Réformer la santé au travail dans la fonction publique afin de proposer aux fonctionnaires le même niveau de service que dans le secteur privé, tel est l’enjeu du deuxième rapport Lecocq qui a été remis le 28 octobre au Premier ministre.
Coécrit par Charlotte Lecocq, députée LREM du Nord, Pascale Coton, vice-présidente de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et vice-présidente du Conseil économique social et environnemental (Cese) et Jean-François Verdier, inspecteur général des finances, le second rapport [https://www.cftc.fr/wp-content/uploads/2019/10/projet-de-rapport-sante-securite-et-qualite-de-vie-au-travail-dans-la-fonction-publique-1.pdf] Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance, a été remis au Premier ministre ce 28 octobre dernier. Il préconise d’améliorer le système de santé au travail de la fonction publique. L’ambition est de l’amener au même niveau que celui du secteur privé. Les auteurs conseillent notamment d’harmoniser les pratiques et de mutualiser les moyens. Cela, d’une part entre la fonction publique et le secteur privé, et d’autre part entre les trois fonctions publiques : celle de l’État (FPE), territoriale (FPT) et hospitalière (FPH). En effet, un déséquilibre important a été constaté entre ces différents régimes. La situation serait même préoccupante, par exemple dans la police et les hôpitaux. Notamment en matière de risques psychosociaux (RPS).
« Ça ne peut pas continuer comme ça »
Pour sa part, Pascale Coton a recueilli les témoignages d’un certain nombre de fonctionnaires dont le malaise apparaît dans le rapport. « Ils souffrent de ne pas pouvoir faire leur travail correctement », rapporte-t-elle. Elle cite l’exemple d’une infirmière qui n’hésite pas à passer un quart d’heure à rassurer une patiente âgée. Mais « dans la clandestinité », parce que ce n’est pas compris dans le protocole de soins. Autre exemple, celui des pompiers dont les agressions physiques et verbales se banalisent, faute de sanctions. En outre, les fonctionnaires se plaignent de ne pas être assez consultés, notamment sur les réorganisations et les mutations. « Ils ont pourtant plein d’idées, reprend Pascale Coton. En fait, tout se passe sans eux ! » De manière générale, Pascale Coton constate un manque de reconnaissance des fonctionnaires de santé. « Ça ne peut pas continuer comme ça car ces cas ne sont pas isolés ». Selon la vice-présidente de la CFTC, les agents devraient avoir le capacité de participer à l’amélioration de leurs conditions de travail. « C’est ce qu’on appelle le dialogue social. Et ça ne coûte rien, il suffit d’y consacrer un peu de temps », résume-t-elle.
Le PST de la fonction publique pour mars 2020
Enfin, Pascale Coton estime que le Premier ministre a compris le malaise des fonctionnaires. Celui-ci leur a annoncé un plan « santé au travail » (PST) 2020-2024 pour la fonction publique qui devrait être présenté en mars 2020. Les services en santé au travail ont deux axes : le suivi médical des travailleurs et la prévention des risques professionnels. A cet égard, le second rapport Lecocq préconise, dans la fonction publique, de faire converger le niveau de ces services vers celui du secteur privé. Et d’harmoniser l’offre de services entre les trois versants de la fonction publique. Ce qui passe par tout un ensemble de mesures. A savoir renforcer l’inspection des conditions de travail en la rendant plus coercitive. Et, pour la FPT, sensibiliser et former les élus aux enjeux de la prévention. Mais il conviendrait aussi de simplifier l’obligation d’évaluation des risques et renforcer l’obligation d’action ainsi que mieux suivre la santé des agents en alignant, dans les trois fonctions publiques, le rythme des visites médicales sur celui du privé, en développant les équipes pluridisciplinaires. Enfin, il s’agit aussi de renforcer l’articulation entre Cap-emploi (pour les travailleurs handicapés) et les services de santé au travail. Quant à la mutualisation des moyens, elle est également préconisée par le rapport. Il s’agirait par exemple de rapprocher les acteurs de la santé au travail du privé et du public ou d’organiser des actions communes de prévention.
Une nouvelle organisation territoriale proposée
La mise en œuvre de cette convergence passerait par une nouvelle organisation territoriale des acteurs de la santé au travail. Le rapport ne préconise pas de modèle unique mais donne plusieurs pistes – certaines étant cumulables. Tout d’abord, les services de santé au travail de la FPE et de la FPT pourraient être mutualisés. Au sein de la FPH, serait alors créé un pôle « santé et sécurité au travail » par groupement hospitalier de territoire. Des services de santé au travail interentreprises, relevant du secteur privé, pourraient également être ouverts aux agents. Alternative à cette dernière piste, une structure de prévention en santé au travail pourrait être créée dans chaque département ou région. Elle s’adresserait aussi bien aux salariés du privé qu’aux agents de la fonction publique.
Socle commun de services
Quelle que soit l’organisation territoriale retenue, le rapport préconise un socle commun de services proposés aux travailleurs du privé et du public. Comme le suivi médical des agents, l’accompagnement pluridisciplinaire en prévention des risques, également composé d’une cellule dédiée à la prévention et au traitement des risques psychosociaux. Citons aussi l’aide au maintien dans l’emploi, la formation des acteurs dans l’entreprise et la collecte des données relatives à la santé et sécurité au travail.
Pilotage national et régional
Enfin, les auteurs du rapport proposent une série de mesures visant à organiser le pilotage de l’ensemble du système. Au niveau national, il conviendrait de faire inscrire dans la loi un plan de santé au travail dans la fonction publique (PST-FP). Une délégation interministérielle assurerait la coordination avec le PST du privé qui existe déjà. Cela permettrait de réaliser des orientations conjointes et une mutualisation des moyens. Le PST-FP serait ainsi décliné au niveau régional (PRST) ans les Comités régionaux d’orientation des conditions de travail (CROCT) qui sont des organismes paritaires où siègent représentants patronaux et syndicaux. Ils sont chargés de définir les plans régionaux de santé au travail (PRST). Les CROCT seraient chacun pourvus d’un nouveau collège représentant la fonction publique. Les PRST incluraient donc les orientations relatives à la fonction publique.
Erick Haehnsen
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