « Chacun a son périmètre de compétence, chacun a son registre d’intervention. Néanmoins, sur le terrain, toutes ces forces échangent et coopèrent entre elles. Leur articulation et les conditions de leur collaboration contribuent à la qualité de la coproduction de sécurité, dans le cadre d’un « continuum de sécurité » dont la mission [parlementaire] avait à définir les contours et les règles », indique le rapport. Cependant, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue veulent faire évoluer le concept de continuum de sécurité vers celui de « sécurité globale », qui devrait mieux correspondre à l’idée d’une participation de tous à la construction et la mise en œuvre d’un dispositif où chacun est mobilisé dans un objectif commun.
Des polices municipales plurielles et en manque de reconnaissance
Depuis une trentaine d’années, les polices municipales sont désormais inscrites dans le paysage de la sécurité. Reconnues sur le terrain par les policiers et les gendarmes nationaux, elles s’appuient souvent sur des équipements modernes et assurent des fonctions de médiation sur leur territoire. « Enfin, les débats passés, portant notamment sur la faculté d’armer les policiers municipaux, apparaissent désormais révolus tant ces derniers sont maintenant intégrés aux paysage institutionnel », souligne le rapport. Reste que les policiers municipaux se sentent en situation d’infériorité par rapport aux policiers et gendarmes nationaux et regrettent le manque de coordination avec les forces de sécurité de l’État. Ils souhaitent être perçus comme une force à part entière, exerçant des missions propres. Par ailleurs, il vaudrait mieux parler « des polices municipales » au pluriel tant elles diffèrent d’une ville à l’autre dans leurs fonctions, leurs formats ou leurs statuts.
Sociétés privées de sécurité : « peut mieux faire »
Quant aux sociétés privées de sécurité, leur secteur essuie de nombreuses critiques. Eclaté, il présente de grandes fragilités qui contribuent à l’affaiblir. En outre, les prestations assurées par les agents privés de sécurité sont très hétérogènes. A la différence des polices municipales, les sociétés privées de sécurité ne présentent pas toutes des garanties de fiabilité et de professionnalisme pourtant indispensables pour aller plus loin dans le sens d’une collaboration avec les services de sécurité de l’État. Malgré la carte professionnelle du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS). La mission parlementaire considère qu’il ne doit pas exister de fatalisme en la matière : « Chez certains de nos voisins, notamment en Espagne, où la mission s’est rendue, le secteur de la sécurité privée est considéré comme un partenaire fiable pour les forces publiques qui travaillent avec, de manière étroite et efficace. » Le rapport se montre cependant nuancé : « En France, plusieurs activités sont désormais exercées par des sociétés et des agents privés, dans des conditions qui ne suscitent ni inquiétude ni remise en cause. C’est par exemple le cas des inspections-filtrages dans les aéroports ou du transport de fonds. » Ces réussites ont néanmoins des caractéristiques communes : plus grande exigence dans le recrutement, meilleure formation et meilleure rémunération pour ces agents, davantage de contrôles donnant lieu à des sanctions en cas de défaillances. C’est en s’inspirant de ces méthodes que l’excellence, qui doit être recherchée, pourra être atteinte.
Vers une nouvelle approche de la formation
Sur la base de ce constat, la mission a dressé des recommandations. Parmi les priorités transversales, les députés insistent particulièrement sur la dimension humaine des acteurs de la sécurité : « En effet, les métiers de la sécurité, publique ou privée, nationale ou locale, reposent d’abord et avant tout sur les hommes et les femmes qui les exercent. Bien des progrès peuvent être accomplis afin de renforcer leur professionnalisation mais également leur connaissance réciproque, préalable indispensable aux synergies entre les forces. » Ainsi la mission souhaite notamment bâtir une filière complète et intégrée des métiers de la sécurité, de la classe de troisième jusqu’aux études universitaires supérieures et favoriser les passerelles entre les différents acteurs de la sécurité. Dans cet esprit, la formation des policiers municipaux pourrait également gagner en qualité et en homogénéité. Aussi, la mission propose-t-elle de créer une école nationale des polices municipales. Dans ce cadre, les échanges avec les forces de sécurité de l’État pourraient être développés et renforcés. En outre, les titres et grades des policiers municipaux pourraient être revalorisés.
Diffusion d’une culture de la sécurité
La seconde priorité transversale concerne la police de sécurité du quotidien (PSQ). La mission considère que les services les plus à même d’apporter les réponses adaptées sont d’abord les acteurs de terrain. Entre autres, les services de l’État doivent être pleinement reconnus et installés comme ceux qui assureront le pilotage de l’ensemble du dispositif. La mission propose de raisonner désormais par bassin de vie, en permettant aux services de l’État de s’appuyer sur des outils de collaboration qu’ils pourront librement constituer et adapter. Afin de favoriser cette approche, les députés souhaitent encourager le développement des polices municipales intercommunales ainsi que les actions de mutualisation entre polices municipales. Dans le même temps, elle propose de renforcer les moyens qui permettront aux polices municipales de travailler dans les conditions les plus efficaces avec les forces de sécurité de l’État. En parallèle, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue préconisent de rendre obligatoire l’armement des policiers municipaux, sauf décision motivée du maire, d’étendre leur capacité à consulter certains fichiers. Une autre clé de la réussite reposera sur la diffusion d’une culture de la sécurité dans l’ensemble de la société. Cette culture doit toucher les citoyens, les entreprises, ou les consommateurs de services de sécurité. Elle implique de saisir les difficultés d’aujourd’hui et d’anticiper celles de demain.
Des ambitions particulières pour la sécurité privée
Concernant la sécurité privée, les pouvoirs publics veulent renforcer l’encadrement intermédiaire, imposer une condition de garantie financière, encadrer strictement les règles de sous-traitance et introduire un régime de responsabilité solidaire, pour les donneurs d’ordres notamment. Objectif : faire évoluer les mentalités. A commencer par les pratiques en matière de marchés publics, afin de passer d’une logique du moins-disant à celle du mieux-disant. En outre, le secteur pourra se professionnaliser en s’appuyant sur une démarche de certification des professionnels et des sociétés. Important, la mission souhaite offrir aux personnels de cette filière une reconnaissance et une protection accrues ainsi que des conditions de travail mieux adaptées. En renforçant la sécurité privée, les forces de sécurité de l’État seront davantage en mesure de considérer le secteur comme un partenaire plus solide. Outre une participation accrue aux dispositifs de partenariat, la mission propose d’associer les sociétés privées de sécurité à certaines activités actuellement exercées par les services de l’État, comme c’est de plus en plus régulièrement le cas. Enfin, la mission compte revoir non seulement le fonctionnement du CNAPS, mais aussi son périmètre. Elle insiste sur l’importance des contrôles que ce dernier diligente et sur les sanctions prises en conséquence. En particulier, elle souhaite renforcer la publicité des sanctions contre les infractions commises dans le cadre d’activités privées de sécurité. Y compris pour les donneurs d’ordre publics comme privés.
Complémentarité des forces
La rapport Thourot-Fauvergue vient de trouver sa première concrétisation avec la signature d’une convention de partenariat entre le ministère de l’Intérieur (forces de sécurité de l’État) et les entreprises privées de sécurité, ce lundi 11 février à l’Hôtel de Beauvau. Ont été reçus par Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Stéphane Volant, président du Club des Directeurs de Sécurité et de sûreté des Entreprises (CDSE), Pascal Pech, président du Syndicat National des Entreprises de Sécurité (SNES) et Claude Tarlet, président de l’Union des entreprises de Sécurité Privée (USP). « Au travers de cette convention, nous aurons des outils pour échanger avec les forces de sécurité de l’État mais surtout, nous aurons une meilleure connaissance des hommes. Nous [les entreprises privées de sécurité] ne sommes pas là pour prendre le boulot des policiers ou des gendarmes », a tenu à affirmer Pascal Pech. Pour Claude Tarlet, cette signature traduit un « enjeu considérable, un état d’esprit de confiance et de complémentarité. Cela doit se mériter. La confiance commence par la capacité de dresser ensemble un constat de ce que peut faire ou ne pas faire ce secteur économique […]. Pour mériter cette confiance, le secteur devra améliorer sa compétence, rendre attractif le métier et travailler avec tous les corps de métier du continuum de sécurité : police et gendarmerie nationales, sécurité civile, police municipale. Nous devons trouver notre place. Rien de plus, rien de moins. »
Erick Haehnsen
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